Les WC publics sur un air connu

Brassens chantait les bancs publics, modernisons en ode aux pissotières.

Ah, les vespasiennes, chiottes, latrines, goguenots, waters et autres lieux d’aisances. A La Chaux-de-Fonds, les édicules publics accessibles gratuitement à tout le monde, ces locaux ouverts 24h/24h pourvus d’eau courante et de cuvettes à la turque ou en porcelaine moderne ont presque disparu.

Beaucoup ont été rasés, comme le pissoir au coin du parc de l’ancienne société de gym de l’Abeille, au début de la rue des Sorbiers. Remplacé il y a une quinzaine d’années par un WC chauffé et spacieux à côté de la boulangerie rue de Bel-Air. Las, ce dernier est désormais aussi fermé.

Les plus emblématiques, comme ceux de la gare ou du collègue de la Charrière, sont fermés. Il subsiste quelques WC, d’accord, mais le plus beau pissoir datant de l’époque Art Nouveau, celui de la rue du Pont en dessous du Grand Temple ne sert qu’aux chiens qui arrosent de leurs déjections le petit lopin de terre qui l’entoure… Il est bouclé à clef depuis belle lurette.

Peur des marginaux

Donc pour fermer ces lieux, tout et n’importe quoi a été invoqué: présence de louches messieurs exhibitionnistes, rencontres peu morales entre homosexuels, opportunité pour les dealers et leurs clients de consommer de l’herbe qui fait rigoler ou de l’héroïne addictive. Sans parler des craintes pour les enfants, toujours sous-jacentes.

Les WC publics qui restent ne sont guère attrayants, alors qu’il s’agit d’un besoin primordial et d’une mesure sanitaire de base (vous êtes amendé si vous vous avisez de pisser dans la rue). Prenez ceux de l’arrêt de bus Place du Marché: ils sont certes régulièrement nettoyés, mais ils ne disposent pas de papier pour s’essuyer les mains, tout comme ceux du Bois du Petit Château, de la Place des Forains, du Pod au carrefour du Casino ou au bas du Parc Gallet.

Ces derniers jouent un rôle particulier depuis que ceux de la gare sont fermés: discret lieu de rencontres, apprécié des messieurs timides et de ceux qui veulent parquer leur véhicule à proximité sans se faire remarquer, les graffitis aux portes montrent que la fréquentation est toujours d’actualité. C’est malheureusement tout aussi puant qu’ailleurs.

Pourtant, on peut éviter en grande partie la puanteur. La cause des mauvaises odeurs est connue depuis plus d’un siècle: ce sont principalement les joints de ciment de crépi entre les catelles qui retiennent les effluves nauséabondes. Mais comme il serait plus cher de construire des toilettes publiques entièrement recouvertes d’une seule plaque d’inox ou de monter des cuvettes avec des joints remplaçables, il ne reste qu’à se munir d’une pincette pour y entrer en cas de besoin urgent. Chacun·e connaît quelqu’un·e qui refuse d’aller se soulager dans une cuvette à l’extérieur de sa maison, voire dans le train.

Bouquet final, ces WC ne sont guère écolo: l’eau coule parfois sans arrêt, mais surtout, les pissoirs ne sont pas équipés de systèmes sans eau qui existent depuis une vingtaine d’années.

Refrain hygiéniste

Mieux, les services sanitaires se sont mis en tête d’améliorer (je ne suis pas sûr que ce soit la bonne expression…) l’hygiène du lieu, en y installant du savon désinfectant en bouteille. Cela part d’un bon sentiment par les temps qui courent, indéniablement, nos autorités pensent à nos quenottes souillées. Car à l’heure d’aujourd’hui, diable, il faut se laver les mains, c’est impératif, injonction dite de Pittet-Berset. Reste à savoir pourquoi donc se laver les mains?

Envie de se laver

Ma grand-mère disait: «Lave-toi les mains , mon père dit encore «je vais me laver les mains» plusieurs fois par jour . J’ai même cru que c’était chez lui un trouble obsessionnel compulsif, un TOC. Mais pas du tout, mon papa est un précurseur: avant les virus méchants, il avait compris l’importance de cette purification rituelle.

Notons que depuis Pasteur et ses découvertes sur les invisibles microbes, les raison invoquées pour le nettoiement manuel ont varié selon les générations: pour ne pas avoir de vers intestinaux, serinait-on aux bambins de la première moitié du XXe siècle. Pour être propre, présentable , pour ne pas salir ses habits, raisons purement esthétiques ensuite, histoire tout de même ne pas trop remplir la machine à laver triomphante depuis les années cinquante.

Bref, obligations morale, sanitaire ou pratique, encore faut-il que cela fasse envie, qu’on ait pas l’impression de toucher un savon sale et de s’essuyer avec un torchon chargé de miasmes.

Or à La Chaux-de-Fonds, dans les WC publics, le savon ressemble à ceci:

Ni linge ni serviettes en papier

La priorité va donc à la désinfection. La lutte anti-vandalisme a fait un grand pas en avant: plus moyen de voler un essuie-main.

Pour ma part, j’en reste au vinaigre des 4 voleurs pour me désinfecter, une bénéfique recette héritée de la grande peste au XVIIe siècle.