Le mystère des sorbiers rouges: hommage aux poètes retrouvés
Le nouveau spectacle de Marcel Schiess arrive à La Chaux-de-Fonds, les 6 et 8 juin à La Ferme des Arêtes. Entrez dans un récit familial, mêlant musique, cinéma, et littérature.
Faire la paix avec ses racines est le travail d’une vie. Ce travail, Marcel Schiess l’a commencé voilà près de dix ans. Né en 1960 au Locle, au sein d’une famille ouvrière, il hérita du prénom de son grand-père maternel, Marcel-Henri Dubois. Sans aucune explication rationnelle, le souvenir de cet aïeul fut presque entièrement occulté, de même que celui de l’oncle Roland Dubois.
Fardeau inavouable
Cette blessure fut transmise de la mère au fils, comme un fardeau inavouable. Arrivé à l’âge adulte, le fils d’ouvrier loclois s’installa à Paris où il fit ses premières expériences dans le monde du spectacle. Revenu au pays, il devint le plus jeune directeur d’un théâtre en Suisse, en l’occurrence La Grange au Locle. Marcel Schiess s’installa ensuite à la Chaux-de-Fonds, où il fonda une famille et une agence artistique.
Ce n’est que bien plus tard, après une riche carrière de producteur et de chef de projets culturels, que Marcel Schiess put accéder aux archives de son grand-père, levant enfin le voile sur le destin de la famille Dubois.
L’ancêtre
Né en 1889 comme Charles Chaplin, Marcel-Henri était poète et amoureux de la langue allemande, qu’il enseigna par ailleurs de longues années. Il écrivait sous le pseudonyme d’Henri Flangebouche. Ses chroniques faisaient la joie de ses concitoyens du Locle, dont il parlait couramment le patois. Ses amis le surnommaient « Pot-de-Pipe », en référence à sa bouffarde, digne du commissaire Maigret. Citoyen engagé et homme de foi, il était une figure respectée.
Son fils Roland avait le même amour de la poésie et la même dévotion. Il fut rédacteur pour la Feuille d’Avis des Montagnes, et était très apprécié de ses collègues. Père et fils publièrent un recueil à quatre mains, La Fontaine des Abeilles en 1943. Tous s’accordaient à dire que Roland était promis à un bel avenir. Le destin en décida autrement. En 1944, le fils mourut d’une maladie pulmonaire mal soignée. Il n’avait que 24 ans. Le père le suivit dans la tombe, deux ans plus tard.
Spectacle poétique et musical
De cette tragédie familiale, Marcel Schiess a conçu un spectacle, avec le soutien de la Loterie Romande et le fonds de soutien de l’Arc jurassien. Le titre Les Sorbiers Rouges fait allusion à un poème d’Arthur Nicolet dédié à Marcel-Henri Dubois. Avec sa coréalisatrice Amandine Kolly, Marcel Schiess met en images le parcours et les écrits des deux poètes du Haut-Jura. De grandes figures de la poésie telles que Baudelaire ou Victor Hugo sont également invoquées.
La lecture est assurée par les comédiens Caroline Gasser, Yannick Merlin et Marcel Schiess lui-même. Les prises de vues donnent la part belle à la nature locale, se déployant au rythme des saisons. Le chant des oiseaux se mêle au tic-tac régulier d’une montre de gousset.
L’industrie horlogère a toute sa place dans le récit, ayant rythmé la vie des montagnes neuchâteloises au plus fort de son activité, dans la première moitié du XXe siècle. La fille Dubois, Jacqueline, travaillera quatorze ans chez Tissot.
Le vent de la guerre
Le récit traverse les frontières, comme le fit jadis Marcel-Henri dans ses pérégrinations. On parcoure la France voisine au fil du Doubs et l’Allemagne dans le sillage de la Sarre. La grande Histoire se mêle parfois à la petite, et de terribles bruits de bottes résonnent implacablement, comme elles le font encore dans l’actualité. Même du bon côté de la frontière, le vent de la guerre souffle sur la maison des Dubois.
La musique joue un rôle prépondérant, Marcel-Henri Dubois ayant été un grand mélomane. Le film comprend une bande originale mêlant les grands compositeurs tels que Schubert et Debussy avec des morceaux originaux, interprétés par Clément Stauffenegger et Terence Le Beyec, respectivement au violoncelle et au piano.
Rendez-vous intimiste
En chef d’orchestre, Marcel Schiess ponctue les passages du film de sa narration en direct.
Nous sommes invités, non pas à une fresque pleine de bruit et de fureur, mais au contraire à un rendez-vous intimiste. Si l’histoire est personnelle, elle n’en demeure pas moins universelle et nombreux furent les spectateurs du Locle et du Cerneux-Péquignot à trouver un écho à leur propre mémoire.
Promenades thématiques
Le projet Les Sorbiers Rouges ne s’arrête pas à la scène. Voulant faire honneur au livre, et en partenariat avec Payot Libraire, sous la supervision de Vincent Bélet, une sélection de quelque 200 ouvrages est disponible à la vente lors de chaque représentation, ou chez Payot à La Chaux-de-Fonds.
Une série de promenades thématiques, culturelles et gourmandes est également proposée, sur inscription. La première aura lieu à Sarrebruck en Allemagne, lieu fatidique où le destin du pays fut scellé en 1935 lors du Plébiscite dont Marcel-Henri avait été témoin, en tant qu’ambassadeur neutre.
Tout à la fois portrait et paysage, Les Sorbiers Rouges se veut embrasser d’un même regard les petits et les grands destins, toucher le cœur et l’esprit. Un arbre sain se déploie de toutes ses branches, et pour qu’elles poussent de plus belle, rien de mieux que de faire la paix avec ses racines.
Représentations, librairie et balades
Pour réserver vos places à la Ferme des Arêtes, rue de la Croix-Fédérale 33.
- jeudi 6 juin à 20h15
- Vendredi 8 juin à 20h15
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Pour s’inscrire aux promenades d’août à octobre 2024, cinq balades de la plus gourmande (n°1) à la plus éloignée (n°3).