Compassion et force de l’entraide sociale

Nouvel Horizon fête ses 20 ans cette année. Ce lieu de rencontre et de solidarité est un point d’ancrage remarquable pour des personnes de santé psychique vulnérable.

Complicité, sourires, joie de se retrouver, la cour de l’Ancien Manège bruissait de plaisirs partagés en septembre, lorsque l’ANAAP a convié membres et proches à une journée portes ouvertes.

Retrouvailles dans la cour de l’Ancien Manège

Logé au premier étage de la vénérable bâtisse, cette association offre là repas, lieu de détente, possibilité de s’exprimer par le dessin, la photo la sculpture ou simplement la prise de parole, le tricot voire le jeu.

Atelier de création

L’expérience difficile du Covid

Dans le journal de l’ANAAP sorti durant le confinement en 2020, Nadia Nicoli, coordinatrice, expliquait que «la voie de la créativité ouvre de nouvelles perspectives et laisse entrer un rayon de lumière dans la pénombre de l’angoisse, de l’incertitude et du désespoir». Elle appelait à «continuer à nourrir ce bel élan pour que l’humanité ressorte gagnante de cette difficile expérience».

L’ANAAP qui c’est, quoi c’est?

Peu de gens connaissent l’ANAAP Association neuchâteloise d’Accueil et d’Action Psychiatrique. Pourtant elle offre des magnifiques services. Le lieu de rencontre de La Chaux-de-Fonds, baptisé il y a 20 ans Nouvel Horizon a d’bord pris ses quartiers rue de Beau-Site, dans un local mal chauffé.

Programme créé à la demande des usagers

«Les débuts furent épiques», se souvient un membre de longue date. «On avait prévu de faire à manger pour fêter notre installation dans un endroit fixe, mais on avait oublié qu’il fallait de quoi cuisiner. Heureusement, un voisin bien intentionné, casseroles, services, couteaux et planche à découper. Sinon on aurait eu que des trucs pas cuits à croquer!».
Plusieurs visages s’éclairent de grand sourires à l’évocation de cet épisode resté dans les mémoires.

Fondatrice montée au Château

Ainsi, Florence Nater, longtemps coordinatrice de l’association, devenue depuis conseillère d’État, a, elle aussi, sourit en repensant à la précarité vécue ce jour-là en 2004.

À droite, Florence Nater, une des fondatrices de Nouvel Horizon, présidente du Conseil d’État, avec une membre

Présente vingt ans plus tard, elle a été dignement reçue par toutes celles et ceux savent combien elle a poussé à la roue pour que Nouvel Horizon voie le jour, tout comme ses cousins Le Déclic à Neuchâtel ainsi qu’à Fleurier L’Oasis.

Objectif: éclairer le public

L’occasion était belle de mieux saisir les défis que rencontrent les personnes en difficulté psychique.

Un fidèle membre, devant l’entrée de l’Ancien Manège

Rappelons que l’ANAAP est une association indépendante. Elle travaille sur trois groupes d’interlocuteurs: les personnes concernées par les difficultés psychiques, leurs proches et les professionnels de la branche.

Pyrogravure expressive et très détaillée

Déstigmatiser

Ses activités principales se concentrent sur l’accueil et l’accompagnement psychologique et social, la défense des droits et intérêts des personnes concernées, ainsi que la sensibilisation du public dans l’esprit de déstigmatiser les maladies psychiques.

Il s’agit de monter petit à petit un édifice social bâti sur des relations de confiance, de non-jugement et d’entretiens en cas de coup de durs. Ou de coups de blues qui durent.

Connaissant personnellement plusieurs membres, je sais combien ils tiennent à la relation particulière les liant à l’ANAAP. Cette journée portes ouvertes a été pour eux l’occasion de me montrer fièrement ce qu’ils arrivent à réaliser, dans ce lieu où ils mangent, rigolent et vivent.

Souvent actif pour préparer les repas communautaires, ce membre apprécie l’ouverture d’esprit à Nouvel Horizon

Alors que le reste du temps, en société, ils sont plutôt condamné à vivoter, mal aimé·es, voire ignoré·es car leur difficultés psychiques en font des êtres à part qui forcément, étonnent une partie du public qui craint l’inconnu. Et qui craint surtout de s’ouvrir à établir une relation avec des gens supposés moins intéressants parce que différents.

Une Maison, une Famille

Représentant de la Ville à cet anniversaire, le nouveau médecin communal entré en fonction le 15 août 2024, Olaf Makaci a tenu un bref discours empreint d’émotions. En sa qualité de médecin psychiatre, il connaît bien le rôle que joue l’ANAAP.
Il a saisi cette occasion pour rappeler qu’un de ses patients avait fait un lapsus lors d’une consultation et au lieu de dire qu’il allait retourner «en face à l’ANAAP» avait dit retourner «en face à la Maison». Et Olaf Makaci de souligner: «En un seul mot, il avait tout dit sur ce lieu, exprimant le lien très fort que représente une Maison, car elle abrite une Famille. Un espace où l’on se sent chez soi, protégé par le lien aux autres».

Maxime de Bouddha à pratiquer à volonté

En conclusion, il a assuré Nouvel Horizon du soutien de la Ville pour accompagner des personnes en difficulté psychique vers un avenir meilleur.

Un exemple parmi d’autres

Les trois lieux de rencontre neuchâtelois ne sont pas les seuls à offrir des bouffées de chaleur humaine en Suisse francophone. Citons ici la Coraasp, faîtière romande qui œuvre à coordonner les différents activités en faveur des personnes atteinte de maladies psychiques. Florence Nater y a également œuvré comme directrice, c’est dire si elle est proche de ce milieu à la fois attachant et toujours surprenant.

Bureau pour entretiens individuels

Signalons aussi une série de podcast intitulé La voix de l’ANAAP où les membres expriment leurs motivations, leur recettes de vie sociale, épisodes de réflexion entrecoupés de musiques réalisées par des membres.

«Des solutions sur mes déprimes»

Terminons sur un témoignage figurant sur le site de l’association. Signé d’une membre, Christiane, ce texte montre la relation étroite qu’entretiennent les membres avec cette Maison:

Ma chère Anaap, cela fait 20 ans que l’on fait route ensemble, 20 ans que tu m’as appris à mettre des solutions sur mes déprimes.

Ma chère Anaap, chez toi je me suis fait des amis(es), je me suis construit une famille de cœur et cela réconforte. J’ai connu du monde, j’ai appris des choses, des mandalas et les perles, oui je sais j’ai aussi appris aux autres personnes à pyrograver et à tricoter, tous cela dans un esprit de communion, d’amitié. On serait étonné de ce que l’on peut apprendre en côtoyant différentes personnes en 20 ans, cette chaleur humaine qui vole dans l’air, ce qui manque le plus à ceux qui souffre de solitude.

En hiver on fait des maisons en pain d’épices, pour moi la maison de l’Anaap, je la verrais en grand cœur, et les fenêtres seraient des SOS.

Reflets des années Covid