En regardant le coucher de soleil … Thurston Moore …

Quelque chose à propos du son… Une façon de jouer de la guitare, d’incorporer ses influences… c’est une énergie, un besoin furieux de renverser les paradigmes… de tester des possibilités nouvelles… de peindre des paysages inexplorés…. Un son qui est brut, inconnu, profond, puissant mais regorgeant de savoir accumulé, de fureur à extirper, de sagesse à partager… un son, une musique, un homme qui semblent avoir dépassé la dualité, qui semblent l’avoir intégré dans une totalité acceptable… la matière et le néant, le bruit et le silence, le rock et le roll ne s’envisagent pas comme des espaces cloisonnés par le temps mais comme des instants en vaporisation et re-matérialisation permanente… un magma bouillonnant, aux textures multiples, un mélange coloré inédit, explosant, implosant, se fragmentant… oscillant du chaos le plus brutal à une sensibilité totale…. C’est un chaos sensible… C’est une sensibilité chaotique… C’est à propos du son de guitare de Thurston Moore…

“For me writing lyrics and Sonic Youth was really just coming out of a void. Confusion is Sex, writing lyrics like “Confusion is next,” came out of Henry Miller. Sister came out of reading Philip K. Dick. Richard Hell’s lyrics were really important. The Ramones lyrics, really important. Talking Heads lyrics, really important. Patti Smith, really important. These were pretty key poets within that context, working within a form that I was in, so I didn’t really need to go and read Ron Padgett. »

Project MUSE, Postmodern culture, an interview with Thurston Moore

Carla poésie; même désincarnée
est une tentative de redevenir musique …

Une sonorité particulière, des boucles de guitare superposées et répétitives qui amènent l’auditeur dans des contrées indistinctes. Le concept de post-modernité s’incarne, se définit, se construit et se disloque depuis ce son, pour ce son, par ce son, à travers ce son, encore ce son et jusqu’à ce son. Depuis la fin des 70’s, Sonic Youth a exploré cette fusion possible entre l’art et la musique, les mots et le son, la littérature et le bruit, tissant par exemple une toile invisible entre Gerard Richter, William Burroughs, Richard Kern ou Raymond Petibon. La peinture ou la photographie découvrent des espaces nouveaux. Le son devient un paysage encore à peindre, un négatif pas encore développé. La dualité s’évapore… elle semble flotter dans une totalité acceptable… les antagonismes dérivent ensemble dans une piscine cosmique… les hiérarchies n’existent plus… d’un fanzine de punk à une oeuvre de philosophie classique, du black métal au free jazz, des poètes underground aux écrivains mythiques, d’une performance sulfureuse à une lecture éthérée… on peut s’inspirer de tout. On peut tout intégrer ; la folie du monde, la modification des corps, la déréliction des esprits, l’histoire de l’art, les magazines bon marché, l’individualisme croissant, le besoin communautaire, le chaos, la sensibilité, la sensibilité du chaos, la philosophie et le rock n roll.

D’un enseignement de poésie désincarnée dans une université bouddhiste à un mur du son inquiétant généré par son groupe dans un musée, d’une lecture à la publication d’un livre sur Mayhem, d’une collaboration avec un poète français à une performance de noise extrême, d’une conscience profonde de l’histoire à une libération constante des instincts, Thurston Moore semble avoir dépassé la dualité… l’avoir intégré dans une totalité acceptable…

2016