Des bûches en entrée aux billes du dessert
Dès l’antipasto, chez Gennaro Rotella, l’Italie est à votre table. Mets aux couleurs de la République, c’est bon, c’est frais, c’est imaginatif. Courez à La Parenthèse 2.0.
Originaire de Pompéi, le chef Gennaro Rotella peut se réjouir, à peine repris La Parenthèse au fin fond de la rue de l’Hôtel-de-Ville, il est déjà cité au Michelin. Le guide signale «une cuisine tout en finesse», ainsi que «l’accueil des plus charmants».
Savoir vineux sans faille
On ne saurait mieux dire: la responsable de salle Francesca Picone, une Romaine fort attentive, connaît fort bien ses vins et s’il y a un doute, elle ira fissa se renseigner!
Précisons que la carte des boissons recèle, entre autres, d’excellents vins blancs du sud de la Botte peu connu chez nous. Si vous souhaitez en savoir plus sur les crus disponibles, une visite de la cave s’impose à l’heure du fromage.
Des idées pour s’enivrer …
La tradition instaurée par Yves Pagni perdure, on passe dans un sombre couloir voûté pour aller choisir quelques gourmandises salées avant le dessert.
Et là, que de bons flacons, de domaines peu connus, autant de raison de se laisser surprendre.
… ou boire de l’eau
Côté eaux, La Parenthèse offre le choix entre des classiques appartenant à Nestlé (San Pellegrino ou Henniez) ou moins chère, de l’aqua Lurisia – une source des montagnes de Ligurie – rachetée il y a peu par Coca&Cola (on échappe difficilement aux multinationales dans le secteur).
Nous y reviendrons au fromage, ressortons de la cave et passons à table.
Cornes emblématiques
La décoration contemporaine est sobre, avec une touche rouge, le symbole porte-chance appelé curniciello en dialecte napolitain; il s’agit de cornes revues et corrigées qui trônent au milieu de la table. Wikipedia note que «la corne est considéré comme de bon augure depuis le Néolithique en raison de sa forme phallique qui en fait un emblème de fertilité, de virilité, de force physique».
Le machisme des traditions a la vie dure.
En fond musical discret, des notes jazzy agrémentait l’ambiance le soir où je m’y suis rendu. Et si le son est trop prenant, Francesca ira, sur demande, tourner le bouton du volume.
Discrète, cette déco minimaliste permet de se concentrer sur les plats, qui méritent effectivement une attention soutenue.
Tuiles et suppli tomatés
Comme amuse-bouche, Francesca sert des chips au goût d’origan et tomate en forme de grille accompagnées de croquettes de patate. Ou suivant le menu sélectionné, de mini-suppli de riz goûteux, soit une boule de riz tomaté farci à la mozzarella et brièvement passé à la friture, typer arancino nain.
En entrée ou primo piatto, n’hésitez pas si, vous aimez les fruits de mer, à vous précipiter sur le carabinero frit entouré de crevettes, avec une sauce céleri ravigotante, c’est excellent.
Pour les végétariens
Si vous n’aimez pas sacrifier des bêtes vivantes, ne manquez pas la Parmigiana en forme d’une petite bûche rectangulaire et légère. L’aubergine domine clairement, c’est un plat étonnamment peu gras, le parmesan n’étant présent que dans la sauce. Magnifique présentation verte, blanche et rouge.
Si vous désirez rendre hommage à la Botte sous une autre forme, prenez des cannelloni au basilic /ricotta, la pâte est maison, le tout décoré de persil finement haché. J’ai trouvé le tout un peu sec le soir où j’ai goûté, on ose critiquer ici.
Pasta, un sommet
Pour passer au plus typique afin de mieux appréhender toute la subtilité et l’inventivité du patron, j’a craqué pour les mezze maniche (petite pâte courte ronde d’Émilie Romagne) au ragoût de poulpe et thon fumé. Servies avec une touche d’aïoli, ces pâtes s’agitent littéralement sous vos yeux! La surprise passée, vous apprenez qu’il s’agit de copeaux ultra-mince de bonite fumée (Katsuobushi) déposés au moment de servir. De petites olives noires côtoient les billes de poulpe. J’ai hésité à demander une portion à l’emporter.
Autre région, autres pâtes: en direct de Campanie, les linguine complète à la Nerano, une petite village proche de Sorrento en face de Capri. C’est d’une simplicité confondante, des lames de courgettes assaisonnées de provolone du moine. Un dé de beurre et le tour est joué.
Pour les fans de pâtes fourrées, la carte propose également des cappellacci farcis de sériole, tomate jaune confite et provola fumée à la paille
Secondo piatto
Précisons ici que les plats présentés sont à la carte, mais que le chef offre trois menus alliant 5, 7 ou 9 «impressions», pour faire le tour d’Italie en un repas. Désormais, la carte est en ligne.
Dans le genre spécial, le bœuf cuisson lente sauce chocolat amer est un plat généreux qui est assorti de légumes de saison de provenance régionale. Début septembre, l’assiette présentait des carottes, de la courge, des petits pois et du brocoli.
Signalons en outre la boule de pain chaud au maïs, servie avec une huile d’olive bio des Pouilles, corsée un brin piquante, de la maison Oilalà, Terra di Bari. Cuite maison comme il se doit.
Plongée sur le fromage
Repassons la porte de l’antre des saveurs sterchiennes – en bon voisin le fromager number one des montagnes neuchâteloise livre une sélection de formaggi typiques. Des chèvres côtoient deux pecorino dont l’un est agréablement safrané.
Le patron me glisse que Pagni a passé par là peu après l’ouverture, histoire de goûter la cuisine de son compatriote.
Exercice surprenant
Il est à la mode de revisiter les plats les plus divers. L’exercice peut s’avérer plus ou moins concluant. En proposant une autre déclinaison d’un classique dessert napolitain, Gennaro Rotella a réussi un coup de maître. Il a transformé une sorte de tourte, la pastiera, (tourte de pâte brisée farcie d’un mélange à base de ricotta, fruits confits, sucre, œufs et grains de blé bouillis dans du lait ) en une rangée de petites billes succulentes au parfum de fleur d’oranger agrémentées de sauce mangue, on serait presque tenté d’en commander une seconde portion!
Recette des dieux de l’Olympe
Il existe une jolie petite légende concernant la pastiera:
La sirène Parthénope, symbole de la ville, avait décidé de s’établir dans le Golfe de Naples, une merveille à ses yeux. Une fois l’an, au printemps, elle faisait son apparition hors des eaux et susurre des chants d’amour sublimes et doux.
Pour lui rendre hommage, les habitants fascinés lui offrirent les sept meilleures matières premières disponibles sur place. La sirène Parthénope déposa ces dons aux pieds des dieux qui créèrent la pastiera.
Symbolisme et machisme
Ces ingrédients symboliques sont l’œuf (l’infini), le blé (le renouvellement), la ricotta (la pureté), la farine (force et richesse) la fleur d’oranger (renaissance au printemps), du miel et des épices, portés évidemment par sept jeunes vierges belles à mourir, on était déjà fort macho à l’époque.
Secrets de famille
Précisons que la pastiera, c’est comme la fondue, il n’existe pas de recette originale, unique et 100% reconnue! Avec les mêmes ingrédients, chaque famille crée sa propre alchimie.
Gennaro Rotella a sûrement dans sa famiglia une tante ou un aïeule versée dans les desserts qui serait enchantée de sa trouvaille.
On trouve d’autres douceurs à la carte, une mousse de chocolat blanc, glace amande et coulis de fruit de la passion ou un tiramisù.
Sans surprise, le café est serré, le cantuccio qui l’accompagne est croquant «juste comme il faut» dirait Boucle d’Or.
De Bienne à La Tchaux
Le chef Rotella a de la bouteille: vivant à La Chaux-de-Fonds depuis 2019, il a successivement tenu les fourneaux de La Dispensa, à Neuchâtel et de La Tour, à Bienne. Son arrivé entre les deux ponts CFF est un enrichissement pour la ville qui dispose de plus en plus de restaurants spécialisés qui valent le déplacement.
Pousse-café
Une petite alignée de spiritueux select, quelques rhums, un Kraken ambré par exemple, des whiskies classiques et bien sûr des grappa, dont une Berta et une Da Ponte de prosecco mono-cépage barriquée 8 ans . Si la réglisse est à votre goût, visez la liquorizia ou l’amaro del padrone.
Voilà, si vous n’êtes pas tenté, c’est que seuls les hamburgers ou les pizzas surgelées vous conviennent 😑.
Dicton italien
«Épouse quelqu’un qui sait cuisiner; l’amour peut passer mais la faim, jamais»
La Parenthèse pratique
Rue de l’Hôtel-de-Ville 114,
La Chaux-de-Fonds
032 968 03 89
Fermé dimanche et lundi
N.B. Profitez, il y a un menu Michelin Spécial à 105.- francs le soir jusqu’au samedi 23 novembre. Si vous le réservez, pas possible de choisir à la carte une fois arrivé sur place.
Signalons pour terminer un autre distinction: 2 fourchettes Falstaff