“Craquant sous la langue et bruissant sous le regard / une exposition à voir à l’ABC jusqu’au dimanche 29 janvier.”
Mercredi 25 janvier. Vernissage de l’exposition de Kit Brown TOO TENDER TO TOUCH suivi d’une performance et lecture inédite de Dejan Gacond. Soit, une centaine de monotypes sagement alignés en guirlande contre les murs du théâtre ABC et arrosés d’un éclairage mesuré, bercés par le policé brouhaha du public présent. Vers 19h30, Dejan entreprend une lecture, accompagné de projections vidéos et d’une bande-son originale réalisée par Léon Jodry. Dejan récite, un spot dans la face, un micro dans la main, des papiers épars sur le sol et dans les mains, une enceinte qui re-crache le mix, un peu trop fort par ailleurs. A kaleidoscope of nothingness déconstruit. Comme dans un happy bowl : un plat unique que tu connaîtrais bien, mais dont on aurait casé chaque élément dans un compartiment, bien séparé, bien visible, dégustable isolément. Les spécificités de leur art m’apparaissent, dénudées. Je découvre d’un côté un monde particulier où écriture et illustration conversent, tantôt fraternellement, tantôt en opposition et le personnage discret mais en même temps intimidant (de quoi ? de sincérité, de sa présence, de réponses simples ?) de leur auteur : Kit Brown. Comme la prestation de Dejan était unique, je ne vous en parlerai pas. Il fallait être là. Tant pis pour les absents. Du coup : c’est parti pour les images de Kit Brown.
Kit dessine avec de l’encre diluée à l’eau sur une plaque de métal qu’il faut couvrir d’un papier et passer dans une presse pour obtenir un tirage, un seul, unique. Et il faut bosser fissa ! L’encre sèche rapidement, pas le temps de peaufiner les détails et s’attarder sur les matières. C’est un procédé qui ravit Kit car la rapidité d’exécution requiert un état alerte propice à la créativité. Kit fait des monotypes. Plein. Une centaine sont exposés à l’ABC ; une autre centaine attend dans un carton, pas très loin. Ces prochains jours, il est possible que Kit modifie le choix des pièces exposées, une fois, plusieurs. Après tout : le choix de présentation n’est que chronologique me dit-il. Mais la règle pourrait changer. On peut donc en voir plusieurs et s’immerger dans ce monde qui semble familier (je reconnais tous les éléments), qui nous parle (qui nous écrit en tout cas) et qui pourtant reste profondément étrange et insaisissable.
Ses dessins (peintures ?) sont en noir, nuances de gris et le blanc crème du papier. Un visage, plus ou moins réaliste, plusieurs visages, un animal plus rarement et parfois un objet occupent la quasi-totalité du rectangle marqué en creux par la presse, comme un cocon. Et des yeux, foison d’yeux nous auscultent. Une figuration poétique, Kit ayant renoncé à l’académisme de ses années de formation. Presque toujours, un texte écrit à la main en lettres noires tremblantes – et pourtant denses et fermes – cohabite avec l’image. Les mots parfois s’insinuent dans le contour du cadre, parfois dans le contour du dessin, parfois les lettres occupent la forme ou le vide. Quelques mots comme des extraits de pensées, légères ou intenses : « I’m only human », « I love the 10’000 maniacs », « What is altruism ? », « You look like a chicken, baby ».
Kit sera présent à l’ABC ces prochains jours. Mais assurément samedi lors de la performance de Anahita Bathaie, qui est également son épouse. Alors foncez !