Stylo contre clics, présence plutôt qu’écran

Difficile de vivre hors ligne. Qu’il s’agisse de signer virtuellement ou de dialoguer avec l’administration, il faut cliquer dur. Ode à la permanence humaine et téléphonique.
Le parti pirate va bientôt déposer son initiative pour favoriser les démarches du quotidien sans passer par internet. Constat: la fronde anti-numérisation s’étend.
Subsister sans internet
La vie hors ligne doit être possible, pour les allergiques aux écrans qui n’ont pas d’ustensiles coûteux et tactiles difficiles à manier. Le capitalisme s’y frotte, la tendance est donc en marche.
Il s’agit d’instituer la paix des messages. Ça existe: les employé·es espagnols ont droit à la déconnexion hors travail.

Les app font croire que vous échappez à l’attente pénible à la caisse, que vous vivrez mieux en faisant «vite» vos course à 3h du mat. Dès lors, éviter d’être branché devient aussi vital que le sommeil.
Une marque de yogurt américaine offre même 1000 dollars US$ à celles et ceux qui se déconnecteront jusqu’à l’élection présidentielle de l’automne 2024, histoire d’existerr «sainement» comme prétend le slogan du produit.
Bonne idée genevoise
Au bout du Léman, il n’y a pas que des gueules élastiques. Il y a des idées à suivre. Dans Le Courrier du 30.7.2024, un chroniqueur, L’Impoligraphe relevait que le Conseil municipal de Genève (législatif de la ville) a adopté une motion «Pour une Ville encore capable de parler à ses habitant·es», laquelle demande de ne pas réduire les possibilité offertes aux Genevois·es de «s’adresser oralement aux services de la Ville, de les questionner et d’obtenir d’eux des réponses et des prestations et de ne pas sacrifier ces possibilité de communications au développement de l’e-administration».
L’idée en 9 mots: maintenir les permanences téléphoniques ainsi que les guichets présentiels.

Brillant, à retenir. Ça doit être possible à La Tchaux aussi.
Le numérique renâcle? Retard
Au-delà des oublié·es de l’e-communication, a-t-on calculé les heures d’attente perdues à établir des liaisons en visioconférence?
Car c’est pas si joyeux qu’il n’y paraît: il y a toujours ou presque un·e participant·e qui n’entend pas, qui n’arrive pas à se brancher, une connexion Wifi qui foire et j’en passe. La prise de tête est programmée.
Exemple de temps gâché et de manque à gagner pour les postiers, récit d’une validation de signature électronique dans une boutique Swisscom.
En tout temps, sans efforts
C’est magique, le Premier de l’An avec une terrible gueule de bois, vous signez un contrat sur vos chiottes en pyjama Calida. Qui n’a pas rêvé pareille liberté?

C’est la fin annoncée des stylos Mont-Blanc frime en or ajouré, des Caran d’Ache argentés, des plumes à pompe Parker et des cartouches réservoir Pelikan qui maculent les poches du costard à 2500 francs.
En route pour de nouvelles signatures✒️.
Signer à distance, la galère!
Afin de «faciliter la tâche» de ses client·es, la grande maison bleue au logo tournant offre– avec quelques acolytes – d’accéder un logiciel appelé Skribble (= griffonner) qui valide votre signature électronique. Naturellement, c’est formidable comme disait Adolf Ogi, l’application est super sécurisée, serveurs en Suisse, maintenance garantie helvétique, triple contrôle au départ, du PKZ Pien Kousu Zolide.
Avantageux, naturellement: «La signature électronique vous permet d’économiser des frais de voyage, de personnel et d’impression: jusqu’à 90 % de dépenses en moins.»
Las, rien n’est gratuit: le tarif est est gratiné.
Vos papiers svp
Pour lancer l’homologation sans encre, il faut, logique, des papelards d’identité, pas une affaire pour ringard sans papiers.
La procédure prévoit trois niveaux de sécurité. La sécurité titille toujours les esprits numérisés, les programmeurs savent que leurs codages ne garantissent rien à 100%.

J’opte pour l’hyper-sécurité, le top de la signature Skribble, le maximum SEQ (signature électronique qualifiée). Selon la loi d’ici, elle est juridiquement équivalente à la griffe manuscrite. Si vous voulez ce graal, ça se corse, il ne suffit plus de remplir de nombreux formulaires en ligne et regarder un tutoriel.
Reconnaissance visuelle
Pour la triple infaillibilité, cernez un rendez-vous chez Swisscom sur votre portable. On vous demande illico si vous avez effectué correctement tous les préparatifs (en clair: télécharger la Swisscom app) AVANT de rencontrer une personne physique, histoire de ne pas faire perdre de précieuses secondes au préposé à la lecture de votre carte d’identité.
«Tenez droit la carte»
Sur place, le contrôle est facile. Le gars prend une photo de votre carte d’identité, tapote sur son écran, contrôle qu’un SMS de confirmation apparaît sur mon téléphone. Puis il me photographie avec ma carte d’identité en main avec mon téléphone. Reconfirmation.

Me voilà enfin certifié. Joie et soulagement: ma signature existe dans le nuage.
Activons la chose
J’ai reçu un lien sur le document (un contrat d’adhésion) que je devais parapher virtuellement. J’ai sué sur l’introduction dans Skribble de ma signature scannée. Bingo, réussi à la troisième tentative.
Une fois pressé et cliqué partout comme il faut, écrasé le pouce au bon endroit sur le téléphone intelligent, confirmé qu’il s’agit si, si, bien de moi, le document a été considéré comme paraphé.
Prendre un coupe-papier, ouvrir une enveloppe, saisir un stylo et signer me semble moins accaparant, car je suis vieux jeu.
Morale de l’exercice: pour signer sans signer, armez-vous de patience.
* * *
Signez 5x, vous paierez ensuite
Précision: sur SwissID, vous n’avez droit qu’à cinq signatures virtuelles gratuites. Bon, une suffit pour ouvrir par exemple un dossier santé, pourtant à la longue ça coûte.
Attention, ce n’est pas une signature manuscrite scannée et numérisée, c’est votre nom assorti d’un lien sur la banque de données où votre identité est stockée. Ainsi, ô joie ineffable, vous pouvez signer des PDF Adobe partout 24h/24. Moi, qui me suis bien observé, je signe désormais tous mes contrats à 3h15 le matin au lit, là je suis tranquille, seul avec cette chère SwissID, quelle sécurité (❁´◡`❁).

Ultime parenthèse: l’appli SwissID a des collègues ayantaussi tendance à ne pas croire en vous. Google par exemple: si vous essayez de récupérer une adresse commerciale dont le propriétaire est aux abonnés absents ou, pire, ayant perdu son téléphone mobile, préparez-vous à filmer l’ouverture de la porte d’entrée, puis celle de la caisse enregistreuse, histoire de prouver au logiciel que vous avez les clés …