Partage sans territoire fixe
L’association Partage distribue à La Chaux-de-Fonds 180 tonnes de nourriture par an aux plus démunis. Les aliments sont fournis par Table Suisse. Visite avec la co-présidente.
Dès l’ouverture, une queue se forme au numéro 1 de la rue de l’Etoile. Non, l’échoppe ne vend pas de Swatch lunaire à tirage limité. Prosaïquement, l’association Partage tient là quatre fois par semaine boutique gratuite. Histoire de contenter familles et individus peu argentés manquant de provisions dans leurs armoires qui viennent y chercher pain, légumes, boîtes de conserve, viande et autres produits de première nécessité.
La variété des denrées distribuées dépend des arrivages en provenance de la fondation Table Suisse, basée à Chiètres (BE). Cette organisation rassemble et offre à une vingtaine de lieux de solidarité en Suisse les surplus des magasins Coop et Migros, Manor et Landi, entre autres.
Trier, ranger et congeler
Table suisse livre en camion ou camionnette, suivant la «récolte» d’invendus. Avant de remplir l’étal, il s’agit de trier la marchandise reçue et d’enlever les feuilles de salade pourries par exemple.
Les produits qui ne se gardent pas sont distribués rapidement (parfois le jour même, lorsque la livraison arrive 10 minutes avant l’ouverture), d’autres moins périssables sont mis en caisses plastiques ou sur des étagères; ce qui est trop vieux est jeté ou mis au compost – car chez Partage, l’hygiène est de mise.
Les bénévoles mettent à congeler une partie des produits et remplissent avec assiduité les frigos: la marchandise fraîche donnée est ainsi de bonne qualité.
Achats ciblés
Si la livraison ne couvre pas les besoins en frais, «nous achetons des produits pour compléter. Ça peut être de la viande, des conserves, de la farine ou du riz», explique la co-présidente Natacha Hayoz-Shoetan interviewée un vendredi à l’heure de la distribution. «Ces produits de première nécessité sont acquis grâce à l’argent des donateurs et celui des communes du Haut et du canton». S’il n’y a plus de pain, la farine remplace, s’il n’y a pas de tomates en vrac, les boîtes de pelati font l’affaire.
Genèse
L’association Partage a été fondée par 3 groupes de la société civile chauxoise: la coopérative anarchiste appelée également Partage (emmenée par feu Nimrod Kaspi), la communauté d’Emmaüs (dirigée alors par Emmanuel de Fallois) et le centre La Joliette/CSP. Christian Beuret, animateur principal de ce lieu d’accueil du Val-de-Ruz, a longtemps été président de Partage avant son brusque départ pour l’au-delà.
Solidaire et écolo, tel est l’ambition dès le départ. Des valeurs partagées par les trois groupes fondateurs.
Le premier local de Partage se trouvait au début de la rue Fritz Courvoisier où se trouve maintenant la boutique Miss Terre. Ayant grandi, Partage déménage en 2014 dans l’arcade du seul sex-shop spécialisé de la ville dont le porno sur internet a sonné le glas…
Une capacité d’accueil accrue et une surface de stockage plus vaste permettent alors de mieux répondre aux besoins d’une clientèle de plus en plus nombreuse.
Bon, précisons que la coprésidente Natacha Hayoz-Shoetan ne parle pas de client·es, mais de bénéficiaires.
Besoins croissants
«Iels choisissent le jour qu’il leur convient, car chacun·e ne peut venir qu’une seule fois par semaine s’approvisionner. Chaque nouveau bénéficiaire achète une carte à 5.- francs qui lui garantit 10 distributions». Le système est clair, il permet d’évaluer les besoins et de gérer tant les bénévoles que celle et ceux qui viennent remplir leur sac, panier ou chariot durant les quatre jours d’ouverture hebdomadaires.
Au hasard
Un système de numéros permet d’avoir une file d’attente pas trop énervée et une affluence régulière à l’intérieur du local. Le truc est simple, il fonctionne par tirage au sort: une fois les emplettes gratuites terminées, chaque bénéficiaire tire un numéro d’un sac. Il est tamponné sur sa carte de distribution. Ainsi, le hasard décide de la place dans la liste de passage la semaine suivante.
Ce système a été mis au point il y a quelques années sur proposition d’une bénévole de longue date, Mathilde Vuille (elle a même persuadé sa fille aînée de venir aider à distribuer les salades le vendredi après les cours). Cela a évité de mettre au point un logiciel pour manager la foule impatiente.
Grâce à ses bénévoles, presque tous bénéficiaires, Partage distribue aux plus précarisés près de 180 tonnes de nourriture par an, l’équivalent de 10 camions remplis ras bord.
Panier équilibré
Chaque bénéficiaire peut se servir sur les tables de sec et de frais, avec en principe 3 légumes par famille. «Nous entendons offrir une alimentation équilibrée, basique».
Les gens ne peuvent accumuler des vivres au-delà de leurs besoins immédiats, ce n’est pas le but d’ailleurs. «Cela ne donne pas de quoi subsister une semaine, c’est un appoint, couvrant quelques repas pour une famille», analyse Natacha.
Besoins croissants
Comment a évolué l’association depuis 2011? «Ça a pris de l’ampleur, on a triplé le nombre de bénéficiaires ces dix dernières années. On sert maintenant entre 400 et 450 familles chaque semaine. Les besoins ont subitement augmenté après l’éclatement du conflit en Ukraine». Malheureusement, les livraisons n’ont pas augmenté en proportion. Ainsi, certains jours, les gens ressortent du local avec moins de denrées qu’il y a 3 ou 4 ans.
Au total, depuis l’inauguration, on dénombre plus de 7000 bénéficiaire».
L’arrivée de réfugié·es ukrainien·nes a signifié 250 bénéficiaires de plus. Globalement, Partage compte en moyenne 10’000 passages annuels pour 2500 ménages.
Durant la pandémie, Partage a mis en place un service de livraison à domicile, des bénévoles véhiculés effectuant les livraisons auprès des personnes malades et confinées. Cela montre la souplesse dont réussit à faire preuve cette structure pas du tout axée sur le profit.
Indispensable bénévolat
Natacha a deux tâches essentielles: d’une part gérer répartition ainsi que stockage des aliments et d’autre part, organiser le tournus des bénévoles. «Je me souviens, au début, il y avait 15-20 bénévoles, maintenant on en a une cinquantaine».
Il n’est guère simple de mettre sur pied la cohabitation entre les bénéficiaires qui viennent s’approvisionner et celles·ceux qui répartissent aussi équitablement que possible la manne disponible: vu que la plupart des bénéficiaires sont aussi bénévoles, une certaine concurrence règne autour des tables. Un jour surprise, un lot d’ananas est débarqué. Bien entendu, il n’y en a pas pour tout le monde, alors que beaucoup en aimeraient.
Tensions au moment de choisir
Car les premiers à pouvoir se servir sont les bénévoles. Comme certains produits sont rares selon les saisons, cela provoque parfois des jalousies, l’un rentre chez lui avec des bananes et l’autre arrivé·e plus tard, n’en a pas. «Chaque bénévole peut prendre ce qu’il est en mesure de distribuer dans son entourage, ni plus ni moins».
Il s’agit en outre de veiller à ce que personne ne s’approprie, par avidité ou par malice, plus de denrées que d’autres bénéficiaires sous des prétextes plus ou moins fantaisistes, genre gros appétit…
On tolère que les familles avec enfants se servent plus généreusement. Partage n’est pas un magasin administré avec tableaux excel et gestion de stock informatisée, l’esprit d’entraide a la priorité.
Pour traiter sur pied d’égalité les bénévoles, une charte a été mise au point. «Elle est complétée par une marche à suivre et un accord de collaboration. But de la manœuvre: que la personne travaille comme on lui demande et pas juste comme elle en a envie», explique Natacha. Chaque bénévole la signe lorsqu’iel s’annonce pour soutenir l’association. «Attention, ce n’est pas un contrat, c’est un engagement mutuel», souligne la co-présidente.
Depuis Bienne
Pauvreté et précarité s’étendent, vous l’aurez compris. Pour preuve: désormais il n’y a pas que des gens des montagnes neuchâteloises à Partage. Depuis la guerre en Ukraine, des cartes ont été vendues à des bénéficiaires de Bienne. «Notre territoire n’a pas de limites, d’ailleurs comment en mettre? Les gens sont là, qu’est-ce qui nous permet de leur dire non? Une distance arbitraire? Partage sert tout le monde et ça fonctionne», affirme Natacha. Simplement, l’offre est plus ou moins opulente.
À l’avenir
Il faudrait à terme améliorer la situation au moment de la répartition et réduire le potentiel de tensions. En effet, celles et ceux qui distribuent peuvent être tentés en voyant passer la marchandise sans pouvoir se servir, surtout si l’on voit quelque chose qui fait vraiment envie». Natacha estime ainsi qu’il y aurait «besoin de bénévoles qui soient pas bénéficiaires».
L’appel est lancé.
Horaires
- Lundi 16h00 – 18h00
- Mardi 16h00 – 18h00
- Jeudi 15h30 – 17h30 (pour bénéficiaires AVS/AI)
- Vendredi 16h00 – 18h00
Partage
rue de l’Etoile 1
2300 La Chaux-de-Fonds
Tél: 032 968 26 28
Coordonnées bancaires:
IBAN: CH24 0076 6000 1036 5763 2
Ce petit tableau est affiché dans le local
Montant indicatif pour ayant droit
Nb de personne | Montant de | à |
1 | Fr. 0.- | Fr. 2700.- |
2 | Fr. 0.- | Fr. 3680.- |
3 | Fr. 0.- | Fr. 4530.- |
4 | Fr. 0.- | Fr. 5370.- |
5 | Fr. 0.- | Fr. 5940.- |
Personne supplémentaire | Fr. 280.- | Fr. 280.- |
Interview de la coprésidente: Emeline Fichot