Le Mycélium plante une forêt comestible

Les premiers arbres viennent d’être repiqués. Objectif d’ici quelques années: une vraie forêt de 300 arbres et arbustes. L’idée est née en 2022, portée par une douzaine de mordus.

Gamin, j’allais au paddock de la rue des Crêtets, regarder les courses de chevaux. C’était au siècle passé, l’équitation a depuis passé à l’est de la ville. Aujourd’hui, l’endroit est dédié à plusieurs activités sportives et jardinières: un rectangle est réservé au basket et à un espace public de fitness à ciel ouvert. Une aire de pumptrack de 30 x 40m destinée aux BMX, VTT, trottinettes et autres skateboards est en construction.

À proximité immédiate, le jardin du Mycélium déroule ses volutes en permaculture.

Vision ambitieuse

L’idée de créer une forêt comestible a vu le jour en 2022. Un des initiateurs, Florian Candelieri, m’explique qu’une forêt comestible est composée d’arbres, d’arbustes, de plantes vivaces, de grimpantes, de légumes racines et de couvre-sols pour créer un système agricole productif, autosuffisant et à faible entretien. Autrement dit: on fait de l’agro-éco-sylviculture.

Il s’agit de disposer d’une majorité de plantes qui durent, et peu de végétaux qu’il faut replanter chaque année. Cela fonctionne grâce à la présence de plusieurs strates, du haut des arbres (canopée) jusqu’au ras du sol, histoire de maintenir la fertilité en circuit fermé, entendez: sans d’apports d’engrais. Tout en offrant des récoltes plus ou moins abondantes suivant les conditions météo.

24 trous attendant leurs hôtes
Préparatifs

Faire les foins pour pailler

En accord avec les autorités communales, le réseau Mycélium a le droit de jardiner et installer sa forêt comestible, à condition de faucher l’herbe sur la parcelle alentours.

Répartition des tâches

«C’est plus vite dit que fait», note Florian. Bien que l’herbe soit coupée «à la motofaucheuse», précise Jérémy, le génial mécanicien du team, une fois sèche, elle est récoltée à l’ancienne dans de gros draps par ballot. «Puis ce foin est ajouté au sol, ou autour des plantations, pour que le sol ne reste pas nu».

Revenons à la réalité du terrain forestier. Le weekend des 25 et 26 octobre, sous une pluie persistante, les valeureuses et valeureux bénévoles ont placés 24 arbres fournis par la commune.

Déballage d’une motte

Pruniers, châtaigniers, muriers

L’équipe de la forêt comestible du Mycélium remercie les employés du Service des espaces vert qui ont préalablement creusés de profonds trous pour placer divers arbres, en bravant la tempête Benjamin!

Il s’agit de pousser ensemble

Ainsi, à l’avenir on trouvera là par exemple des châtaigniers et des pruniers de Chézard, une espèce locale qui donne de jolis et goûteux petits pruneaux. Des muriers sont prévus, ainsi que d’autres espèces nouvelles dans la région. Les initiateurs et initiatrices espèrent même déguster à terme des noix de pécan, fruit du pacanier ou noyer de pécan.

Plusieurs centaines de plantes cohabiteront sur cet espace. On pourrait gloser et prétendre qu’un tiers d’hectare n’est pas bien grand pour assurer la souveraineté alimentaire de la commune, reste que cette forêt comestible joue une rôle pionnier à notre altitude. Pourvu qu’il serve d’exemple à d’autres initiatives du même tonneau.

Dressage final

Le tout a un coût, estimé à quelque 100’000 francs, en partie subventionné par la Ville, à raison de 20’000 frs pour cette année.
Notez que la série d’arbustes et d’arbres plantée par la Ville l’an dernier au bord de la route ne fait pas partie du projet de forêt comestible dont il est question ici.

Gros boulot de mise en terre

Pour repiquer un arbre, il s’agit de le transplanter durant son repos végétatif, soit entre octobre et mars dans notre contrée. Il faut prévoir un trou deux fois plus large que la motte, du compost, des tuteurs solides et de l’huile de coude.

On place l’arbre bien droit dans le trou, en faisant attention à laisser le  à ce que le collet (partie de l’arbre entre le tronc et les racines) au niveau du sol. Puis reboucher, tasser et arroser abondamment. Il faut prévoir un large paillage (ou un tas de copeaux) parce que le sol autour du trou va se comprimer sous l’effet de l’arrosage.

Tenir sous la pluie

Se sustenter et se réchauffer

Toute l’équipe, une douzaine de fidèles du Jardin du Mycélium renforcée moralement par la présence d’une cinquantaine de participantes venues d’Espace F, ont marné plusieurs heures sur une partie de 3300 mètres carrés dédié au projet. Avec un petit coup d’pouce de la Circulaire, association voisine proche, bref de la bonne volonté à tous les étages, cette forêt mangeable va prendre forme petit à petit.
Samedi après-midi, lors de mon passage sur place, une partie de l’équipe se réchauffait dans l’ancienne et sympathique maisonnette du Paddock.

Repos à la Maisonnette

Florian précise: «On a mangé là par tournus à midi, impossible de mettre tout le monde sur les deux tables en même temps.»

Le vieux truc de la bouillotte

Lucie Bilat, l’âme du lieu qu’elle a grandement contribué à aménager, avait amené des bouillottes pour réchauffer les bénévoles. «Moi, j’en ai mise une dans mon jean pour me chauffer les reins», sourit-elle.

Huile de coude

L’heure est à la poutze de la maisonnette, prêtée par la Ville à condition d’y accueillir aussi les associations du voisinage. Comme tout est agencé au petit poil au sein du Réseau Mycélium, un règlement précise les conditions auxquelles on peut avoir accès à ce petit local.

Entretien grandeur nature

Une fois les arbres plantés, il faudra ajouter des arbustes des plantes qui couvrent le sol, veiller à ce que des insectes utiles nichent là et éloigner les animaux et végétaux envahisseurs.

Pas une mince affaire, toute aide est bienvenue. Donc, si vous aimez les arbres, adhérez au réseau sans tarder!

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Rendez-vous dans quinze ou vingt ans pour voir comment ce système vivant et nourricier se comporte. Et si les noix sont nombreuses.

Et 1000 merci à Mario Riggenbach pour ses photos!

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P.S. Si vous n’aimez pas qu’on coupe les arbres en ville, lisez la Chronique de 1000METRES.CH où Raphaël Meyer recense les abattages qu’il réprouve.