Plan 9 action: A nous monstres et merveillles!

La Chaux-de-Fonds peut s’enorgueillir d’abriter, à défaut d’une économie florissante, une activité underground riche. 2300 Plan 9 est depuis 2000 le phare guidant nos amis démons dans la nuit de Walpurgis tandis que le Christ gravit le Golgotha.

Trouvant ses origines au Bikini Test en 1995, afin de trouver une alternative aux concerts alors interdits durant la semaine sainte, 2300 Outer Space descendit ensuite à Neuchâtel à l’ancienne Case à Chocs. C’est de là que naîtront simultanément le NIFF et Les Étranges Nuits du Festival. Depuis, 2300 Plan 9 investit l’ancien Temple Allemand durant les Pâques comme pour mieux souligner le plaisir iconoclaste de se réunir devant des métrages parfois aussi barrés que ses spectateurs en pleine semaine sainte.

Cette année, le thème est la fête foraine, renouant ainsi avec les origines populaires du cinéma. Avant d’obtenir ses lettres de légitimité auprès des élites, ce qu’on appelait pas encore le septième art partageait l’affiche avec les manèges, voyantes et autres cracheurs de feu. Le cinéma faisant actuellement face à bien des questionnements sur les modes de visionnement, Plan 9 garde sa simplicité et son esprit frondeur, loin des conventions du circuit classique ou de l’isolement engendré par les plateformes VOD.

Démo maquillage d’effets spéciaux

La programmation est pour la première fois entièrement prise en main par Sharp, originaire de Valence. En passionné curieux de tout, il fait voyager spectatrices et spectateurs au Mexique, au Japon, et même au Guatemala. L’idée première reste de surprendre ce public qui reste rarement simple spectateur. Le festival comporte ainsi plusieurs premières et avant-premières suisses voir mondiales!

C’est le cas d’Onimanji, dernier film du maître japonais du gore Yoshihiro Nishimura, invité du festival et membre du jury. Une exposition de ses tableaux est à découvrir jusqu’au samedi 8 avril à la galerie Impressions. Nishimura fera le même jour une démonstration de maquillage d’effets-spéciaux en public lors d’une masterclass à 16h30.

La nuit, l’angoisse façon Nishimura

Du vrai 35 mm

Outre les nouveautés, des classiques du cinéma de genre sont à l’affiche, avec Vidéodrome de David Cronenberg et le premier Scream par Wes Craven. Deux jalons de deux décennies différentes présentées en copies 35 mm, renouant ainsi avec la matérialité de l’objet filmique, dans une époque où les longs métrages ont plutôt tendance à se diluer voire disparaître dans le flux digital.

Le festival perpétue la tradition du ciné-concert. On a pu s’éclater les esgourdes sur la musique de Jean-Michel Punk accompagnant l’improbable Rubber de Quentin Dupieux où un pneu possédé par l’âme d’un criminel s’en va accomplir une vengeance aussi violente qu’absurde.

Du trash en votation

Les amateurs de petites-bouchées peuvent se régaler jeudi soir des fameux «courts mais trash» et voter en bons démocrates directs pour leur favori. Rappelons que les prix sont remis le dimanche à 22.00, une heure presque chrétienne, administrativement parlant lorsque le bruit est censé passer en sourdine.

Le réalisateur Adam Rehmeir prétend que tous les couples sont beaux (aux USA…)

Un festival de proximité

Le festival ne néglige pas le jeune public et inclut depuis toujours des activités pour les familles, toutes n’ayant pas les moyens ou l’envie de partir en voyages durant les fêtes pascales. Cette année une chasse aux œufs fut organisée ainsi qu’une sélection de courts-métrages adaptés aux mirettes des gamins, afin de les dresser à devenir de fidèles piliers de ce festival.

L’équipe de 2300 Plan 9 ne cherche pas à véhiculer une idée précise du cinéma ou à convaincre du bien-fondé de leur démarche. Alors que chacun s’inquiète de la valeur de ses goûts à grands renforts d’arguments balancés dans l’océan des réseaux sociaux, les héritiers d’Outer Space nous font retrouver le plaisir simple de vibrer à l’unisson devant d’horrifiques productions.

C’est probablement cet esprit de proximité et cette absence de prétention qui confère au festival son attractivité, du citoyen complice au voyageur de passage jusqu’aux cinéastes eux-mêmes. Uniques en leur genre dans le paysage culturel romand, ces Étranges Nuits du Cinéma rappellent la richesse souterraine de notre petite ville et que derrière nos dehors besogneux et bien tranquilles se cachent de noirs joyaux, prêts à nous guider dans cette foire emplie de monstres et de merveilles.

Expo Nishimura à la galerie Impressions (@Alexandre DellOlivo)