NA: un outil vital pour réussir l’abstinence
Dix ans que le groupe Narcotiques Anonymes de La Chaux-de-Fonds partage son expérience pour sortir de l’addiction. Principe: un dépendant en aide un autre, le groupe soutient.
Parmi nos internautes, certain·es connaissent, de près ou de loin, quelqu’un·e souffrant d’addiction. Addiction à l’alcool, aux médicaments anti-douleurs, toutes substances légales ou addiction à la cocaïne, l’héroïne, au crack, au MDMA, au THC, drogues illégales, la gamme est vaste.
Pourtant, abus de substances autorisées ou pas, l’atteinte est la même, les symptômes semblables : dépendance croissante, suivie d’une dégringolade de l’estime de soi et d’un rejet graduel par la société, perte d’emploi et tout ce qui s’ensuit. Dans les cas extrêmes, même les proches finissent par s’éloigner, en excluant le/la malade de leur cercle.
Addiction menant à la solitude
Autrement dit, l’incapacité physique et mentale à résister au besoin de consommer le produit addictif conduit à la solitude totale en bout de course.
En effet, l’existence d’un milieu social qui comprend sans faire la morale est essentielle pour demeurer clean. La personne addicte a un besoin fondamental : disposer de chaleur humaine, d’avoir des rencontres avec d’autres individus empathiques donnant les encouragements nécessaires à persévérer.
Quel but en persévérant?
Objectif : rester clean de toutes substances modifiant le comportement, perdre le désir de consommer, ne pas retrouver le chemin de la bouteille, de la seringue, de petites pilules ou du shilom, et trouver un nouveau mode de vie.
Pourtant, seul·e, l’affaire est vouée à l’échec.
Plus de 50 ans de succès
Question abus de substances addictives, les NA (pour Narcotiques Anonymes) savent de quoi il retourne : ce programme d’aide et de soutien en douze étapes a vu le jour en 1953 aux Etats-Unis sur le modèle des Alcooliques Anonymes, en 1984 en France et en 1989 en Suisse.
Les NA accordent une importance primordiale à reconnaître l’existence du problème et à admettre l’impuissance de l’individu face à son addiction.
Dans un second temps, il est suggéré de reconnaître l’existence d’une puissance supérieure qui pourrait aider à surmonter la dépendance. Ainsi l’addicte doit examiner son passé, histoire de prendre conscience des actions commises pour arriver au point de non-retour afin de se pardonner tout en demandant pardon à ceux que l’on a blessés.
Organisation souple
La seule condition pour devenir membre est le désir d’arrêter de consommer. NA est entièrement autonome ; ils ne sont affiliés à aucun organisme, n’ont pas de frais d’admission ni de cotisations, pas d’engagements à signer ni de promesses à faire à qui que ce soit.
L’association n’est rattachée à aucun groupe politique ou mouvement religieux, n’a aucun lien avec la police et n’est jamais tenue sous surveillance. N’importe quel dépendant ou dépendante est bienvenue quels que soient son âge, son origine, son identité sexuelle, ses croyances, sa religion ou absence de religion.
Signalons les 12 traditions NA qui encadrent la manière d’organiser l’association dans son ensemble.
Entraide concrète
Les NA pense que leur approche de la maladie de la dépendance est tout à fait réaliste, car la valeur thérapeutique de l’aide apportée par un dépendant à un autre est sans égale, il-elle est la personne la mieux placée pour en comprendre et en aider un autre.
Le Soi de Jung aide les accros
Le psychologue Philippe Jaquet fournit un aperçu historique : «Ce programme a comme base les considérations de Jung, qui voyait l’alcoolisme comme un problème de l’ombre archétype, et qui a également donné assez de crédit aux alcooliques, pour intégrer et surmonter leur problème, en adoptant une réalité spirituelle, en rétablissant le contact avec la spiritualité, avec la Divinité, avec le Soi.»
Prière de la sérénité présente dans le programme: «Donne-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d’en connaître la différence».
Aperçu pratique des outils
Cela peut paraître simple, voire simpliste. Les outils sont essentiel pour entretenir la démarche de sobriété : on ne peut certes pas changer son état d’addicte – le cerveau est marqué à vie par l’épreuve de la dépendance –, mais l’on peut, avec courage, changer son rapport à la substance – au-delà du sevrage physique, en commençant petit à petit à modifier ses habitudes au quotidien, avec des objectifs à tenir.
Soutien mutuel encourageant
Si au début l’objectif semble modeste, du genre participer aux réunions NA, il met en place une stratégie de prise en charge de son avenir. En posant ce jalon, l’étape suivante pourra être atteinte : arrêter de consommer un jour, puis deux puis trois, etc. Un jour à la fois.
L’entraide entre gens atteint de la même maladie est très efficace, les médecins soignant d’autres malades chroniques (BPCO par exemple) le savent. Car l’addiction est une maladie progressive et incurable, à combattre sans relâche.
Pour avoir partagé la même expérience, un dépendant sait parler clairement à un·e autre dépendant·e, sans juger ses actes ou sa moralité, en cherchant ensemble des solutions, en vivant une méthode partagée et la joie de tenir bon.
Agir à petits pas pour durer
Au départ, il s’agit donc de tenir un jour sans substance. Puis les jours d’abstinence s’additionnent et dans les meilleurs des cas, s’enchaînent sans interruption. C’est un programme de 24 heures.
Anonymat garanti
Il n’y pas lieu de craindre d’être surveillé·e par la police ou une autorité médicale ou administrative. L’anonymat est total. La précision est vitale. L’anonymat est une garantie de sécurité et d’égalité dans les réunions. Il donne l’assurance qu’on ne mettra pas l’accent sur les personnalités ou le vécu d’un individu, mais sur son message de rétablissement. Il protège du jugement.
En plein centre-ville
Depuis peu, le groupe NA de La Chaux-de-Fonds loue un nouveau local situé à la Rue du Parc 47. Les réunions ont lieu tous les vendredis de 19h15 à 20h30.
Oublier les préjugés
J’ai été invité un vendredi soir à une réunion où un membre témoignait pour ses 10 ans d’abstinence complète. Thé, café, petits biscuits, il y avait des bougies pour marquer cette étape atteinte au prix d’efforts continus. J’ai eu la chance d’assister à ce partage d’anniversaire, touchant de sincérité et de gratitude, forte en émotions partagées.
Mémorable témoignage
Le dépendant a commencé par étreindre tous les gens présents (le hug ou accolade fait partie des habitudes NA). Puis il a suggéré un petit tour de table de présentation.
Une telle fête passe par le récit de vie du jubilaire ayant réussi à rester abstinent dix ans durant. Il recevra d’ailleurs une petite médaille commémorative. Xavier* raconte son parcours jalonné de pertes et d’errements, d’abus sexuels, parcours se terminant heureusement par une carrière professionnelle entamée et poursuivie avec succès. Hochements de tête, regards entendus entre celles et ceux qui écoutaient. Ce récit de vie est conclu sur des applaudissements. Le tour de table reprend alors, chacun·e partageant ce qui l’a le plus touché dans le témoignage.
Bien vivre son abstinence
Comment supporter l’abstinence ? Chez les NA, elle est vécue comme une forme active de libération. Selon les quelques personnes rencontrées ce soir-là, le déblocage face à l’obsession continuelle de trouver de quoi satisfaire son addiction est essentiel. Libération des stigmates sociaux, libération enfin d’un manque quasi total d’estime de soi qui finit par mener à la déprime noire, voire au suicide, une réalité que ne nient pas les NA.
La personne, pas la substance
Relevons que certain·es membres de NA parlent de substance, sans les nommer, d’autres indiquent clairement quels médicaments ou drogues les a poussé au fond du gouffre.
Parce qu’en fin de compte, cette précision n’intéresse guère les participant·es. Ce sont les émotions et les expériences vécues en phase de rétablissement et plus précisément dans les moments durs et intenses de la vie qui font l’objet de partage. Ou lorsqu’on rechute.
Oui rechute, car il faut le répéter, l’addiction est une maladie chronique comme une autre, un pas de travers, pour avoir cédé à la tentation et l’on se retrouve à la case départ.
Soutien ponctuel et régulier
NA n’est pas une institution médicale qui suit des patients ou un point de chute pour sans-abris.
Les réunions hebdomadaires offrent avant tout du réconfort et surtout, une complicité, une solidarité, un sentiment d’appartenance, car toutes et tous sont passés par les mêmes étapes, les mêmes affres.
Tour de table
Les accolades entre gens présents m’ont frappées au début : c’est chaleureux, personne ne vous ignore, même en tant qu’observateur, j’ai été accueilli à part entière, chacun·e m’a serré dans ses bras.
Pour conclure : cette association est super utile, indiquez aux individus addictes que vous côtoyez qu’elle existe et qu’elle est à disposition dès qu’on a le désir d’arrêter de consommer.
Les réunions ont lieu tous les vendredi, rue du Parc 47, de 19h15 à 20h30.
Pour plus d’informations, d’autres réunions en Suisse romande et ailleurs: narcotics-anonymous.ch
Helpline: 0840 12 12 12
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Autres groupes de pairs anonymes
À noter que la formule gagnante appliquée par NA et les AA connaît d’autres déclinaisons. Tels les Outremangeurs Anonymes (OA) qui s’adressent aux personnes souffrant d’hyperphagie, de boulimie, d’anorexie et autres troubles du comportement alimentaires.
*Prénom d’emprunt