100 ans de sons au Collège Musical

École populaire ouverte à tous, le Collège musical vise à inculquer aux élèves de solides notions musicales à prix modiques. Un livre illustre cette réussite chauxoise.

Format carré, graphisme aéré, photos super, pour ses 100 ans le Collège musical s’est offert un bel ouvrage richement illustré. Une des meilleures série de clichés du Chauxois Pablo Fernandez dont le regard pointu a magnifié les rencontres entre profs et élèves.

Concentration et partition font bon ménage © Pablo Fernandez

Raison de plus d’acquérir l’ouvrage!

Archives et procès-verbaux

Le chroniqueur Robert Nussbaum a fouillé les archives depuis 1924 et s’est fendu d’un résumé attachant des péripéties historiques.

Le raconteur confie avoir rédigé l’historique en quatre mois «C’était une plongée intensive dans les archives, heureusement que la numérisation des procès-verbaux du Conseil Général et du Conseil Communal a été menée à bien, comme celle de l’Impartial. Ça aide d’entrer un mot clé puis, en 2-3 clics, on obtient des années de suivi».

Ambitions, crises, stabilité

Partant du début en fanfare il y a un siècle, cet aperçu passe aux vicissitudes en temps de crise, crise qui a perduré de 1931 à 1947 (Nussbaum n’a pu trouver trace d’un dirigeant), conte l’arrivée de Georges-Louis Pantillon à la direction et finit à Nathalie Dubois directrice aujourd’hui.

Programme du concours de fin d’année 1924

Querelle fructueuse

Nussbaum a cherché en vain l’origine de la querelle qui a fâché membres fondateurs et Charles Faller. Ce conflit que l’on imagine homérique, vu le caractère entier des protagonistes, a mené au CM actuel (abrégeons le façon Nussbaum).

Les années glorieuses

En 1978, Cécile Pantillon succéda à son père à la tête du CM. Titré L’âge d’or, ce passage réjouira celles et ceux ayant vécu cette époque «pantillonesque», le 50e anniversaire et la première mondiale du Roi et l’oiseau, d’après un conte de Prévert, une initiative d’un certain Pascal Guinand.

Cet élève a un flair musical © Pablo Fernandez

Digne fille de son père, la directrice Cécile Pantillon impressionnait les enfants derrière son piano à queue, comme le rapporte l’ancien élève flûtiste Nicolas Heiniger, journaliste à ArcInfo, et aujourd’hui bassiste du groupe In trees.

Accordéon et tarifs dégressifs

À la retraite de la directrice en 1996, Pascal Guinand reprend la barre du grand vaisseau. Dans l’esprit du CM, il souligne que les écolages «permettent à toutes les couches de la population de pratiquer la musique à des tarifs qui ne sont pas dissuasifs». Mieux encore, le tarif a été remanié à l’époque pour introduire un tarif différencié en fonction du revenu. Preuve que l’esprit social est bien ancré chez nous!

Découverte de l’accordéon © Pablo Fernandez

Signalons que Guinand a introduit le cours d’accordéon, retour aux sources populaires fort apprécié.

Bonne piste à suivre

L’historique se termine sur une idée à creuser signé Nathalie Dubois: «Si on donnait à chaque enfant un instrument et que l’on créait un orchestre en classe, ce serait génial, non?».

Nom d’une pipe!

Citons la déclaration enflammée de Blaise Fivaz, conseiller général en 2020 (p.21): Le Collège musical, c’est des élèves qui sont principalement dans leur centre scolaire, c’est des salles qui sont mises à disposition, c’est des enseignants qui touchent un salaire un peu inférieur, c’est une directrice-secrétaire-comptable et tout ce qu’on voudra (…), et je rappelle quand même encore deux choses: la première c’est qu’on a quelque chose d’unique. Nom d’une pipe, on perd déjà notre troisième place de ville de Suisse romande, on est en train de tout perdre dans cette ville. Mais nom d’une pipe, on va où? Donc on a quelque chose d’unique, quelque chose de particulier, battons-nous pour ça!

Concert de clôture 2019 © Pablo Fernandez

Utopie musicale

Théo Bregnard, conseiller communal, a signé la préface une utopie musicale centenaire. Il considère que le CM est «le reflet de notre cité cosmopolite et de notre identité locale, faite d’ouverture à l’autre et de dialogue ‒ culturel, musical, humain.»

Coïncidence

Alors que la Ville inaugurait sous une pluie battante la Place du Marché, le 12 septembre 2024, la Librairie-Galerie Impressions vernissait le livre commémorant l’anniversaire de cette institution typiquement chauxoise. On a pu y croiser trois générations de directrices et directeur: Cécile Pantillon rayonnait, aux côtés de Pascal Guinand et de Nathalie Dubois.

Sons et percussions © Pablo Fernandez

L’écrivain Thomas Sandoz, dont la nouvelle clôt l’ouvrage, était aussi présent, stylo en main, prêt à dédicacer le bouquin.

Une chouette école

1000METRES.CH a demandé à trois protagonistes quel chemin les a mené au CM et quel plaisir iels y trouvent.

Le premier à répondre fut Bill Holden, trompettiste, bricoleur et animateur musical fort connu. Cet Américain bien intégré (il n’a pas voté Trump, sachez-le!), est persuadé qu’on peut tirer un bruit d’à peu près n’importe quoi.

Bill Hoden, souffleur de l’improbable © Pablo Fernandez

Le programme de CM présente son cours ainsi: «Tu vas découvrir toutes les façons de produire un son, en tapant, frottant, soufflant, pinçant ou secouant des objets peu ordinaires».
Il se trouve que les enfants de l’ancien directeur Pascal Guinand ont participé à des ateliers de la Sonorie. Conquis par la méthode Holden, Guinand propose à l’homme du Tennessee d’intégrer ses activités au CM. Ni une ni deux, Bill est mis au programme. Il y est toujours.
Malgré ses époustouflantes tournées qui l’ont mené aux quatre coins du monde, de l’Égypte à la fête des Vignerons (1999)

Oreilles peu affutées

Fouillant sa mémoire, Bill partage un des souvenirs marquant de ses innombrables contacts avec des mômes:

Un jour, à la fin d’un atelier, deux garçons de 4-5 ans laçaient leur souliers dans le corridor alors que Bill rangeait le matériel. L’un demande à l’autre:

  • Dis, tu trouves pas que Bill il a un drôle d’accent?
  • C’est vrai. Moi j’crois qu’il est vaudois.

Violoncelliste et espérantiste

Artiste de l’archet, Marion Bélisle enseigne le violoncelle au CM depuis cinq ans. Des enfants très motivés, avec des parents qui les entourent , en clair, elle est satisfaite, les élèves avancent bien.

Marion Bélisle sait transmettre la passion pour son instrument © Pablo Fernandez

Marion Bélisle a commencé le violoncelle enfant. Ayant suivi le Conservatoire à La Chaux-de-Fonds, elle a passé son diplôme d’enseignement parallèlement à son bac en 1997. «Ce n’est plus possible maintenant, il faut avoir un bac pour s’inscrire à la HEM».

Vive les cours découverte

Interrogé sur les cours du CM, elle est intarissable: «J’aime bien les cours découverte des instruments dix mercredi après-midi par année. On présente deux instrument à la fois. Je participe à ces moments de découverte avec une collègue violoniste. Il y a de bons retours».
Cela se déroule comment? «On démontre par exemple l’importance de la caisse de résonnance, expérimente avec une corde tendue qui n’émet aucun bruit, puis on place dessous une caisse en bois ayant contenu des bouteilles et voilà, ça résonne. La réaction des gosses ne se fait pas attendre: Tiens, c’est comme un haut-parleur

Outre l’allemand et le français, cette professeure de musique parle l’espéranto qu’elle pratique dans sa famille et avec des connaissances espérantistes du monde entier.

La musique pour s’exprimer

Travaillant souvent en compagnie d’une collègue flûtiste – «comme on n’a pas énormément d’élèves, on fait les auditions ensemble» – notre violoncelliste se souvient d’une élève flûtiste ado qui ne disait jamais un mot: «Elle est super, elle arrive toujours à l’heure, mais elle se tait. Elle suit les instructions, pas de problème. Bref, elle exprime en musique ce qu’elle ne dit pas».

«Les enfants nous apprennent des choses surprenantes. J’ai ainsi découvert la série mercredi addams dont l’héroïne principale joue du violoncelle. Il y a donc des enfants qui veulent s’y mettre.»

Elle propose à ses élèves de s’exercer sur des musiques de films tel Harry Potter ou Le Hobbit, «Il y a des airs super à jouer au violoncelle et ça motive les élèves».

140 pianistes en herbe

En collaboration avec six autres professeur·res, Quôc Vinh Luong transmet son savoir aux élèves du CM attirés par les touches noires et blanches. Originaire du Vietnam, Quôc Vinh Luong pratique le piano depuis l’âge de 7 ans. En privé durant 10 ans il a suivi l’enseignement de Ventsislav Yankoff professeur au Conservatoire de Paris; il a continué ses études au Conservatoire royal de Bruxelles et à celui de Genève.

Quôc Vinh Luong, enseignant attentif © Pablo Fernandez

Depuis quelque 30 ans, il voyage chaque semaine entre Paris et La Chaux-de-Fonds, à se demander s’il n’a pas trouvé un second job dans la voiture bar en tant que pianiste de TGV 🙂.

Conseil aux ados

Une anecdote? Quôc Vinh Luong en a plusieurs concernant les ados qui veulent lâcher leur hobby. L’un d’eux voulait à tout prix cesser de jouer du piano à 14 ans. Peine perdue, malgré les arguments du prof et les admonestations de ses parents, il maintient sa position. Quôc Vinh le met en garde: «Si tu arrêtes maintenant, tu vas le regretter».

Dix ans plus tard, il rencontre son élève qui déclare: «Tu avais raison Quôc Vinh, je regrette. Je reprends le piano désormais».

Patience et longueur de temps …

Festivités en musique au MIH

Histoire de fêter les 50 ans du Musée Internationale de l’Horlogerie et les 100 ans du CM, au-delà du concert de gala – très couru et très applaudi du 17 novembre à la Salle de musique – ne manquez pas le 23 novembre 2024 entre 11h et 12h au MIH pour écouter un programme intitulé Le songe de Cléopâtre, une matinée dédiée aux compositrices.

On entendra des musiques de chambre, dont ces œuvres de la Française Mel Bonis, de la Russe Sofia Gubaïdulina et d’autres compositrices qui gagnent à être connues!
Sur scène, un quintette féminin comprenant Laure Franssen, flûte traversière, Noémie Monot et Loraine Monnin, pianos, Francesca Puddu, chant ainsi que Mathilde Rusca, violon et mise en images.

Le concert sera suivi d’un apéritif / Entrée libre / Collecte.

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100 ANS, livre-souvenir élaboré par Nathalie Dubois, directrice du Collège Musical, avec des textes de Robert Nussbaum et Thomas Sandoz.

Photographies: © Pablo Fernandez
Graphisme: polygone.ch,

25 .- CHF 112 pages (La Méridienne, Impressions, Payot)

Avec le soutien  de la Loterie Romande, de la Ville de La Chaux-de-Fonds, de l’Association des Amis du Collège musical ACM et de la Fondation Casino Neuchâtel

Bon à savoir: il existe des bons cadeaux pour les écolages du CM, pour Noël, mieux qu’un nounours en synthétique.

Quand le Collège Musical envahit un centre commercial!