Une caisse de pensions qui isole sans lésiner

Attentionnée avec ses bâtiments, la Caisse de pensions Migros réfectionne la toiture du centre commercial Métropole à La Chaux-de-Fonds. Visite du chantier.

Elle chouchoute son bâtiment amiral chauxois, la Caisse de pensions Migros. Entité à part de la coopérative Neuchâtel-Fribourg qui gère 50 magasins, la Caisse de pensions basée à Lausanne loue des locaux de Métropole-Centre à divers commerces et services.

Ballet constant de matériaux

Propriétaire des murs, elle se doit donc de réparer l’immeuble lorsque des fuites surviennent sur l’enveloppe ou que le revêtement des façades a de la peine à supporter le gel.

Rappelons que le bâtiment a été inauguré début 1993. Comme il interrompt la circulation de la rue Jaquet-Droz, la Caisse de pensions Migros (CPM) a dû négocier avec la commune. 1000METRES.CH a retracé (merci les archives communales) les délibérations du Conseil Général ayant mené à cet accord.

Tacon sur l’isolation

Il y a quarante ans

Un préavis favorable à la construction d’un nouveau centre commercial avait été donné par la Ville en 1983. La Caisse de pensions est prévoyante, elle a donc commencé vingt ans après l’inauguration de son premier grand magasin chauxois à planifier la suite.

Le magasin MM précédent datait de 1962, note un rapport du 11.11.1987 du Conseil communal aux député∙es du législatif. «Devenu vétuste et exigu», il présentait semble-t-il même des problèmes de sécurité. Le Conseil communal admet que «le dossier a évolué assez lentement». Pas vraiment étonnant, l’affaire est de taille: il s’agissait de déplacer la circulation de la rue Jaquet-Droz vers le Sud, la bâtiment enjambant le tronçon entre la rue du Midi et la rue du Roulage.

Plan envisagé en 1983 (les voies CFF sont situées à gauche du schéma)

En juin 1985, une réponse fournie à la Caisse de pensions Migros précisait qu’il fallait «respecter la poursuite de la rue même si la circulation y est éliminée». Une contrainte supplémentaire s’y ajoutait: interdiction de chauffer au mazout, choix entre gaz ou chauffage à distance, bref il fallait se fournir aux Services industriels de l’époque, Viteos aujourd’hui.

Le planning prévoyait de construire entre 1989 et 1990 la moitié du futur centre côté sud de la rue Jaquet-Droz, puis de démolir le vieux bâtiment en 1991-92 et de finir la partie nord en décembre 1992. Le devis se montait à 70 millions de francs de l’époque.

Les autorités espéraient éviter ainsi «le renvoi d’un nouveau centre commercial en périphérie». Cela impliquait de démolir six vieux immeubles abritant une douzaine de logements «très vétustes et insalubres». La député Suzanne Loup s’inquiétait que les locataires en place soient relogés, et se demandait si la création d’un tel centre relevait «d’un besoin objectif» ou d’une simple expansion capitaliste. Elle aurait préféré que la Ville se préoccupe des épiceries de quartier.

Usage public et marchand

Une question a tarabusté les député∙es: l’utilisation de la rue couverte marchande par le public. Un inquiet a demandé s’il faudrait avoir un cornet Migros à la main pour entrer dans Métropole-Centre. Un autre souhaitait être certains que le restaurant promis ouvrirait jusqu’à 22 heures. Le conseiller communal Bringolf avait alors assuré qu’il y avait des garanties écrites à ce sujet. Constat: actuellement la pizzeria du premier étage ferme à 19h sauf le jeudi à 20h, comme les magasins.

Notre photographe est monté à pied

Comment circuler là autour?

Un an plus tard, la séance du 12 décembre 1988 fut aussi houleuse. Il on discuta longuement du plan de circulation autour du bloc. Parmi les députés, beaucoup de spécialistes autoproclamés de la mobilité automobile trouvaient à redire.

En relisant avec le recul des ans, chacun y va de sa petite solution de remplacement. Mais rien ne fut changé. Une étude d’impact constatait que les disposition égales avaient été respectées. Le Conseil communal avait négocié avec la CPM la création d’une servitude de passage pour le nouveau tronçon le long des voies (qui remplace la passage de la rue Jaquet-Droz pour le trafic automobile).

Imposante grue

Concession gratuite

La Ville offrait à la CPM une concession d’utilisation du domaine public de 70 ans sur la portion couverte de Jaquet-Droz. Offrait en effet, car la concession est gratuite, à condition que la MPK prenne à sa charge la création du contournement de son immeuble. Bonne princesse, elle accepte, comment refuser ce cadeau? Il est en outre convenu que la commune déneigera ce tronçon.

Le Conseil communal admet dans son rapport du 30.11.1988, que «le projet Migros va changer les habitudes des Chaux-de-Fonniers».

Le rapport a été accepté à l’unanimité.

Centre amputé d’une aile

Signalons que le plan initial n’a pas pu être réalisé. Une poignée d’opposant∙es ont acheté une des petites maisons vouées à la démolition. Cinq maison furent ainsi sauvés du boulet frappeur (parcelles numérotées 763, 30, 786, 313 et 29 sur le plan). Des nonnes zen y ont installé Daniel-Jeanrichard 35, un temple et une boutique. Métropole-Centre a ainsi été amputé de son aile ouest. On trouva ensuite une déchetterie et un parc à vélo à l’endroit où devait se dresser la suite de la construction. Cette parcelle est en train de subir une refonte.

Un toit complexe

Revenons au XXIe siècle.

Chantier de taille

Une grande grue rouge a été installée au milieu de la rue du Midi, côté est du centre commercial. Elle enjambe le trafic. Elle a été utilisé pour descendre tous les matériaux usés (isolants tannés par les intempéries, parties métalliques rouillées, etc.) du toit de Migros-Métropole. Et bien entendu, monter les matériaux nouveaux pour parfaire l’isolation. En prime, deux petits trax ont été hissés sur le toit.

Le toit accueille 2 machines de chantier

Garder ce qui est utilisable

Au téléphone, Marco Gasparini, architecte responsable Construction en Suisse romande de la Caisse de pensions, nous apprend que la réfection de l’ensemble de la toiture se fera en douceur. «Il ne s’agit pas de rénover totalement, nous mettons l’enveloppe supérieure du bâtiment aux nouvelles normes, à la fois pour économiser de l’énergie et éviter les fuites».

Le vieux gravier a été enlevé des deux parties plates, l’étanchéité est revue et l’isolation thermique est améliorée. «Sachez que les éléments d’isolation inaltérés sont gardés en place, on ne remplace pas pour le plaisir de remplacer», note Gasparini.

Déblais à descendre benne par benne

Économies d’énergie à la clé

Sur le chantier Gilles Säuberli, de BTS Bauexpert AG à Lucerne, suit pas à pas les travaux qui dureront environ de mars à octobre 2023 pour l’essentiel des interventions. Il explique que l’ancienne toiture a été nettoyée et réparée aux .endroits abimés. La nouvelle isolation thermique sera exécutée en mousse dure de polyuréthane.

De la toile goudronnée sera ensuite posée pour garantir l’étanchéité finale avant la pose de nouveaux graviers. Les deux toits plats de chaque côté de la verrière ont une surface de 2700 m2. Elle sera finalement couverte de 225 tonnes de gravier qui sera projeté à partir d’un camion spécial.

Dictés par de nouvelles normes d’isolation, ces travaux auront un impact bénéfique sur la consommation énergétique de ce grand bâtiment.

L’architecte Gasparini conclut: «La capacité thermique de l’enveloppe énergétique sera augmenté et tout les usagers y trouveront leur avantage». En effet, moins de climatisation, moins de chauffage, c’est tout bénéfice pour diminuer l’îlot de chaleur que représente ce centre commercial mahousse.

À l’avenir du solaire

Pourquoi ne pas installer tout de suite des panneaux produisant du courant comme sur la filiale des Eplatures?

Une étude de faisabilité est lancée, mais les délais étaient trop serrés. Il faut en effet une autorisation de construire, ce qui implique demande, négociations éventuelles avec la Ville, vu l’implantation à l’intérieur du périmètre UNESCO. «C’est toujours intéressant pour un centre commercial, du solaire photovoltaïque», souligne l’architecte. «Nous envisageons sérieusement d’équiper le toit, à tel point que nous préparons le toit de manière à pouvoir poser aisément des panneaux par la suite».

Il est vrai qu’entre frigos, congélateurs, climatiseurs, ascenseurs et éclairage, un tel centre avale les kilowatts à grande vitesse. Toute la puissance produite peut être consommée sur place.

Chantier CFF en face vu du toit Migros.