Le Café des Jardins, un restaurant formateur

Combinant initiation et restauration, pédagogie et gastronomie, un café atteint deux objectifs: satisfaire ses clients et ses apprentis. Entretien avec une apprenante et son mentor.

Ce café est un petit coin de paradis sur les hauts de La Chaux-de-Fonds. Il nourrit touristes et chauxois·es tout en formant des jeunes en recherche d’équilibre professionnel et personnel.

Niché à la Sombaille, à côté de la pente prisée des petit·es sportifs et sportives, vers le départ de la piste de de ski de fond qui mène au Maillard, le Café des Jardins a ouvert ses portes il y a six ans. Muni d’une joli terrasse, il attire force passant·es les jours de beau temps. Lesquel·les se laissent souvent tenter par une spécialité devenue rare: le cornet à la crème fraîche du jour, que l’on trouvait au siècle dernier au Chalet Heimelig de l’autre côté de la vallée.

Une terrasse sympa tout en blanc

Signalons d’emblée que l’organisation de ce lieu formateur n’a aucun lien avec le home pour personnes âgées de la Sombaille qui se trouve à proximité.

Projet ambitieux

Né d’une collaboration entre Sombaille Jeunesse-Jeanne Antide et l’Office AI du canton de Neuchâtel, ce lieu de formation est axé sur la confiance et la bienveillance.
Entendez que l’objectif fixé est double: d’une part, les buts relationnels, soit apprendre à évoluer dans un lieu ouvert au public en respectant les codes de la restauration; d’autre part, une mission d’ordre intégratif, soit arriver à prendre confiance en soi, oser prendre des initiatives et suivre les consignes de formation pratique.

La serre accueille une grande variété de piments

Le Café des Jardins est en cheville avec le secteur de formation de Sombaille Jeunesse-Jeanne Antide pour ce qui à trait aux métiers de bouche.

Ouvert le soir que le jeudi

Emmené par une équipe motivée, ce restaurant est supervisée par Jeanne Courvoisier et Mickael Delaplanche, deux restaurateurs chevronnés. Nous avons rencontré Mickael un jeudi peu après 18h, seul jour où le Café des Jardins ouvre le soir.

Maitre socio-professionnel, Mickael (le tutoyant de longue date, je ne vais pas écrire 1000x Delaplanche 😏) a formé en moyenne 7 jeunes par année, certain·es en apprentissage court, d’autre visant un CFC en trois ans.
«L’insertion sociale est passionnante, elle passe par des mesures d’observation puis d’orientation», précise Mickael. «Il s’agit d’un travail d’équipe, dans un esprit bienveillant en sans pousser à la production, l’idée étant d’éviter le stress pour ne pas démotiver celles et ceux qui arrivent dans l’institution après des expériences professionnelles ou familiales. Les jeunes accueillis bénéficient de mesures AI ou sont soutenus par l’Office de la protection de l’enfant».

Cuisine multifonctions

Il existe trois cuisines au sein de la Fondation Sombaille Jeunesse-Jeanne Antide: celle du Café des Jardins, une cuisine principale et la cuisine du secteur de formation. Ces deux unités œuvrent comme cuisine collective, nourrissant les enfants accueillis au sein de l’institution.

Assiette du jour alléchante

S’il n’est pas évident de livrer dans différents lieux, l’avantage pour les apprenti·es est d’avoir ensuite plusieurs cordes à leur arc, un aspect polyvalence non négligeable.

Évolution relationnelle

Mickael souligne que la mise en commun des savoir-faire est une des clés du succès: maître·sses socioprofessionnel·les, conseillier·ères de l’AI et intervenants en protection de l’enfance travaillent main dans la main, ielles fonctionnent en réseau afin de déterminer la meilleure manière d’encadrer chaque personne et de la forme la plus adéquate socialisation. «L’idée est de dépasser la «gênance», comme disent nos apprentis», sourit Mickael. «Histoire de ne plus se dire, je n’y arriverais pas, une prophétie autoréalisatrice souvent vécue à cet âge où l’on croit vite échouer».

Le comptoir et la table des habitué·es

Évoluer en pratiquant le soutien mutuel, se crée un réseau où chacun mer la main à la pâte pour épauler le team, c’est ainsi que naissent les compétences relationnelles exigées par les employeurs dans la restauration de nos jours.

Plusieurs pôles-métiers destinés à encourager et former les adolescent·es permettent aux jeunes de choisir leur future activité: gestion en intendance, services techniques (installations, eau, électricité, etc.), et bien entendu cuisine.

Passons dans l’assiette.

Végétarien mais pas que

Marinée à la confiance et assaisonnée à la collaboration, l’équipe qui œuvre en salle et aux fourneaux offre d’excellent petits plats. Si la carte n’est pas hyper-longue comme dans les restaurants chinois disposant de grands congélateurs, elle présente un choix de menus quotidiens entre végétarien, viande ou poisson. Pas de catégories fixes donc.

Après une goûteuse salade courgette-concombre en tous petits dés apprêtée à la menthe fraîche une surprise: une tuile à base de halloumi. À mon goût, cette pâte pressée et cuite n’est pas un fromage digne de ce nom, tant les productions industrielles sont fades. Reste que sa texture souple lui vaut d’être connu autour du globe.

Revenons à notre souper à La Sombaille: sous forme de tuiles, le halloumi passe bien la rampe. Sous cette décoration, le plat de résistance végétarien présentait une excellente aubergine grillée et farcie à la feta noix, et coriandre qui se mariait bien avec la patate douce. Assaisonnée de sumac en deux versions (cru et grillé) ce tubercule était à tomber. Et la présentation de pétales de soucis jaunes rehaussait joliment le tout, sur fond de rucola sautée à l’ail.

Friandises sucrées

Outre le cornet à la crème déjà mentionné, le dessert du jour change souvent. Lors de mon passage, le dessert du menu était sympa, j’ai craqué pour une seconde douceur: une tartelette aux figues sur fond de purée d’amande parfumée au romarin, «truffé» d’une framboise et couronnée d’une mûre pour la déco. Le top.

Mickael Delaplanche et la proposition du jour

Au dessert, des classiques: panna cotta, crème brulée basilic, et tarte maison de saison, complété d’un café gourmand en mini-verrines pour les becs à sucre.

Dans cet espace de découverte pour les métiers de la restauration, les prix sont abordables. Ainsi le menu du soir complet, 3 plats, est à 30 francs, le plat du jour à 15 frs.

Pour celleux qui apprécient une goutte ou deux de vin, deux rouges de Neuchâtel bio (de chez Philippe Weissbrodt)et une bière bio La Comète complètent la carte des boissons sans alcool.

Enthousiasme et compétence sociale

Chaleureux, Mickael parle avec conviction de la manière de former et mettre en confiance les jeunes qu’il coache avec exigence sans les bousculer. Il ne prend personne de haut, «Mon approche est de mettre à l’aise les gens avec qui je travaille», analyse-t-il avec sa belle compétence sociale. L’homme a une autre capacité insoupçonnée: il compose la play-list du lieu!
À noter que la cuisine organise pour ses apprenti·es des ateliers pâtisserie répartis sur trois jours.

Une apprentie motivée

Il tient à me présenter une des élèves Lyduine, née à La Chaux-de-Fonds dont la famille est originaire d’Angola. Elle précise tout de suite préférer travailler le soir que la journée, ça tombe bien pour notre entretien improvisé. Elle apprécie la cuisine chaude ou froide plutôt que la pâtisserie «très précise». Elle ressort d’un stage au CERAS voisin où elle a bien tenu le coup . En effet «c’est plus intense les horaires là-bas qu’au Café des Jardins». Question jardinage, elle n’y a pas passé beaucoup de temps encore, «je suis allé quelquefois y cueillir des tomates».

Lyduine au potager

Questionnée sur les conserves vendues sur place, elle m’explique que «ce sont ceux du jardin qui les font». Et l’avenir? «Ce serait super de bosser dans une institution plutôt que dans le stress d’un grand restau. Je veux bien speeder quand il faut, mais pas tous les jours, j’ai pas envie».
Sur cette saine philosophie de l’effort mesuré, je la quitte: pour l’équipe il est l’heure de manger, tout·es à la même table, ielles savourent le même plat que la clientèle.

Décoration originale des grandes baies vitrées

Jardin très sollicité

Fournissant légumes frais, salades de saison et herbettes, le potager est attenant au jardin. Il sert en outre à apprendre aux jeunes les rudiments de la culture pleine terre et en serre. Coaché par Céline Coradetti, le jardin livre la moitié des primeurs servi au convives. Là également, prendre contact avec la réalité du maraîchage fait partie des offres du Secteur de formation de la fondation.
Signalons que les surplus de concombres par exemple, finissent en conserve vendue au café. Une manière de réhabiliter les petits pots fait maison. Qui sont complétés par des sels aux herbes du jardin évidemment.
Un joli choix à prix modique attend les client·es:

– Betteraves au vinaigre avec fenouil, girofle et laurier,

– Citrons confits au sel,

– Légumes marinés (carottes, céleri, oignon, poivron),

– Pickles de courge, ail et vinaigre,

– Chutney de tomates vertes.

Une mère de kombucha trône dans une modeste étagère. Une impressionnante série de soupières dépareillées campe sur une crédence à l’ancienne.

De fières soupières

Ce dressoir décapé est flanqué d’un véritable meuble de bureau à soufflet en bois où sot stockés sel et poivre. On y coupe aussi le pain. «C’est le pain du mois de la boulangerie Charmillot de Bel-Air», glisse Mickael. On peut boire là de jolis thés, 10 sortes achetées à une maison locale, les Thés du Marché.

Proverbes sympas

Avec quelques vraies plantes vertes suspendues au lambris, le décor est sobre, ambiance boisée moderne, ce n’est pas le style chalet des Alpes. De grandes baies vitrés donnent sur la ville. Lumineux de jour, l’éclairage est bien étudié le soir: discrètes ampoules noyées dans le plafond, on se passe de faux clinquant.

Reflétant l’esprit cordial et coopératif de la maison, de charmantes citations ornent les murs: «Tourne-toi vers le soleil et l’ombre sera derrière toi» ou «Une belle journée d’été, c’est comme un doux baiser déposé».

 

Café des Jardins: jeudi non stop de 9h à 23h, en semaine sinon 9h-17h30, fermé le weekend.

Pour recevoir les menus de la semaine, laissez votre adresse courriel en passant sur place ou rendez-vous sur #cafe_des_jardins.

Derrière le café, la pente prisée des lugeurs

Photos: © Nadia Vuilleumier