Place du Marché: utiles ateliers participatifs

Discussions foisonnantes sur un lieux central. Examen des questions d’avenir posées par l’animateur, Nicolas Babey.

Il y a des citoyens actifs, du genre qui se lèvent tôt pour se rendre dans un lieux mythique, le Club 44 pour discuter d’un autre lieu mythique pendant que la population va y faire ses courses. La Place du Marché fait parler d’elle, voyons pourquoi et comment.

Nos autorités ont voté l’automne dernier 5 millions de francs pour réaménager et piétonniser la Place du Marché, objet de nombreuses convoitises. Une commission spéciale de conseillers généraux a été nommée tout exprès.

Afin d’éviter que les décisions soient exclusivement politiques, des entretiens sont en cours avec les habitants du périmètre, premiers concernés ainsi que les associations locales et divers représentants d’intérêts spécifiques: automobilistes, commerçants fixes ou forains, écologistes et personnes âgées ou avec handicap. Liste non exhaustive.

Musique d’avenir

Il est prévu que le Conseil général ait sous les yeux un rapport au printemps 2022. La suite est plus vague, les travaux devraient s’étaler (si tout va bien sans oppositions…) sur deux ans, entre 2023 et 2024.

Les deux ateliers des samedis 23 septembre et 4 octobre n’étaient donc pas destinés aux groupes de pression déjà consultés. Entre 30 et 40 individus des deux sexes étaient présents. L’animateur Nicolas Babey a relevé que la parité était atteinte entre femmes et hommes, gage d’une bonne représentativité des points de vue.

Cela se déroulait au Club 44, le matin entre 9h et 12h avec apéro ensuite où une poignée de gens sont restés. Le second atelier suivait le même canevas. Reste que les participants étaient un peu différents, tout le monde n’a pas deux matinées de libre à consacrer à ce sujet.

Sur place au Club

Les participant·es étaient divisé·es en groupe par tirage au sort. Puis chaque groupe désignaient un·e secrétaire et un·e porte-parole. Après une bonne heure de discussions, chaque groupe présentait ses réflexions en 10 minutes. Les présentations étaient enregistrées.

Précision: le journaliste de 1000mètres.ch n’a pas été sur place, il a lu un compte-rendu écrit des séances et pris contact avec l‘animateur pour être sûr de pouvoir en parler.

3 objectifs

Il s’agissait d’atteindre trois objectifs au cours de ces ateliers:

  • définir les rôles sociaux et culturels de la Place
  • penser les aménagements, en y associant les habitants;
  • trouver un consensus entre les attentes de toutes les parties prenantes en fonction des barrières financières, techniques, juridiques et politiques.
Sous la neige, une place calme

Samedi 25 septembre

Lors du premier atelier, les réflexions ont été menées à partir de trois questions clés afin de faire un diagnostic tout en définissant des bases pour les futurs travaux:

  1. Quelles sont vos attentes /besoins?
  2. Quelles sont vos éventuelles craintes?
  3. Quelles sont vos propositions d’aménagement de cette place?

Du pain sur la planche donc.

Mais, car il y a toujours un mais, point de liberté totale de délirer sur une Place du Marché totalement chamboulée. En effet, plusieurs sujets sont intouchables: la fontaine demeure vissée au milieu du chemin et les marchés bi-hebdomadaires sont évidemment maintenus. Et le type de revêtement est déjà choisi: ce seront des pavés. Reste à savoir lesquels… Enfin les voitures sont définitivement bannies de l’endroit.

Créer un «cœur de la vie en ville»

Les enjeux autour de la Place du Marché sont nombreux, certains aspects, comme la question du parcage ont déjà suscité la polémique. Pourtant, selon deux personnes présentes sur place, les deux ateliers ont été foisonnants, sans prise de bec. Reste que le cadre était limitatif, m’a glissé une troisième personne, qui rêvait d’avoir toute la hauteur libre pour des manifestations de type la Plage des Six-Pompes, alors que d’autres pensaient qu’il fallait des lampes partout, voire de grands arbres.

Heureusement que tout était enregistré, cela a permis au futé Nicolas Babey de faire une synthèse bienvenue des propositions. Scrutons sa démarche: en connaisseur des conflits urbanistique, il peut affirmer qu’il est impossible de plaire à chacun·e; il a ainsi nuancé en classant les avis en deux catégories, entre soucis concernant la Cité et ceux relatif à la Ville (remarquez les majuscules, ce n’est pas innocent). Voici les détails:

Cité

Disons l’aspect idéal: liens sociaux non marchand et échanges économiques, comprenez les rencontres conviviales et les transactions commerciales.

Dans cette rubrique, les aspirations des groupes sont multiples: cela va de la sécurité à la beauté, de l’universalité au rayonnement de la ville en passant par de l’espace pour des liens multigénérationnels, un lieu dédié aux rencontres socialement inclusives, la présence de commerces et du marché, le tout résumé en un jolie formule: créer un «cœur de ville» vivant qui reste ouvert au festif.

Ville

Disons l’aspect réel: ménagements physiques et réglementaires, comprenez les éléments en dur et les dures lois sur la construction.

Dans ce domaine, il faudrait un revêtement praticables pour tout le monde, des arbres et des banc publics (avec des accoudoirs!), des équipements logistiques (parc à vélos, places pour personnes en station de handicap proches, voire caddies pour celles et ceux qui peinent à porter de lourdes charges.
Des participants·es ont relevé l’existence de tensions potentielles entre équipements permanents, arbres de grande taille par exemple, et équipements mobiles tels que terrains de pétanque et autres bacs végétalisés estivaux. Ils ont aussi souligné la nécessité de tenir compte des usages et fonctions complémentaires des espaces publics aux alentours de la Place du Marché.

Suggestions en vrac

Sans maintenir la distinction entre «Ville» et «Cité», le ton en général, est à l’optimisme, la polyvalence est mise en avant et les idées fusent. Voici un échantillon disparate des vœux et craintes exprimées:

  • peur de voir une place morte en hiver si l’on y stocke de la neige grise;
  • soucis que l’on commande des pavés de Chine. A ce propos, l’animateur a indiqué que si les pavés sont en granit, ils devraient sans doute provenir du Tessin;
  • espoir que les pavés soient esthétiquement disposés afin de décorer et pas simplement recouvrir le sol;
  • connexion de la place avec le marché couvert Hall-titude;
  • couverture d’une partie de la place par une toile (semblable à celle installée pendant La Plage des Six-Pompes à la rue du Collège) histoire de protéger chalands et clients des terrasses des intempéries.
  • aucun obstacle en hauteur pour pouvoir installer sans contraintes des manèges ou des performances d’acrobatie,
  • présence «d’animations qui ressemblent à cette ville: pas de blingbling, mais dans la subtilité et la convivialité». D’aucuns rêvent d’une patinoire pendant les mois froids.
  • aire avec des jeux d’eau à ras du sol pour amuser les gosses
  • méfiance sous-jacente que les propositions discutées ne soient pas prises en compte;
  • désir gastronomique: «pour donner un petit air du sud à l’endroit, on a envie d’un grand confiseur avec des immenses gâteaux qu’on puisse manger le dimanche après-midi»;
  • bornes de recharge pour vélos électriques;
  • maintient des WC tout en revalorisant le bâtiment qui les abrite;

 

Notons que par ricochet, des critiques furent émises concernant la Place Le Corbusier où la pente empêche l’installation rapide et simple de stands, de tentes ou de carrousels.

Une perspective à préserver

Succès d’étape

Premier constat à la lecture des comptes-rendus: il sera complexe de tout concilier. L’ambition était, rappelons-le, de concevoir des aménagements qui rendent faisable le développement de la «Cité».

Nicolas Babey a conclu le premier atelier en félicitant les présent·es: «Bravo, je mène des ateliers de travail depuis de nombreuses années en Suisse romande, celui de ce matin était une réussite!»

Samedi 2 octobre

Pour tenter de trouver des solutions consensuelles, le second atelier s’est penché sur un aspect fort intéressant: le rôle primordial de la vue à hauteur d’être humain. un critère de choix entre deux ou trois options en quelque sorte. Il s’agissait ainsi de résoudre partiellement la tension entre fixité et mobilité des équipements urbains. Cela permet d’y voir plus clair.

Voir la place

Partant de quelques constats de base, participants·es ont pu se rendre compte du rôle de la vision dans un espace public:

  • Pour faire des rencontres, il faut voir et être vu·e.
  • Pour assurer la sécurité des passants, il faut également qu’elles et ils soient vues.
  • Pour qu’un commerce attire, il faut que son enseigne et sa vitrine soient vues.
  • Pour plaire, socialement et économiquement, une place doit idéalement avoir une taille correspondant grosso modo à l’acuité visuelle standard de ses usagers.

Reste la question de la hauteur de vue. Celle d’un enfant de 6-7 ans est d’environ un mètre. Partant de ces indications deux questions étaient posées:

Où idéalement les équipements devraient-ils être placés et quelle devrait être leur taille minimale et/ou maximale?

Où sont les passages qui permettent le mieux aux passant·es et aux cyclistes de voir et d’être vu?

A ce stade, M. Babey a rappelé qu’en termes d’urbanisme, un arbre majeur (de grand taille) est une perturbation mineure, alors qu’un arbuste ou arbre mineur est une perturbation majeure. L’explication est relativement simple, le grand arbre offre ombre et protection, il est possible de le contourner aisément, on voit bien sous ses branches alors qu’un petit arbre dans un bac coupe la vue, demande plus d’entretien et empêche de passer.

Ce matin là, les quatre groupes ont alors imaginé, discuté puis dessiné sur de vastes plans des emplacements de bancs et autres mobiliers urbain , de l’arborisation et des lieux à laisser certainement libres pour garantir visibilité et sécurité.

Analyse en cours

Les résultats du second atelier ne sont pas encore publics, car l’évaluation est en cours. Un groupe de pilotage doit encore donner son feu vert à la publication rédigée par l’animateur sur la base des débats. Nous y reviendrons en temps voulu.

Précisons qu’en fin de compte, ce sera la commission législative qui tranchera, comme l’a indiqué l’un des deux conseillers communaux qui sont intervenus en fin de séance chaque samedi.

Il est remarquable que les personnes présentes aient été disposées à faire des concessions. Cette expérience est une première dans notre cité. Espérons qu’elle porte ses fruits.