Hêtre ou ne pas être? Je scie donc je suis!

Depuis une vingtaine d’années, les arbres de la Chaux-de-Fonds sont victimes d’une tragédie s’apparentant à une malédiction. Tour des méfaits.

Quand le sort s’acharne

Tout le monde s’en souvient, le 24 juillet 2023, une énorme tempête ravagea un nombre terrifiant d’arbre dans notre ville.

Deux ans plus tard, cette année, des travaux planifiés depuis longtemps, nécessaire à la réétanchéification du toit du Musée international de l’horlogerie datant de 1974, ont commencés en mai et se termineront en été de l’année prochaine. Il en résulte une énorme quantité de grands arbres abattus dans un Parc relativement épargné par la tempête, par rapport aux Parcs Gallet et Cretêts.

À cause de la pollution, un nombre important d’entre-eux y passent régulièrement, comme ceux du Pod par exemple.

Le réchauffement climatique vient lui aussi à la rescousse de ce qui pourrait commencer à ressembler à une sorte de génocide arboricole.

Nous avons donc, une accumulation de facteurs destructeurs d’arbres qui sont: une tempête, de la pollution, des travaux obligatoires, et un réchauffement climatique.

Le facteur «égo»

Là, vous vous dites sûrement que tous les problèmes ont été énoncés, que c’est bon? Et bien non! Car à ces 4 fléaux viennent encore s’ajouter ceux de la bêtise, de l’inconscience et de la vanité humaine.

Les homos sapiens excellent dans l’art de contourner les règlements et d’inventer des prétextes bidons afin de justifier leurs actes, que cela soit pour envahir l’Irak ou couper des arbres.

Conditions pour tuer un arbre

Formulaire de demande d’abattage:

  1.  Si l’arbre est potentiellement dangereux.
  2.  Dans le cadre de l’entretien d’un bosquet ou d’un cordon boisé.
  3.  Pour des raisons impératives de salubrité.
  4.  Si les intérêts d’un propriétaire sont lésés.
  5.  Si un remplacement est préférable.

Exemples de particuliers scieurs

Au printemps 2019, les nouveaux propriétaires de la maison du Boulevard des Eplatures n°69, en face du cimetière juif, reçurent l’autorisation de tuer trois grands épicéas, un grand érable champêtre et plusieurs arbres de tailles moyennes, dont un érable, un sorbier et même quelques essences rares comme des raisinets blancs et roses, pour les remplacer par un parking.

Le Boulevard des Eplatures en 1964

Il y a environ quatre ans, la totalité des arbres situés au nord de la rue des Sagnes n°3 ont été massacrés. Il y avait, entre autres, un grand Lis à fleurs parfois blanches et d’autres fois mauves ainsi qu’un chêne dont les branches couvrait toute la largeur du jardin, de la maison au trottoir. Le nouveau propriétaire trouvait qu’un jardin plein de broussailles était quelque chose de sale.

Toujours à la même époque, un arbre situé à l’est de la rue des Sagnes n°13 a été abattu parce que le locataire du rez-de-chaussée estimait n’avoir pas assez de soleil. Il déménagea une année après.

Il y a peu de temps, entre les numéros 11 et 13 de la rue Fritz-Courvoisier, un magnifique arbre répertorié a été liquidé pour des motifs d’infiltration d’eau dont il n’était en fin de compte pas la cause.

Quelques travaux maladroits

Près de la moitié des très grands arbres du Home «Les Arbres» ont été tués afin de construire un nouveau Home remplaçant celui du «Temps présent» devenu obsolète qui fusionnera avec celui des Arbres. Leur nouveau nom deviendra «l’arbre du temps».

Résultat: beaucoup de surface pour peu de volume utile avec en prime un espace gâché sur une toiture ne possédant ni terrasse, ni cellules photovoltaïques bien orientées.

Hôpital devenu Home «Les Arbres» en 1964. Devant les tilleuls disparus            
Toiture du nouveau home en 2025

La route de contournement, H18, n’utilisera pas l’actuelle route menant à l’Esplanade. Résultats: Une ancienne institutrice, Odile Johnson, âgée de 88 ans a été expropriée; une maison, située à la rue Fritz-Courvoisier n°96 et 98, à l’architecture unique a été démolie; et les arbres, les plus grands de ce quartier, seront exterminés.

Maison de la rue Fritz-Courvoisier 96 et 98
Les arbres de feu la maison

À propos des travaux de la H18, l’entreprise Marti a mandatée des bûcherons qui ont le 22 mai, illégalement élagué une vingtaine d’arbres de la rue du Collège, vers Bikini Test, afin de permettre le passage de grands engins. Ceci est un malencontreux accident apparemment dû à une mauvaise communication entre certains services (des serre vis qui sévissent).

Des cas douteux

Peu avant 2009, dans le contexte de la candidature à l’UNESCO, un nombre important d’arbres majestueux ont été anéantis autour de la villa blanche de «Le Corbusier» uniquement afin que cette dernière puisse être visible depuis la route.

La Villa Blanche en 2007

Devant l’Hôtel Athmos, à la rue Daniel Jean-Richard, un arbre de grande taille a été tué afin de pouvoir effectuer une riquiqui modification du trottoir, dans le contexte du remaniement des places de parcs.

Promesses place de la Gare

La place de la Gare en 2007             
Statue de Numa-Droz en 2006

Une place de la Gare plus vivante, plus arborisée, plus belle, plus sûre, harmonieusement partagée entre tous ceux qui s’y déplacent. Le réaménagement de la Place s’inscrit parfaitement dans la politique de développement urbanistique et économique de la ville, notamment au travers de l’accueil du futur Tribunal unique, en préparant l’arrivée du RER neuchâtelois. Les autorités souhaitent redonner à ce lieu son rôle de porte d’entrée et de carte de visite de la troisième Ville de Suisse romande…

Ces extraits de textes proviennent du verso de la carte présentant le nouveau visage de la Place de la Gare: un lieu de vie pour tous.

Recto de la carte présentant la nouvelle place (2012)

On connaît la suite: un Tribunal et un RER refusés par votation, une Ville passée au quatrième rang, un accident mortel pendant le chantier, une statue de Numa-Droz déplacée (où sont passés les pierres de taille?), des toitures plates à déneiger sans tarder, des usagers livrés aux froideurs de l’hiver et de la bise et plus de la moitié du Parc arborisé massacré. Hommage en dur à l’adage disant que le mieux est l’ennemi du bien.

Cette carte est un festival de bonimensonges. Admirons la préméditation de ceux ayant conçue l’image virtuelle de ce recto de présentation: les deux hideuses toitures plates sabotant l’ancienne perspective s’ouvrant sur trois magnifiques bâtiments parés de pierres de Hauterive sont positionnées dans l’arrière fond, donnant donc l’impression d’être petites, alors que des arbres totalement inexistants trônent au premier plan pour faire croire qu’ils seraient instantanément de tailles respectables.

Parlons aussi de ces stupides bancs rond conçus pour être asociaux. Nous avons là quatre possibilités: nous asseoir en nous tournant le dos, nous faire face avec un arbre au travers, ne pas nous asseoir, jouer à pile ou face pour savoir qui restera debout devant l’autre assis.

En passant par le Parc des Musées

Nous avons ici assez d’inepties pour concurrencer celles de la Place de la Gare.

Le Parc des Musées dans les années 60

          La

Construction du MIH en 1972

Juste avant la COVID, la réfection du mur Sud-Est du Parc, donnant sur la rue du Manège, avait déjà nécessité la coupe de quelques arbres dont aucun ne furent replantés à cet endroit. Le point positif de cette mésaventure est que ce mur fut reconstruit en pierres.

Seules les personnes habitants dans des maisons attenantes au Parc des Musées ont été conviées à la séance d’information du 30 juin. Est-il de bonne augure d’avoir omis des résidents des rues des Musées, du Grenier, du Manège et de la Promenade?

Lors de cette séance, les responsables dirent que des travaux nécessiteraient l’abattage de quelques arbres. Résultat: ce chiffre a atteint le nombre de 28.

Où cela se complique, c’est que la majeure partie d’entre eux n’étaient pas situé sur le toit du MIH, à l’endroit des travaux, mais au sud et à l’ouest de celui-ci.

Vue du sud en 1999
Plan situant le MIH

De plus, le panneau, ne fournissant aucun détail des travaux, a été installé plusieurs jours après les abattages, mais les autorités affirment avoir fourni le nombre précis avant le massacre. C’est faux.

L’ouest du Parc des Musées en 1977
La même vue en 2025

Deux usagers de ce Parc ayant demandé des explications aux personnes chargées des abattages ont appris que ces essences ne sont plus adaptées à cet endroit et qu’il faut donc les remplacer par d’autres; de plus, ce n’a rien à voir avec les travaux, ni avec la tempête.

Le responsable délivrant les autorisations d’abattage, parle «d’arbres aux mauvais endroits».

Comme le prouve les photos ci-après, la plupart d’entre eux étaient de magnifiques centenaires et le fait de permettre un tel carnage deux ans après la tempête pour un motif aussi saugrenu semble déraisonnable.

Le Parc en 1999

L’ancienne place de jeux en deviendra deux: une pour les enfants âgés de 3 à 7 ans et une autre pour ceux de 7 à 11 ans. D’après les dictionnaires de langue française, ceci n’est qu’une sorte de ségrégation.

Les barres sur les bancs, à la mode en ce moment, en sont une autre. Combien de fois avez-vous vu quelqu’un dormir sur un banc ces 30 dernières années? Et si quelqu’un à mal au dos, devra-t-il s’allonger par terre?

Pendant la séance d’information, les responsables ont déclarés vouloir modifier la faune sociale des gens fréquentant régulièrement ce Parc.

À aucun moment, d’après les personnes conviées à la séance, il n’a été question d’enlever des arbres trop impactés par la tempête.

Le Parc en 2007

Des usagers fréquentant régulièrement cet endroit ont été tellement choqués par ce qu’ils y ont vu sans en avoir été préparés qu’ils ont remis, le 30 septembre, une pétition intitulée «Massacre à la tronçonneuse» de 201 signatures à la chancelière faisant part de leurs mécontentements concernant les carences d’informations et d’explications préalables.

Ils ont ensuite assistés à la séance du Conseil Général du 2 octobre 2025. Là, ils ont été à nouveau choqués de constatés que les Verts se sont abstenus de donner leur avis au sujet des Parcs. Tout le monde a ignoré les pétitionnaires , enfin pas tout à fait puisqu’ils ont tout de même été apparemment photographiés «à leurs insu» par des élus. (Ndlr: malheureusement pour les amis des arbres, la pétition n’a pas été adressée au Conseil général ou à la présidence, mais à la Chancellerie, ce qui explique que les élus n’en ont pas débattu. Formalisme? Il faut connaitre la procédure pour être entendu)

Les gens ont souvent tendance à fantasmer ce qu’ils nomment «démocratie».

Enfin un beau projet écologique

Le projet prévoyait des arbres en pots mobiles sur des rails (?!?) autour du MH, mais cette partie a heureusement été invalidée. On ne sait pas si leurs concepteurs avait fumés la moquette, mais on sait qu’il n’y a pas besoins de rails pour dérailler.

La Place des Lilas

La Place des Lilas avec son train en bois en 1982

 

Le marronnier au sud-est a disparu

En passant parlons pétanque: si nos autorités se souciaient réellement de ce que nous aimons et utilisons, elles n’auraient pas supprimées les pistes de la Place des Six pompes et de la Place du Marché.

L’auteur à l’âge de 7 ans jouant à la pétanque en 1980

Voilà donc que la Place des Lilas n’est plus utilisable pour cause de transformation.

En fait, ils n’y ont pas vraiment enlevés quatre arbres au Sud: ils n’en ont enlevés qu’un parce qu’il était malade, juste un autre parce qu’il ne rentrait pas dans le cadre du projet, encore un autre mais parce que les sapins c’est pas sain, et un dernier qu’on a gardé mais en fait non. Comprends-tu la subtile différence, petit scarabée ouvrier citadin un brin limité?

Idées reçues

Combien de fois avons-nous entendus dire: «C’est pas grave de couper un arbre, du moment qu’on en replante un autre!»? Pourquoi ce point de vue serait-il erroné?

Les arbres captent (niquent) le gaz carbonique. Savez-vous qu’il faut 3’375 jeunes arbres de deux mètres de diamètre pour faire le même volume qu’un seul arbre de trente mètres?

Voici les longévités moyennes de certaines essences:

Tilleuls: 1’000 ans
Chênes: 900 ans
Mélèzes: 800 ans
Hêtres: 500 ans
Érables sycomores: 500 ans
Ormes champêtres: 500 ans
Peupliers noirs: 400 ans
Peupliers blancs: 400 ans
Marronniers: 250 ans
Frênes: 200 ans
Bouleaux: 150 ans
Érables champêtres: 150 ans

Moyenne générale: 480 ans. Donc le fait de régulièrement abattre des arbres ayant à peine 60 ans pour les remplacer par d’autres est, mathématiquement parlant, comme si nous remplacerions les humains à l’âge de 10 ans. Vous trouvez cela normal?

Que penserions-nous d’entités supérieurs tenant un langage du genre: «C’est pas grave de tuer un humain du moment qu’on le remplace!»?

Politique du fait accompli

Les absents ont toujours tort. Donc, afin que personne ne puisse dire «Vous n’aviez pas prévenu!», il convient d’informer, oui, mais le moins possible. Résultat: parler de «quelques arbres» sur une chaîne locale que peu de gens regardent, convier un minimum de voisins à la séance d’information, poser aucun panneau explicatif à l’avance et annoncer rien d’exhaustif dans Le Tourbillon.

D’abord on coupe, ensuite s’il y a des râleurs, on les mène en bateau. Par quel miracle auraient-ils des preuves de notre malhonnêteté? C’est notre parole contre la leur, on fait ce qu’on veut.

D’après nos dirigeants, ne sachant pas le temps qu’il fera dans un mois, le climat de la Chaux-de-Fonds sera comme celui de la vallée du Rhône dans 50 ans.

Ils sont devenus «anti sapins» et estiment que le taux d’érables, de 40% (sur le Pod), est trop élevé. «Sentir le sapin» est une expression signifiant: n’avoir plus longtemps à vivre.

Ils laissent les marronniers dont l’espèce, comme par hasard, sera une des plus affectées par les futurs manque d’eau.

Ils avouent: «Prendre la tempête comme une opportunité de changer la palette des essences présentes». La Place du Bois ainsi que celle des Marronniers ont-elles du soucis à se faire?

«C’est un malheur du temps que les fous guident les aveugles.»

William Shakespeare

Les citoyens sont imposés par trois fois: d’abord, on leur fait payer des taxes, ensuite on leur impose des transformations traumatisantes (stratagème du choc), – Ndlr: le choix de cette vidéo est de l’auteur, 1000METRES.CH ne s’identifie pas aux opinions présentées – pour finir, on les marginalise s’ils ont l’audace de ne pas consentir.

Dur, dur de choisir la bonne essence

Signalons que pour anticiper la réchauffement climatique, la Ville a planté plusieurs amélanchier (origine: Amérique du Nord; longévité: 40 à 60 ans), c’est mignon tout plein, mais par contre, note le responsable des arbres à la commune, “ils gèlent parfois après la montée de la sève en mars-avril”, donc il arrive que ceux planté en automne doivent être remplacés au printemps.

Paul Valéry écrivait que «la plupart de gens ont de la poésie une idée si vague, que ce vague même devient, pour eux, la définition de la poésie». Cette citation est géniale: on peut remplacer le mot «poésie» par  «réchauffement climatique» et ça fonctionne parfaitement.

Avec nos actuels dirigeants, la citation de Shakespeare devient: «C’est un malheur du temps que les papillons dirigent les tornades.», belle diversion.

Donnez-nous nos travaux quotidiens

Nos dirigeants n’ont pas besoins d’admettre leurs erreurs étant donné qu’ils n’en commettent jamais. Rendons-nous compte de la chance que nous avons d’être gouvernés par des entités 50% supers héros, 50% Dieu, 100% parfaits.

Atoum: un Dieu autosatisfait

Extralucides, ils savent le temps qu’il fera dans 50 ans. Ils devinent les souhaits de leurs concitoyens et les informent par télépathie. Ils repensent notre ville pour l’avenir.
Bon à savoir

Le règlement d’aménagement communal (RAC) stipule, à l’article 143, que les arbres situés à l’intérieur de la zone urbaine et ayant plus de 50 cm de circonférence de tronc à 1 mètre du sol doivent être répertoriés.
À l’extérieur de la zone urbaine l’article 154 indique une circonférence de 150 cm.
Si un arbre vous tient à cœur, vous avez le droit de vérifier qu’il soit bien répertorié.

Si vous estimez avoir une remarque pertinente à faire concernant une quelconque mauvaise gestion, comme le manque de parcs pour chien par exemple, et que vous voulez qu’elle soit réellement prise en considération, alors envoyez-là en recommandée.

Un bon ouvrage à lire: la Nouvelle Revue neuchâteloise n°127 de l’automne 2015, par François Bonnet.

Autrefois, avant le cacapipitalisme régnant, le nombre d’arbres fruitiers par habitant était abondamment plus important que présentement.

***

Un dernier hommage

Cet article est un peu long, je m’en excuse, car il est dédié à ma mère, Chantal Alber, l’être humaine la plus affectée par la maltraitance de nos amis feuillus et pointus, que j’aie personnellement connue, qui a eu la bonne idée de s’en aller le 26 mai de cette année, au home «Les Arbres», échappant  à toutes ces sordides nouvelles.

† Chantal Alber, 1952-2025 †