Une Luciole étincelante et étonnante
La surprise culinaire de l’année dans les Montagnes: Danny, chef haut de gamme prépare avec amour légumes, algues, champignons et céréales. Les légumistes peuvent se réjouir!
Établissement inédit à La Chaux-de-Fonds, le Luciole Restaurant brille par son originalité et ses saveurs. Il propose un menu à chaque saison, j’ai goûté printemps et été, c’est renversant.
À l’accueil, un guide Michelin 1939 fait un clin d’œil au passé, en compagnie d’une pendule neuchâteloise rapatriée du Valais, propriété de la famille de Gabi Dubuis. Compagne du cuisinier Danny Baker, elle officie avec une belle intensité et un savoir-faire exercé au service.
En déposant mon chapeau, j’apprends que les boiseries du vestiaire proviennent d’un vieil hôtel zougois.
Vive la récup
Passons aux petites salles. L’adjectif est de mise. Car il n’y a pas énormément de places, ce n’est guère l’endroit pour un mariage ou une sortie de boîte. Pensez dès lors à réserver car, à peine quelques mois après son ouverture ce restaurant s’est déjà taillé une réputation loin à la ronde.
Si vous êtes fans, le chef vous préparera sur demande dans un autre lieu des réception ou des menus sur mesure. Le plus simple est de téléphoner pour lui en parler.
Revenons sur place. Cinq vieilles tables de récup dûment poncée et enduite à l’huile de lin attendent les convives. Décorées sobrement de ronds de marbre, pas de nappes chez Luciole.
Deux menus à choix midi et soir
Notons qu’ici, vous ne trouverez pas de petits encas style tapas ou planchettes. Le soir, deux menus à choix, 6 plats(découverte) ou 8 plats (menu du chef), suivant votre appétit et la taille de votre porte-monnaie. À midi, possibilité d’avoir un light lunch de 3 ou 5 plats.
Luciole, qui aime se fixer des objectifs audacieux, prévoit un menu de 10 plats à partir de 2025.
Un fromage bleu aux noisettes
À propos d’audace, Danny s’est lancé dans l’affinage de meules de fromage à base de noisettes. Il les a inoculées à la mi-mai avec un champignon domestiqué bien connu: le Penicillium roqueforti un microorganisme apprivoisé de longue date. Sur les 25 meules préparées, il va aussi en réserver quelques-unes pour les ensemencer avec des souches de camembert.
Aiguiser appétit et curiosité
Les noms figurant sur le petit carton de présentation font rêver. Cette carte, il est conseillée de l’emporter en souvenir à la fin du festin, sinon, vous oublierez la somme des ingrédients présents dans chaque plat.
Connaissez-vous, par exemple, le scoby candy? Entremet de quelques parfums glacés (pastèque, figue de barbarie entre autres) agrémenté de tonburi (plante nommée caviar de terre pour la taille de ses grains), de rose, de saké et yuzu vert; j’ai dû m’y reprendre à deux fois pour tout noter…
Tout est millimétré
Les noms donnés aux mets font soupçonner un festin éclectique et des assemblages de saveurs salées, fermentées, saisies au grill voire avec un trait aigre-doux.
Ce qui surgit dans les assiettes est à la hauteur de mots imprimés. Entre prés et jardin, tout est issu de la terre et de provenance aussi proche que souhaitables, des salades aux champignons en passant par le blé du pain cuit sur place (nous y reviendrons).
Une seule exception: de nombreuses algues marines viennent parfumer plats ou bouillons.
Pratique culinaire intimiste
Chaque détail compte, les producteurs sont triés sur le volet, ce restaurant mérite son label terroirs Neuchâtel. Et même si les plantes sont à l’honneur, nous ne mangerez pas comme des ruminants: le chef privilégie les inventions osées, les mariages de goûts, le contrastes de textures. Sans oublier une présentation hyper-soignée.
«Du jardin à la table»
Cette maxime prend tout son sens lorsque vous recevez la salade du menu d’été, un foisonnement de verdures avec basilic, framboise, un brin d’hibiscus qui rappelle la saveur du coucou de nos bois.
Très frais, cet enchevêtrement de crudités vous change de la romaine traditionnelle.
Vaissellerie soignée
Servi dans une chouette assiette-fleur faite main et signée Every Story, cette salade se mange avec de la coutellerie portugaise Cutipol. Je n’ai pas retourné chaque assiette, sachez qu’à chaque plat, le contenant est adapté avec goût.
Même au water-closet, les cosmétiques siglés SenSha CH sont stylés, difficile en soi de poser l’œil sur quelque chose qui détonne chez ce charmant insecte.
Le top: le rösti, si, si
Oublié de signaler en amuse-bouche, un des plats-phare de la maison: le rösti d’or, fine étoile de pomme-de-terre rôties et farcies à la crème de truffe, le tout décoré d’un mini-feuille d’or. On en redemande!
Comme le souligne le gastronome Siméon Calame qui sillonne le pays romand pour Gault&Millau: «C’est ludique, c’est pertinent, c’est excellent».
Un «pain» aérien
Inutile de demander des tranches de pain, il n’y en a point. Par contre, attendez un peu et vous verrez arriver, après un premier service de bouillon, un ballon super léger; cette surprise gustative est cuite sur place, avec de la farine fraîche du Val-de-Ruz. Cette sorte de brioche qui n’en est pas une (c’est sans œufs à Luciole, on le répète) est servie avec une courte sauce ou un beurre végétal préparé au cacao désodorisé (goût neutre), ou un balsamique aux mûres, suivant le menu sélectionné.
Nous avons goûté cette bombe céréalière assortie de huitelacoche, un champignon parasitaire du maïs. Une trouvaille de plus au palmarès de ce chef qui pratique un syncrétisme gourmand hors normes, ne reculant pas devant certaines associations à priori choquantes. Autrement dit, le chef porte bien son nom (baker = boulanger).
Eau des Alpes au prix fort
En matière de boisson, une petite carte qui privilégie les crus de chez nous, dont un joli choix de chez Henri Cruchon et filles. Ce choix va s’étoffer avec quatre vins locaux de mieux d’ici à l’automne. Sachez qu’il y a quelques pépites ne figurant pas à la carte si vous vous laissez tenter par la proposition de crus accordés aux mets.
Ajoutez une sensation, deux blancs anglais: «Le meilleur Chardonnay de la vieille Albion», souffle le chef Danny Baker, qui a exercé à Londres et Manchester. Ne pas regarder au prix pour tâter de cette spécialité barriquée british, tout comme pour l’eau de Sembrancher (VS), qui culmine à 12.- francs la bouteille. Heureusement, il y a de jolies carafes de Château La Pompe.
Pour les amateurs et amatrices de digestifs, des distillats classieux, UK encore, de chez Capreolus.
Un bouilleur de cru campagnard qui utilise de vieux arbres. Entre framboise , coing et pomme, mon cœur balance…
L’imagination aux fourneaux
Baker déploie une patience bienvenue pour mitonner sur le long terme une partie de ses ingrédients. Ainsi, précis en diable, il m’a fourni un récapitulatif détaillé du temps de confection d’un plat d’été:
- la carotte est traité au koji entre 5 et 7 jours,
- l’algue kombu trempe dans son huile à 2 semaines et 2 jours,
- le jerky de Lion’s mane (soit crinière de lion; il s’agit d’un champignon de la famille des écailleux et du pied de mouton, l’hydne hérisson, il pousse sur les arbres) prend 2 jours pour trouver sa consistance idéale,
- la purée de figue infuse dans un vieux balsamique (35 ans!) durant 48 heures,
- la crème d’estragon baigne 4 jours,
- la poudre de feuille de figue sèche 4 jours pour trouver son croquant parfait
- et la lactofermentation des abricots prend 3 à 5 jours.
Seules la tempura est apprêtée minute. Et la fleur de jasmin en déco est bien entendu fraîche!
Résultat bluffant: le plat où trône cette carotte est ainsi composé de 8 sapidités différentes, en 8 couleurs et 8 cuissons de longueurs différentes! Quand le chef se donne à fond, c’est impressionnant.
Une hôtesse hors pair
N’hésitez pas à demander à Gabi des éclaircissements, c’est une mine de d’informations. Si par hasard elle est à court de renseignements, le chef vient volontiers en fin de repas expliquer produits ou préparation
Brush up your english
Un seul défaut, car il faut bien en dénicher un: le chef parle surtout anglais. Bon, sa compagne Gaby, grande prêtresse du service, en sait long sur les plats et les boissons présents à la carte, ça compense largement.
Alors, tenté·e?
Horaire
Mercredi 18h00 – 22h45
Jeudi-Samedi – 11h00 – 13h00 et 18h00 – 22h45
Réservations: on peut aussi téléphoner.
N.B. Les chiens calmes et sereins sont les bienvenus à midi (signaler d’avance leur présence)
Rue Daniel-Jeanrichard 19
2300 La Chaux-De-Fonds
Courriel: info@luciole-restaurant.com
Tél. +41 32 914 04 59
Insta: @luciole.restaurant