Hiro, un pur bar à sushi comme à Tokyo

Virtuose des couteaux, Eduardo Dias a ouvert un restaurant qui ravira les amateurs de nigiri et de bouillons miso. Les gourmand·es de La Chaux-de-Fonds apprécient bigrement.

Un petit bijou a ouvert au centre-ville à mi-octobre. Ce restaurant de style Omakase a été baptisé Hiro en l’honneur du mentor de l’hôte, le chef sushi Murakami Hiroshi. Celui-ci a repéré que son élève avait un potentiel et l’a poussé à affiner ses compétences. Ce qui est essentiel dans le monde hiérarchisée de la gastrologie extrême-orientale. En effet, le maître doit approuver chaque échelon que l’élève gravit. Ainsi, comme Eduardo Dias a très sérieusement étudié l’art du poisson cru et ses rites dans l’Empire du Soleil Levant, il propose un aperçu attrayant de la gastronomie nippone et de ses codes complexes.

Souffle japonais à l’abri d’une façade chauxoise

De nationalité portugaise, il a bourlingué avant de s’établir à mi-octobre dans les murs de l’ex-restaurant Scapino, rue de la Balance 5, dans un cadre minimaliste entièrement repensé. Cette succession est bienvenue: l’art culinaire continue d’être à l’honneur à cet endroit déjà connu pour l’excellence de ses mets.

Sensualité extrême-orientale

Eduardo Dias apporte un soin constant aux produit qu’il apprête à mains nues pour mieux sentir la texture des chairs travaillées (et qu’il faudrait aussi manger à la main).

Sélection pointue de poissons frais

Il est très à cheval sur la qualité ses poissons, ceux de mer proviennent des trois océans et ceux d’eau douce des lacs européens. Notez que l’évier est situé derrière le bar et le maître sushi ne cesse de se laver les mains.

Long parcours initiatique

Dias a travaillé chez les plus grands au Japon. Il a passé en outre dans les académies de sushis les plus réputées. En témoignent les nombreux diplômes et titres ornant les murs de l’établissement. Une anecdote à propos d’une médaille de bronze de la Tokyo Sushi Academy affichée en bonne position: j’ai félicité Dias pour son exploit, il m’a expliqué en souriant qu’il aurait eu l’argent s’il avait maîtrisé la langue du pays zen et l’or s’il avait habité plus de dix ans sur place. Il est désormais instructeur au plan international pour la confection de ce plat.

Médaille de bronze méritée

Autre marque de la passion que voue Eduardo Dias à la cuisine de son mentor: toute la vaisselle est Made in Japan, par des artisans réputés pour leur savoir-faire ancestral.
Car il tient à cœur au patron de perpétuer la tradition avec tout son décorum impératif: ainsi, il sert sushis et sashimis sur une pierre carrée de Ōya, roche volcanique provenant d’une carrière proche de Tokyo. Cette plaque carrée est placée dans un support en bois hinoki.

Aux occasions marquantes

Le chef indique que les Japonais ne mangent pas des sushis tous les jours. C’est plutôt une occasion festive de sortir, de se faire plaisir et socialiser avec les voisins au bar. Les clients sont donc censés avoir le temps de déguster calmement les divers plats du menu, il n’y a pas de formule plat du jour vite servie, vite avalée.

Table classique

Tradition à midi

La carte du midi est composée de 9 plats différents accompagné d’une soupe miso, d’un thé japonais et ponctué par une sucrerie finale, de 25.- à 32.- francs. Comme les noms exotiques (gyoza, zukedon, katsudon, etc.) des assiettes ne disent pas grand-chose aux Chauxois moyens, un aperçu rapide met l’eau à la bouche.
J’ai goûté au katsudon, «porc pané, riz». Ce résumé cache un repas complet et goûteux qui dépayse le palais avec des saveurs et surtout des textures inédites.
Les afficionados de poisson cru commandent une assiette de 10 pièces nigiri/sashimi que le chef prépare à la minute derrière le bar.

Dix plats à déguster le soir

Pour celles et ceux qui souhaitent découvrir le meilleur du chef en un repas vespéral, deux menus à 85.- frs de 10 plats sont disponibles: l’un avec poissons crus, l’autre avec poissons saisis.

Nigiri de maquereau

 

Comme amuse-bouche, un bol d’edamame, fève de soya récoltée avant maturité. Cette cosse de 3 à 7 cm renferme entre deux et cinq fèves; elle se mange à la croque au sel.

Suit un bol de dashi (bouillon à base de kombu et autres algues) agrémenté de quelques dés de tofu superbement assaisonnés et d’une texture époustouflante. N’appréciant guère le tofu, j’en ai redemandé! Preuve en est du savoir-faire diversifié de chef. Lequel signale que le miso qu’il utilise est du type blanc d’été «car il est plus doux que le miso d’hiver» précise le maître-queue. Suivent sushis et sashimis en mode omakase, le chef choisissant pour vous la succession (crescendo du plus délicat au plus corsé) de poissons et crustacés qu’il estime la plus appropriée en fonction de l’arrivage du jour.

Thon de ventre ou de dos

Outre les deux menus cités, le soir la carte affiche des assortiments (moriawase) de 12 ou 6 pièces de sashimis et nigiri ainsi que salades et soupes.
Essayez la salade de calamars mêlée d’algue kombu finement coupée. Assaisonnée de lamelles d’oignon frais, de rondelles de piment rouge et de gingembre, saupoudrée de graines de sésame moulues et d’huile de sésame, elle est excellente et rafraîchissante.

Dias sert en fin de repas du thon en plusieurs versions: de l’Akami, partie supérieure du poisson, du o-Toro, thon pris dans la partie ventrale grasse ainsi que du chu-Toro, compromis entre les deux morceaux cités. Il s’agit toujours de thon bleu, le plus prisé des gourmands. Et malheureusement un des plus surpêchés, il ne faut pas se leurrer.

Un complice: Neto Costa

Signalons qu’il est épaulé en cuisine par un ami de longue date, Neto Costa, un lusitano-brésilien rencontré en 2011 dans un restaurant … japonais comme il se doit. Devenus amis, ils relèvent de concert le défi de persuader des Occidentaux calvinistes qu’il est agréable de déguster cru des animaux à sang froid qui nagent.

Apprendre à boire le saké

Pour déguster les divers sakés de la carte, le service est fait dans un petit bol placé dans une mini-boîte de bois. Le saké étant versé à ras bord, il s’agit de saisir la boîte et de boire prudemment. Bon, une partie de la boisson coule dans la boîte. Le solde sera bu à même la boîte.

Le choix de sakés est éclectique: saké pétillant, de production artisanale, et deux sakés classiques de goût très différents. Pour le buveurs de raisin fermenté, 2 blancs et 2 rouges de Neuchâtel complètent le choix de boissons.

Sachez aussi que boire le saké réchauffé est, pour les connaisseurs, une absurdité inventée pour faire passer des distillés de mauvaise qualité. Un peu comme mettre du coca et des glaçons dans du whisky single malt.
Avec le sourire omniprésent d’Eduardo Dias, un repas chez Hiro est dès lors garanti agréable et pédagogique.

Manger en hauteur

Parenthèse visuelle: chez Hiro, il vaut la peine de manger au bar pour admirer Eduardo Dias manier ses couteaux avec maestria, puis saisir une sorte de petite lampe à souder pour cuire très brièvement le poisson disposé sur le riz.

Les meilleures places sont au bar

À propos de riz, il est cuit et assaisonné selon une recette maison que Dias ne tient pas à révéler. Il indique à 1000METRES que le riz rond et charnu qu’il emploie est du koshihikari, la meilleure sorte à ses yeux. Il le cuit à la vapeur comme les puristes et non au rice cooker.

Enfin, pas de liste de desserts gargantuesque: ce n’est guère la spécialité de la maison qui sert la même et unique douceur à tous les convives.

* * *

Signalons que l’an prochain, Dias prévoit chez Hiro des soirées spéciales dégustation les mercredis, genre nuit du ramen ou du kaiseki.

Cuisine impeccable

Une note critique en conclusion: il manque encore un porte-manteau pour que les manteaux d’hiver n’encombre pas l’espace derrière les chaises.

Attention: ce bar à sushis n’a que 23 places, il est conseillé de réserver par téléphone. Sachez qu’il n’y a pas de répondeur, si personne ne décroche, l’établissement vous rappelle pour savoir exactement ce que vous désirez.

Ouvert midi et soir du mercredi au samedi.

Hiro

Rue de la Balance 5
La Chaux-de-Fonds

032 964 10 10

hiro.restaurant.japonais@gmail.ch

 

Brevet de la Tokyo Sushi Academy