Six heures de musiques acousmatiques en images

Deux compositeurs de La Chaux-de-Fonds proposent 6 heures de jazz avant-garde et soft expérimental. Sons acoustiquo-électro calqués sur des images inspirantes et impros s’y côtoient.

À l’issue d’une rencontre en 2020, deux musiciens chauxois connus, Thierry Bettosini, le beau mec, et Jean-Daniel Stampfli, le barbu à lunettes, se mettent en tête de relancer le procédé du concert longue durée. Imaginée par Terry Riley dans les années 60, la formule des All-Night concerts, consistait à jouer de la nuit tombée à l’aube le lendemain matin. Un des fondateur de la musique répétitive minimaliste, Ryley est aujourd’hui adulé, même les Youngs Gods s’y sont frottés récemment.

Marathon-relais musical

Réunis au Che, café entretemps disparu de la Place du Bois, ils conviennent alors d’une démarche d’association sonore, soit la mise en commun de leurs créations lors d’une même session.
L’idée était née: présenter lors d’une performance publique les approches musicales des deux compères.
Une première ébauche a été jouée au Temple Allemand à la sortie du confinement en juillet 2021.

Le concert agendé au Locle à la Grange Delux le 9 septembre 2023 2023 se déroulera de 18h00 à 00h00. Fort de 6 musiciens répartis en deux formations distinctes, le contingent créatif promet une alternance de deux groupes, T’O et FracAléa, chacun jouant le marathon musical une heure durant. Une forme de relais sonore qui s’annonce passionnant, les morceaux étant conçus pour duo, trio ou quatuor.

Avant de présenter compositeurs et musiciens, voyons quel traitement sera infligé aux notes et tempi six heures durant.

Musique générative et cool jazz

Basé sur l’idée d’architecture sonore, un des stratagèmes phoniques mis en scène par FractAléa revient à combiner deux sens, l’ouïe et la vue: en fond sur un grand écran, des images génératrices d’espace sonore servent de partition commune aux musiciens. Fondées sur le principe de la géométrie fractale, ces œuvres sont dessinées sur iPad à l’aide du logiciel Trope (–>dernier paragraphe*).

L’espace son ainsi créé est continu. En opposition, le rythme est discontinu, sans cycle chronométrique; il faudrait plutôt parler d’arythmie, tant la temporalité générée par les percussions est libre. En référence à la période Cool Jazz de Miles Davis avec le célèbre morceau «In a silent Way», l’approche musicale soft expérimentale jazz de FractAléa invite au rêve et à la douceur.

Sans prétendre à embrasser toutes leurs dimensions créatives, présentons ces six artistes des ondes rythmées.

Acrobates des sonorités

Le duo T’O est formée de Rie Takagi, chanteuse, claviériste et clarinettiste accompagnée de Jean-Daniel Stampfli aux percussions et synthés. Ils adorent la musique concrète, passée par des filtres numériques, métamorphosée puis savamment mixée.
Lors de cette nuit relais des vibrations sonores et visuelles, Stampfli assemblera ainsi en direct des éléments construits et sur cette trame, improvisation et création de sonorités inattendues seront assurées par Takagi. Composant de concert depuis 2012, ces deux acrobates des sonorités, complices à la ville comme à la scène, s’en donneront à cœur joie pour tordre les notes et balancer des rythmes qui parlent aux neurones.

Oscillant entre l’ improvisé et le travaillé, T’O s’attache aiguiser les émotions par des empreintes sonores sensuelles. Composite et complexe la musique de T’O mélange dimensions sonores et éléments picturaux.

Percussions, violons, saxes, flûte, clarinettes

Au côté du contrebassiste et virtuose de la tablette Thierry Bettosini, les cinq protagonistes de FractAléa sont aussi multi-instrumentistes ou presque: on trouve là les fameux frères Junod, Bernard aux violons, Claude aux vents, l’émérite Georges Lièvre assurant la partie percussive.

Ces quatre mâles seront entourés par la voix et la clarinette de Rie Takagi, véritable marathonienne phonique qui prendra des relais dans tous les sets.

MAÉ

 Reste à décrypter le nom de cette performance: Macrocosme Acousmatique Électroacoustique que la rédaction de 1000METRES.CH, fervente adepte de la concision, propose de ratatiner en MAÉ. Ouvrons le dossier de presse: «La musique acousmatique entend développer le sens de l’écoute, l’imagination et la perception mentale des sons.» Loin d’une représentation physique de l’objet produisant les sons, le terme acousmatique se rapporte à la manière qu’avait Pythagore d’enseigner à ses élèves: il se cachait derrière un rideau. Ainsi, «ils se concentrent plus facilement sur son discours».

Quant à l’électro-acoustique, il s’agit d’une «musique fabriquée à l’aide de micros, magnétophones, synthétiseurs et ordinateurs». Ce terme indique quels moyens techniques sont employés, vocable instrumental (tel orchestre de chambre ou symphonique) et non genre musical.

Pour s’en mettre plein les oreilles de FractAléa et T’O, tentez les Playlists 15 Trios et 3 Quatuors

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* Trope, logiciel signé Brian Eno

Pour composer, Thierry Bettosini s’attaque aux sons en partant de Trope, logiciel libre inventé par Brian Eno et Peter Schilvers, cité plus haut. Trope place l’auditeur dans un paysage audible en constante évolution, d’un simple tracé abstrait sur l’écran. La tonalité suit le doigt du créateur sur un écran tactile, téléphone portable ou tablette.

Suivant l’âge de vos premières découvertes musicales, vous connaissez Brian Eno sous divers angles. On l’a entendu d’abord aux claviers de Roxy Music, puis aux côtés de David Bowie dans sa période berlinoise, également avec Robert Fripp, ensuite comme producteur des Talking Heads et de U2.
Aspect surprenant à propos de ce fécond créateur: il a composé un bref jingle que des centaines de millions de gens ont entendu le matin en arrivant au bureau: la musique de démarrage de Windows 95 (écoutez ce son de 7 secondes ralenti 4000 fois: l’effet est saisissant).