Hyperlove à CdF 2121
Hyperchronique d’un futur hyper proche.
Patretan Calameuiller homme du 23e siècle est un hyper citoyen sans histoire. En ce jour ensoleillé du mois de novembre 2121, nous le retrouvons à la sortie du Swissrise shop. Il vient d’acquérir les derniers Hyperfeelings 13. Une fois en marche sur le Pod, il déballe et avec l’adresse d’un geste répété des milliers de fois, branche le nouveau modèle hyper moderne de puces augmenté, dans son module implanté derrière son oreille gauche.
Il reste immobile un moment, puis accepte sans lire les nombreuses conditions qui viennent de se dérouler devant son regard. Déjà sur le mur en face de lui, se met à bouger un être humain souriant dans son cadre HSGA, iel lui propose une hyper promotion sur une lessive lavant plus blanc que blanc. L’homme se dépêche d’entrer son mot de passe et active son compte sans pub. Puis reprends sa déambulation dans la cité.
Quasi écrasé sous l’hypotram
Il faut dire que Patretan n’a pas grand-chose à faire, il a été viré hier de son 40 %. Bien que son RBI ne lui suffise pas à payer ses factures cette fin de mois, il se dit qu’il mérite bien une pause. Les feuilles des arbres du Pod sont déjà bien jaunes et une fine couverture chamarrée couvre leur racine. Soudain un bip bip caractéristique le fait sursauter et sortir de sa rêverie, il évite l’hypotram qui s’approche. Il observe les deux chevaux puissants tirer la boîte de conserve vitrée, toujours aussi étonné de l’efficacité des fers à cheval antibruit posée sur les équidés.
Il observe la foule bigarrée de touristes, travailleurs, consommateurs. Son Hyperfeeling 13 lui indique les compatibilités de chacun, 12 %, 24 %, 56 %. Mais est-il vraiment dans l’humeur de faire des rencontres? Une femme pourtant attire son regard, elle semble s’ennuyer en regardant dans le vide. 70 %, une légère vibration se crée automatiquement dans le sourcil gauche de Patretan. La femme elle aussi semble connecté, car elle le regarde maintenant, son sourcil tremblant légèrement, le pourcentage augmente et atteint 80 %. Elle lui fait un signe, Patretan reçoit une notification: rendez-vous au prochain arrêt, j’ai le temps, assorti d’une demande de contact. Il accepte la demande.
Social love
Sur les quelques mètres avant leur point de rencontre, Patretan scrolle rapidement la fiche sociale de Juliya Dubois-Silva. Arrivés, ils se sourient, «Donc jus de tomate… au café du Coin?», «Oui».
Les deux êtres se dirigent à l’angle du café, leur vie sociale présente sur le metavers est déjà connue et peut être vérifiée en tout temps par l’un et l’autre. Patretan se demande quand même de quoi ils vont bien pouvoir parler, il a d’ailleurs déjà reçu une notification indiquant que Juliya se dit ouverte à un bisou de niveau 1. Une fois servis, Patretan regarde le résultat de la comparaison de la courbe hobby, celle de l’actualité.
Il se lance: «On fait une partie de néo-Bagamon?», «Avec plaisir, j’ai justement le mien dans mon sac». Elle sort une boîte de bois laqué qu’elle ouvre et débute l’initialisation de la partie. Les petits pions prennent automatiquement leur place. «Tu as un joli modèle, je comprends ta passion pour le vintage board gaming, par contre je vois qu’il a une éraflure depuis ta photo du 21 octobre». «Oui c’est mon botmaid qui l’a fait tomber avant-hier… allez c’est parti». Les deux joueurs lancent leur dé, la piste blanche se met alors en surbrillance indiquant à Patretan qu’il est premier joueur.
Notifications d’apéro
La partie bat son plein depuis quelques minutes. Patretan regarde Juliya, il se rapproche à grands pas d’une défaite lamentable, mais l’algorithme comme toujours semble ne pas s’être trompé. Juliya lève la tête: «Et alors tu es allé à Ludesco? Je te vois sur une photo à côté de ma pote Britneymilie le samedi» Patretan se souvient de cette 33 % qui non contente d’être mauvaise joueuse, avait utilisé son processeur pour calculer ses coups. «Oui, c’était sympa», «Bel accueil, de multiples jeux et un choix de planchettes d’apéro très varié 4 étoiles, ah ben oui, tu sembles avoir apprécié au vu de ton commentaire sur leur page». «Oui, ils se sont plaints que l’algorithme avait classé le festival dans des catégories trop spécialisées, et nous ont motivés à laisser des avis généralistes». Juliya regarde Patretan dans les yeux, 81 %. Lui vient de recevoir une nouvelle notification de Juliya, ils s’embrassent.
L’algo évite les mauvaises surprises
Plus tard ils marchent sur les pontons de la Carmagnole un cornet de marron chaud à la main, une canne passe avec ses petits canetons. «Tu sais Patretan, j’aime bien ces rencontres, le hasard fait bien les choses et l’algo m’évite les mauvaises surprises et je sais bien qu’il y a des variations de nos profils qu’on découvrira.», «Oui j’aime bien pouvoir être moi-même plutôt que d’essayer de correspondre à un vieil archétype que personne n’aime vraiment. Ça me fait penser à ma mère qui me soule avec son club de rétro-dating au Petit Paris, elle ne veut pas comprendre…on va chez toi?», «Oui, en plus j’ai reçu mon colis biocal».
Patretan et Juliya s’en vont, main dans la main, leur histoire débute seulement, mais déjà la base est certifiée saine par la norme ISO 566670.