Sex outside the city

Dans la calviniste Chaux-de-Fonds, les clubs libertins sont inexistants. Où vont les échangistes baiser? Autre part. Interview coquine.

Si un jour gris, vous tapez clubs libertins sur un moteur de recherche, vous trouverez des dizaines d’adresses en Suisse et des centaines en Europe. 1000METRES.CH a voulu savoir où se rendent les Chauxois·es qui s’envoient en l’air à plusieurs. Un adepte a accepté de nous guider dans la géographie libertine à proximité. Selon les codes du milieu, il souhaite rester anonyme.
Il travaille dans une entreprise horlogère de la ville et y habite, appelons-le Hans. Notre reporter a fait sa connaissance en s’inscrivant sur un groupe de contact du Net, en demandant si quelqu’un·e serait d’accord de raconter ses pratiques.
Ça a pris quelques mois. Cédant à l’exhibitionnisme, Hans a été tout content de narrer des aventures qu’il tait en public. «Je suis bisexuel, je fréquente tant les saunas gays que les clubs libertins. Je ne suis guère intéressé par les bordels de luxe que l’on trouve en Suisse allemande aux sorties d’autoroute. Je fais une différence nette en sexe tarifé et gens consentants». Ça a le mérite d’être cash. 1000METRES.CH a parlé avec lui au téléphone.

Rencontres préalables…

Avant de se déplacer pour forniquer, une partie des jouisseurs, redoutant de ne trouver personne à leur goût en club, utilisent lune plateforme de rencontres pour établir le contact puis s’accorder sur les pratiques désirées ou refusées. Cette approche est chronophage, tant le choix est vaste. «Reste que cela émoustille d’avance, note Hans, on voit des photos, on fantasme et c’est déjà un bon moment». Il admet que la quête n’aboutit pas toujours et qu’une fois en face des gens contactés, on est parfois surpris, voire déçu. «Cela fait partie du jeu».

… ou sur place

Plus aventureux, certain·es préfèrent se rendre sur place et y faire spontanément connaissance avec le futur cavalier ou l’écuyère présent·e. «Dans plusieurs clubs, on mange une morce en début de soirée pour faire connaissance avant de se déshabiller dans un coin câlin. C’est guère gastronomique, cela permet une première approche conviviale.»

Ils ne sont pas tous comme ça…

Dress code précis

«Pour aller en boîte à cul, il faut une certaine garde-robe, précise Hans, c’est très cliché: les femmes en dessous sexy ou grand décolleté, les hommes en costard ou jeans chemise ou en slip de plage. Le dresscode est presque partout identique en club mixte. Il faut savoir qu’il y a des règles à respecter, comme dans toute boîte de nuit, sinon le videur vous prie sans ménagement d’aller voir ailleurs». On peut résumer ces règles en un principe: les dames choisissent leurs partenaires dans le respect de chacun. «Donc, si on veut, les mecs se prennent des râteaux à longueur de soirée s’ils ne savent pas s’y prendre ou attendre».

Voyager pour coquiner

Où se rencontrent les libertin·es? Cela dépend du rayon d’action envisagé, des couples préfèrent aller loin pour ne pas risquer de rencontrer leurs voisins.
Les clubs des alentours sont à Corcelles près Payerne ou à Oensingen . «Il existe un nouveau club gay à Genève, c’est nouveau, je n’y suis pas encore allé», explique Hans. «Un des rares clubs en centre-ville est à Lausanne. On y trouve aussi sous-gare un des derniers ciné pornos de Suisse romande, le Moderne. Genève affiche plusieurs saunas, mais j’y vais rarement.
Si vous n’avez pas l’angoisse de rentrer de nuit, allez plutôt en France voisine, au bien nommé village de St-Vit.
Si vous avez le temps, poussez jusqu’à Mulhouse pour visiter un des plus grands clubs de la région, l’Altromondo. Là, mieux vaut piger un minimum d’allemand, car il y a beaucoup de germanophones. Leurs soirées à thème ont des titres aguichants, genre Fuck my wife, Anniversaire du Patron, soirée Débutants, mais cela ne correspond pas toujours à la réalité sur place».

Dans la veine pratique, les prix pour personne seule sont discriminatoires: les femmes solo ne payent rien alors que les mâles solitaires payent plus que les couples. «Le phallocentrisme a encore de beau jour devant lui, note notre guide, ça reste beaucoup une chasse à la femme, seule différence, elle peut refuser sans soucis».

Mec à déshabiller

Baiser en groupe

Quel est le public de ce genre de lieu? «Un peu de tout, rigole Hans, cela va du couple qui, tout timide, vient voir comment cela se passe et reste coincé sur un canapé toute la soirée, après avoir refusé de nombreuses propositions, aux jeunes qui viennent en équipe danser et mesurer leur sex-appeal. Des femmes seules viennent faire leurs exercices de pole dance, sans du tout s’impliquer au-delà, alors que certaines plus exhib, font carrément des strip-tease très hot. Je n’ai jamais vu en club mixte de strip-tease masculin, c’est un milieu assez plan-plan en matière d’ouverture LGBTQIA+».

«Question milieu social, c’est vraiment mixte: ouvrier, facteur, avocat, professeur d’université, petite commerçante, coiffeuse ou infirmière, femme d’affaire ou mère de famille. On rencontre même de vraies grand-mères en bas, string et jarretelle qu’on imagine plutôt tricoter, il y a en pour tous les goûts, des mecs supers musclés en slip de bain aux vieux bedonnants au regard libidineux, sans oublier les couples déjantés qui passent la soirée à draguer d’autres gens. Tout y passe, c’est un des charmes de ces clubs».

Trouver chaussure à son pied

«Le premier défi consiste à approcher la personne désirée, mâle ou femelle ou peu défini. Terrain de séduction, la piste de danse est l’endroit privilégié du contact sensuel, où les amazones en goguette font le tri des prétendants baisables. Le bar favorise aussi les préliminaires, pour ceux que les paroles salaces excitent ou qui se croient obligé d’offrir un verre avant de conclure à l’horizontale. Alors qu’à mon avis c’est mieux après, lorsqu’on a vraiment soif…».

Peu ou pas d’homosexuel·les

La mixité des pratiques intersexuelles n’est pas totale en ces lieux de frotti-frotta. Ainsi, lesbiennes et gays exclusifs ont des clubs réservés. Les homosexuel·les pur·es et dur·es ne s’aventurent pas en lieux mixtes. On y voit des enlacements de femelles, certes, mais elles sont souvent poussées par leur compagnon de galipettes. Par contre, les mâles qui s’interpénètrent sont denrée très rare».

Voyeurisme

«On peut aussi simplement regarder. En soirée thématique pour débutant·e, une majorité de libertin·es novices tournent alors. Un défilé incessant s’étire devant les couples, trios ou quatuors qui copulent. Il est clair que personne n’est obligé de se dévêtir ou de s’exhiber. Comme l’appétit vient en mangeant, à force de voir des sexes ouverts ou en érection, les envies se font pressantes plus la soirée avance, ne pensez pas rentrer tôt», conseille notre ange de la luxure.
A ce propos, dans son roman Volupté, écrit autour de 1830, Sainte Beuve prétendait que face au spectacle de la luxure, «l’ordonnance naturelle et chrétienne des vertus entre en confusion; la substance propre de l’âme est amollie. On garde les dehors, mais le dedans se noie; on a commis aucun acte, mais on prépare en soi une infraction universelle». C’est chastement rédigé; en clair, face au spectacle, on a envie de forniquer.

Tout un programme

Lieux peu éclairés

Pour favoriser les ébats et gommer les imperfections des corps, «il semblerait que la lumière tamisée est obligatoire, sauf sur la piste de danse», décrit Hans lorsqu’on lui demande à quoi cela ressemble à l’intérieur d’un club fripon. «Il y a aussi des pièces très sombres où l’on ne devine que les mouvements des membres sans rien voir, les halètements servant de support aux fantasmes.
Il y a aussi des classiques, comme la chaise gynécologique ou ce qui est censé lui ressembler: en soi, c’est plus facile que de persuader un toubib de prêter son cabinet pour des galipettes. Elle trône en général au fond d’un couloir, munie d’une lampe stratégique pour éclairer entre les étriers. Un endroit où il s’agit d’avoir la langue agile et des ongles courts pour ne pas blesser la femme ou l’homme offert», souligne le libertin chevronné.

Sans jalousie

«Ah, y’a aussi l’incontournable (très) grand lit rond ou carré, où de nombreuses échangistes peuvent pratiquer la bête à 2 dos sous toutes ses formes et changer de partenaire·s suivant les affinités ou le hasard. J’ai entendu un gars demander à sa copine si tout allait bien et elle lui répondre: oui, il en a super-grosse, toi à côté, c’est la Berezina… Pour ma part, j’apprécie voir mon amie prendre du plaisir avec une autre personne, faut pas être jaloux dans ces endroits ouverts».

Certaines avancent masquées

Boîte à trous

D’un point de vue architectural, raconte le guide, «ces clubs sont plutôt discrets, cachés en fond de zone industrielle dans des hangars qui peuvent accueillir n’importe quelle activité. Pour le plaisir en plein air, certains ont un genre de jardin avec source de mousse et parfois piscine où il est heureusement interdit de copuler».

«D’un lieu à l’autre, la taille des chambres diffèrent, indique Hans, les fantasmes restent les mêmes: table de massage ou matelas surélevés côtoient de faux donjons où on peut attacher un·e partenaire.
Ce sont des espaces balisés, avec un must, la boîte à trous! Imaginez deux ou trois planches entourant un endroit matelassé. Là, selon les moments, une ou plusieurs dames intéressées choisissent la verge tentatrice. C’est donc surprise et anonymat. Elles espèrent ne pas tomber sur un éjaculateur précoce qui éclabousse le visage.

Prévus pour les membres de tous calibres et disposé à diverses hauteurs, les excités n’ayant pas dégoté de camardes de jeu, glissent leur biroute dans un trou libre et l’espoir d’être plus ou moins vigoureusement sucé ou branlé. Mais il n’y a souvent personne derrière l’ouverture; les bandeurs dur ou mou retournent danser ou vider des godets au bar». Là aussi, le voyeurisme joue à fond, curieuses et curieux peuvent aussi jeter un œil par ces trous. «Très courue», annonce notre informateur.

Rayon hygiène

«Essuie-fesses en papier et linges propres sont remis à la clientèle échangiste et font partie de l’équipement standard. On ne se pose pas sur les chaises ou canapés sans protéger ses arrières. Vous avez aussi des douches et WC, en général hyper-propres.
Je me souviens d’un club bâlois où les douches étaient crades, y’avait peu de monde, on comprend pourquoi. Ce genre d’endroit ferme assez vite», assène le libertin déçu par cette visite.

Capotes à gogo

Les préservatifs sont de rigueur. «À taille unique, alors si un étalon hors norme se pointe avec un calibre 25 x 10, il va débander en essayant de se mettre un condom trop petit, rigole Hans, le gel lubrifiant fait aussi partie de la panoplie offerte, pour les autres accessoires, des clubs en vendent à l’entrée, mais rien n’empêche de venir avec votre Womanizer ou gode de prédilection, ça fait du spectacle».

«Attention: il y a toujours des malotrus pour tenter des pénétrations non-protégées c’est très mal reçu et les femmes se défendent sachant qu’elles sont soutenues par la direction de l’établissement».

L’orgasme est au menu

Portes fermées

Tout·es les échangistes ne sont pas partageux. Ayant pris rendez-vous avec des connaissances, ils se mettent en quête d’une pièce munie de serrure. Cela évite aux mélangistes d’être dérangé·es en pleine action par des forcenés du viagra ou des poppers. J’observe que ce phénomène est en hausse depuis le COVID».

Retour sur un nuage

«Quand je rentre d’une soirée libertine, je me sens joyeux et en forme, Ma compagne est aux anges, enfin dans la plupart des cas, dépend du nombre d’orgasmes atteints. Voilà pourquoi j’y retourne 2-3 fois par an», conclut Hans que nous remercions pour sa franchise.

Club lausannois à découvrir