Hallelujah Mother Helpers

Une euphorie libératrice est sur le point d’exploser. Un besoin urgent d’être ensemble après le choc de la pandémie. De retrouver la folie incandescente et vibratoire des concerts. Burning Sound Records organise un festival pour célébrer ses seize ans à Bikini Test.

La mémoire amplifiée du rock se réveille dans chaque cellule composant chaque corps. Ensemble on devient une centrale électrique. Une partie du deuxième groupe de la soirée monte sur scène. Le guitariste chanteur sort du tournage de Easy Rider, le batteur semble revenir directement d’un club jazz enfumé des années cinquante, la claviériste évolue dans son propre espace-temps, une magicienne entourée par ses objets amplifiés, ses maracas et sa thérémine.

Des oscillations sonores névralgiques
se superposent à des nappes
de guitares au souffle psychédélique.
On dirait du vent séquencé
par des martiens défoncés.

Il sera beaucoup question de voyages temporels et de mutations spatiales. Il sera également question de son contraire. Des oscillations sonores névralgiques se superposent à des nappes de guitares au souffle psychédélique. On dirait du vent séquencé par des martiens défoncés. On imagine le son que feraient les oiseaux aux confins de cet univers là.

En attendant que le saxophoniste arrive, la physique quantique commence à flirter avec l’hindouisme. Les rêves de Brahma coagulent lentement avec le chat de Schrödinger. Peu importe si rien n’existe. Peu importe si tout s’est déjà produit. Le groupe est soudainement au complet. Le quatrième musicien déboule sur scène, accélérant les particules sonores par sa simple présence titubante, densifiant la texture de l’air par la façon ubuesque avec laquelle il se meut. Connexion groupale. Fusion sonique. Fission de l’invisible qui sépare le corps. Des notes de saxophone langoureuses – presque de la pornographie comme dirait un ami – s’immiscent aux sons des autres. Le concert de Hallelujah Mother Helpers commence pour de bon. Un intense voyage stratosphérique. Un chaos joyeux. Un danger bienveillant flotte sur scène et dans le public. Ensemble on surfe sur les éclairs, on est prêt à fermer les yeux et à perdre nos cœurs sur du sable brûlant, on construit un rassemblement, on déchaîne un tremblement de terre, on génère une explosion, on se reconnecte. Un hyperartiste dénudé rejoint le groupe pour une bonne vingtaine de minutes de hurlements talentueux. C’est Londres 66, c’est Détroit 68, c’est New York 77, c’est Berlin 82… c’est le futur, c’est le passé, c’est ici, c’est maintenant… Ici c’est La Chaux-de-Fonds en 2020.

Hallelujah Mother Helpers
répand un macro-dosage
de bonheur curatif. Inoffensif.

Maintenant c’est les Hallelujah Mother Helpers nous faisant tester une nouvelle drogue synthétisée avec les éléments du passé. Pas par nostalgie, pas par mélancolie, uniquement pour réactiver le plaisir d’être ensemble, juste pour distiller une énergie positive. Une drogue nouvelle qui n’est pas pour rendre les corps plus efficace. Une nouvelle drogue qui n’est pas pour atténuer le stress quotidien, les gosses indisciplinés, le ménage, les steaks congelés que l’on brûle ou les cakes instantanés que l’on achète. Au contraire, Hallelujah Mother Helpers répand un macro-dosage de bonheur curatif. Inoffensif. Indolore. Inodore.

La musique que l’on crée ensemble dépasse les individus qui la génèrent. Peu après leur rencontre Astro-Alain et Cosmo-Steffi décident de venir à La Chaux-de-Fonds. Après un long parcours musical avec les mythiques The Come n Go et Roy et The Devil’s Motorcycle, Alain cherche des territoires inexplorés, compose un peu en solo, essaye des trucs, esquisse des morceaux nouveaux. Steffi développe ses projets artistiques et pratique la spiritualité libre en gardant un lien éloigné à la musique dans un premier temps. Un lien d’amitié se développe très rapidement avec Rémy Rufer, une sorte de poly-instrumentiste de génie qui semble envoyé tout droit du passé pour ré-organiser le futur du son. Une amitié de longue date existe entre eux et Bab Digler, lui aussi schizo-musicien à l’immense talent et générateur du chaos sonore et artistique moderne dans la région et bien au-delà. Ensemble ils dessinent avec Alain les paysages musicaux que ce dernier désire peindre. Ensemble ils proposent à Steffi de les rejoindre, de développer un rapport instinctif au son et d’amener à la musique sa connaissance des forces invisibles qui dépassent et entourent les corps. Ensemble ils deviennent Hallelujah Mother Helpers ! Connexion groupale. Fusion sonique. Fission de l’invisible !

Un voyage cosmo-astral en direction de Chipsland,
un multivers mou et croustillant,
lent et rapide, salé et sucré, tangible
et nébuleux, en extension et en rétraction.

Des dauphins joviaux dansent avec des pieuvres en chassant les grands requins. Sur scène des lapins saltimbanques ivres font une séance de mantras quantiques avec des instruments oubliés. Quelque part, un dinosaure aztèque génère avec ses yeux rayons laser une myriade de créatures ressemblant à moult  pécaris sous éther dansant sur de la cumbia. Il est question d’escapades spatiales et de mutations temporelles, de visage dessinés sur des mains et d’une danse mystérieuse appelée « Techno Epaulettes »… bien que cette danse n’ait rien de militaire ou de carnavalesque même si parfois il est question d’innombrables essais de costumes dont certains évoquent des militaires ou des fanfares… bien que cette danse n’ait rien d’une rave party… cependant, elle est entre autre produite par « un oscillateur hétérodyne à tube électroniques »… oui oui, celui inventé par Monsieur Léon Thérémine… ! Bien que « Techno Epaulettes » ne soit qu’une chanson – d’ailleurs par hyper dansante – du disque « Alegria »…  Au diable le nom, au diable la danse… tant qu’elle est sympathique… c’est le mouvement des corps et des créatures dans l’espace qui les entourent qui va générer la texture du son qui provoque cette danse… en partie en tout cas… c’est un espace musical communautaire… c’est une communauté d’expérimentations sonores…

 

Peu importe si rien n’existe. Peu importe si tout s’est déjà produit. Hallelujah Mother Helper pratique une forme de joie musicale incontrôlée. Hallelujah Mother Helpers joue une sorte de psycho-post-gospel frénétique, urgent et à direction variable. Hallelujah Mother Helpers est un voyage cosmo-astral en direction de Chipsland, un multivers mou et croustillant, lent et rapide, salé et sucré, tangible et nébuleux, en extension et en rétraction.

31 janvier 2022