J’ai rêvé une CCS idéale
Si, vous savez, la CCS, La Chaux-de-Fonds Capitale Culturelle Suisse, ce vaste projet à l’horizon 2025. J’ai rêvé d’attirer, loger et offrir des expériences rares aux visiteurs.
Cette nuit, j’ai rêvé de notre ville débordante d’excursionnistes souriants échangeant leurs impressions.
Le rêve a débuté par un bruit d’hélicoptère qui se pose.
L’image se précise: Espacité, Alain Berset sort dans le vent des pâles en tenant son chapeau.
Il monte sur un podium devant une foule massée sur le Pod bouclé à la circulation. Spectatrices et spectateurs trépignent, des ovations fusent, c’est l’inauguration officielle de la Capitale culturelle suisse. La Chaux-de-Fonds vibre.
Là, je me réveille pour aller pisser. Il y a des rêves qui reprennent pratiquement là où on les a abandonnés. Rendormi, je me retrouve au centre-ville.
Loger les visiteurs
Un couple de gays zurichois, la cinquantaine entamée, discutent attablés à une terrasse de la nouvelle Place du Marché enfin piétonne:
- C’est sympa ce petit 3 pièces rue des Sagnes, hein. Dire qu’il était vide depuis cinq ans.
- Bon, c’est pas un quatre étoiles, mais on est tout près du centre-ville.
- Oui, mais réfléchis, coco, un logis à 40 balles la nuit par personne, y’a plus un endroit en Suisse où trouver pareille offre, la moindre Auberge de Jeunesse est plus chère. Heureusement que la Gérance communale a mis cet appart à disposition.
- C’est rigolo-lustig, on dort dans des lits, genre brancards des années 60 fournis par la Protection Civile, on peut juste se faire du thé ou du café, y’a une table et trois chaises fournies par les brocantes du coin et les habitants ayant vidé leur grenier ont prêté services, tasses et verres.
- Par contre, on n’a pas le p’tit déj.
- Par contre, y’a une super-boulangerie au coin de la rue. Comme ça on peut manger tranquilles comme à la maison à l’heure qui nous plaît, pas comme dans une chambre chez l’habitant.
- C’est vrai, on a même commandé une pizza le premier soir quand il pleuvait.
Les deux compères ont passé là un long weekend. Ils sont arrivés en train grâce à un bon pour deux allers simple offerts par les TRN lors d’un congrès auquel ils assistaient. Munis de ce sésame, ils ont voyagé en bus gratuitement durant la durée de leur séjour.
Bons féériques
J’ai aussi rêvé qu’en 2024, les ambassadeurs et ambassadrices chauxoises de la CCS distribuaient, lors de congrès, de séminaires d’initiés, de foires commerciales ou de salons spécifiques des bons pour se rendre à la Chaux-de-Fonds. Histoire de faire connaître l’évènement et de créer l’envie de découvrir La Chaux-de-Fonds en mode culture et frugal, les fééries éphémères inventées pour ces quelques mois.
Ce rêve m’a donné faim. Je passe à la cuisine manger un yogurt.
Popote
Boire et bouffer fait partie de la fête. Or la cantine doit être abondante afin de satisfaire tous les appétits véganes, végétariens, biologiques et carnivores. Outre les restaurateurs locaux, il faudra inviter quelques foodtrucks appenzellois, tessinois ou genevois, garnir de bancs et de tables parcs et places, en imposant la vaisselle réutilisable ou les trous dans les tables, mode couvents au Moyen-Âge.
Registres multiples
La nuit suivante, mon obsession ressurgit, la rêverie se poursuit façon généalogie.
Une famille avec trois descendants débarque à la gare et part à droite sous le couvert choisir trois vélos et un triporteur, tous électriques, pour la mère et le plus petit. Débloqué grâce à la carte magnétique simple fournie par le sponsor (une marque de bicyclettes à moteur silencieux dont le nom commence par F et finit par yer).
Ils se rendent ensuite à l’un des grandioses évènements festifs (défilé de pitres emmenés par les Batteurs de Pavés aux sons d’une musique militaire) ou gustatifs (la plus longue sèche au beurre) concoctés par les brillants esprits de la CSS.
Coaché par Olivier Schinz, Grand Patafioleur* de Cérémonie, ces coups de poing culturels, visuels, odorants ou auditifs, rayonneront longtemps dans les souvenirs des vacanciers venus en curieux participer, discuter ou bronzer (ça, c’est moins sûr).
* Patafioler au sens ancien: celui qui bénit, réalise des actions divines.
Réunions toquées ou sérieuses
Basculant en songe dans le registre purement helvétique, j’ai entrevu des semaines thématiques avec invitations des sociétés de quartiers de grandes villes telles Bâle ou Zurich, St-Gall ou Lucerne. Ces associations sont des piliers de la vie culturelle locale et viendront rehausser l’année CSS de leurs coutumes plus ou moins connues .
Surviennent ensuite – encore un rêve en dents de scie – des associations de dentellières, de tourneurs sur bois ou d’employés de commerce qui viennent tenir leurs assemblées générales annuelles à La Tchaux.
Sans oublier les amicales rusées, celle des vieux tracteurs ou du vin de Bienne (si, si, elle existe). Et pourquoi pas un comité de l’Association suisse des Banquiers privés?
Les imaginant faire seuls leur café dans un logement superbement rénové de l’ancienne prison, je me suis réveillé en sursaut.
Fusionner les énergies
Après cette nuit mouvementée, j’envisage les artistes présentes, qu’elles soient musiciennes, plasticiennes, performers, actrices, réalisatrices, sculptrices, comme des chercheuses qui canalisent et synthétisent les aspirations et parlent à l’âme profonde des humain∙es.
Qu’il s’agisse de musiques savantes ou improvisées, d’images figuratives ou explosives, de proses horrifiques ou contemplatives, de fêtes explosives ou clairement agencées, ces rencontres fusionneront les énergies culturelles et associatives pour le meilleur.
Pour le pire, y’en a suffisamment sans devoir l’organiser…
Somme toute, ce sera un test «de l’aimable enivrement de la frugalité» chère à Sainte Beuve dans «Volupté».
Espoir
Cette apothéose rêvée sous trois angles – logements, déplacements événements – va se réaliser.
Croix de bois, croix de fer, sinon j’irai extravaguer en enfer.
Il suffit d’y croire, de trouver un alchimiste qui sache multiplier les Bitcoins et le tour sera joué.