Du crottin sur les pavés belges d’occase
Chouette surprise, Manisha Berger et ses chevaux ont fait halte Place du Marché, où huit arbres ont été plantés. Portraits de l’écuyère, des chevaux, des végétaux et du grès.
À La Chaux-de-Fonds, les chevaux se font rares dans les rues, plus de laitier passant avec sa charrette chargée de boilles, si ce n’est un cabriolet vintage tiré par deux destriers paradant rarement le long du Pod.
Un beau matin, un jeudi ensoleillé comme l’automne nous en réserve toujours (c’est une des raison d’habiter ici, non?), j’aperçois un petit attroupement au milieu de la place nouvellement pavée.
Deux chevaux attiraient l’attention des passant·es. Quatre personnes s’affairent autour des montures, un grand chien blanc se prélasse en attendant le départ.
Halte d’approvisionnement
Manisha fait ses courses dans les commerces du quartier avant de partir en randonnée avec trois amis. J’attends son retour en observant la scène. Les commentaires vont bon train: «Mais on dirait des poneys», s’exclame l’un. «Un peu gros pour des poneys, affirme une autre». «On dirait des chevaux de western», avance l’amateur de poneys. Il n’a pas tout tort: bien que de race mélangée, les deux bêtes à crinière, style chevaux de prairie, sont râblées. L’un est demi-quarter, race américaine de selle que l’on peut effectivement apercevoir dans de nombreux films de cowboys et d’indiens. L’autre est un hongre, soit un étalon châtré.
Barda raisonnable pour Yaméa
Des enfants curieux veulent savoir le nom des chevaux. De retour de courses Manisha se plie au jeu des questions-réponses: «Il y a la vieille Yaméa, la plus grande jument et Tao, plus jeune; comme le hongre Tao a plus d’énergie que Yaméa, il porte plus de poids», explique la patronne Manisha Berger. On ménage donc l’aïeule.
«Tao porte deux caisses de 24 kilos, avec la selle et le reste, cela fait environ 60 kg», ajoute l’écuyère bourlingueuse. L’équipe est complétée par le chien Haku, un berger blanc suisse. Dès que son nom est prononcé, il se lève pour quêter des caresses.
Avant le départ direction Sommartel en visant les Ponts-de-Martel, il faut rééquilibrer les caisses contenant les provisions.
«On fera un petit 20 kilomètres, aujourd’hui». Les quatre copains se réjouissent d’avoir le soleil avec eux.
Randonneuse équestre
Connue pour avoir parcouru pendant une année les chemins de la Suisse aux Balkans, Manisha Berger aime la nature et les chevaux. Un brin timide, elle profite de la présence de ses compagnons à quatre pattes pour faire des contacts. Sauvage, elle préfère la forêt aux villes, les parcours à pied que l’avion ou la voiture. Ainsi en 2020, elle est parti d’Yverdon sur les chemins de l’Europe de l’Est. Son site intitulé la caravane silencieuse suit en photos, les différentes étapes de son périple.
Principe: au rythme du pas
L’idée est simple, il s’agit d’accompagner les chevaux, pas de les monter, sauf grosse fatigue. Pour la dresseuse de chevaux, «le voyage est un mode de vie», elle respecte ses compagnons de route, décidant au fur et a mesure d’un itinéraire et de la vitesse de croisière. Bien entendu Manisha Berger ne gagne pas sa vie en suivant ses chevaux. Lorsqu’elle ne parcours pas les campagnes et les bois, elle travaille comme palefrenière dans un manège.
Nuits à la fraîche
Difficile de trouver un hôtel avec deux chevaux et un chien de belle taille. «Pas de soucis, on campe ou parfois des paysans nous hébergent, pas besoin d’une écurie, els chevaux restent dehors, il faut juste qu’ils puissent manger de l’herbe durant la nuit».
- Pourtant ils doivent boire, il faut une source ou un abreuvoir, non?
- Pas forcément nécessaire, en principe l’herbe est suffisamment mouillée pour les hydrater.
- Mais ils vont se tailler vos chevaux!
- Ah, non, je transporte des piquets légers pour monter un enclos, s’il n’y a pas d’endroit fermé pour pâturer.
Ayméa et Tao sont ensuite munis de chaussures pour chevaux ou hipposandales, pour éviter qu’ils ne se blessent les sabots.
Bientôt le départ, le chien se lève, le crottin est enlevé, Manisha n’aime pas laisser de traces.
Ravie de cette visite, Céline, une des patronnes du Café du Marché, offre les cafés aux randonneurs. «J’ai suivi le blog de Manisha tout au long de son voyage en Europe de l’Est, c’est top».
Revenons à la Place du Marché et son pavage.
Les pavés du plat pays
Les pavés posés sur la place rénovée seraient d’occasion proviendraient de Belgique, entend-on par-ci par-là. Vérification faite auprès du Service technique de la Ville, c’est exact, RTN l’a rapporté.
Marc Arlettaz, ingénieur communal, indique que les carreaux posés à la Place du Marché sont en vrai grès. «Il y a une filière de pavés d’occasion en Belgique. Nous ne savons pas de quelle ville ni bien sûr de quelle rue ils proviennent. Notre fournisseur habituel de pavés nous a signalé l’existence de cette source durable. Écologiquement, on dépense nettement moins d’énergie grise que pour extraire de nouveaux pavés. Il s’agit de pavés de grès.»
Pierre testée contre le gel
«La teinte choisie est nettement plus chaude que celle du pavé de granit gris classique utilisé à La Chaux-de-Fonds», poursuit Marc Arlettaz. «Ce grès a été testé contre le gel, et soulignons qu’un pavé d’occase est bien meilleur marché qu’un carreau neuf, un rapport de 2 à 3 fois moins cher suivant les pierres sélectionnées».
S’il subsiste de petites flaques à quelques endroits sur la place, des rhabillages sont en cours pour éliminer ces imperfections de jeunesse.
Unique petit bémol: on attend encore les portes définitives des WC publics. Ils sont non-genrés et le métal brille. Ressortons en plein air.
Essences variées
Quelques jours plus tard, tôt le matin, une autre équipe s’affaire au bout de la place, derrière le kiosque. Des employés de la commune viennent de terminer la plantation de huit nouveaux arbres.
«Ces jeunes arbres proviennent d’une pépinière fribourgeoise», précise le chef d’équipe Julien Brodard. «On a choisi des variétés résistantes, comme du frêne ou du tilleul, il y a aussi des arbres d’ornement.
Pour les amateurs, voici les noms (savants) d’une partie des essences mises en terre:
- noisetier de Byzance (corylus colurna)
- copalme d’Amérique (liquidambar styraciflua)
- frêne à fleur (fraxinus ornus Louisa Lady)
- merisier à double fleurs (prunus avium ‘plena’)
- orme résistant (ulmus Sapporo autumn gold
- févier d’Amérique (gleditsia triacanthos Skyline)
Pour les différencier, il faudra attendre le printemps dès que le feuilles apparaîtront. L’automne prochain promet de belles couleurs.
Dans la rubrique Arborisation, signalons que le secteur Vert du Service des espaces publics, a commencé à replanter des centaines d’arbres au Paddock.
Nouveau bar à café LUNE
Pour terminer ce tour des pavés, notez qu’un bar tout neuf vient d’ouvrir ses portes et sa terrasse sur cette place qui bouge: le Bar Lune. Tenu par Mustafa Şahin, Bar Lune est ouvert toute la semaine de 8h à 23h sauf le lundi après-midi.
«Le dimanche ça marche fort, les autres endroits sont fermés», sourit le nouveau tenancier. Très aimable, on peut passer commande ou réserver une table au 078.858.55.19.
Mustafa est bien connu des clients des cafés avoisinantes: il a servi successivement au Forum et à la Bohème.
1000METRES.CH lui souhaite bonne chance.