Images et «Rencontre»: un lien fructueux

Venue de Zurich, une petite famille a vécu un an à La Chaux-de-Fonds. Sophie Stieger, photographe, a sorti ses objectifs et balisé ses rencontres. Résultat: un journal surprenant.

La famille est composée de Sophie, la mère, de Roger, le père et d’Edwin, l’enfant. Ils ont habité un an durant dans un immeuble de notre damier préféré. Quittant provisoirement leur logis du quartier d’Enge, entre l’Uetliberg et le bord du lac de Zurich, ils ont atterri plus ou moins par hasard dans les montagnes neuchâteloises.

Sophie, Edwin et Roger

Certes, la vie au sein de la coopérative où ils ont élu domicile il y a une dizaine d’années n’est pas déplaisante, loin de là. Cependant les parents souhaitaient introduire une pause dans leur rythme citadin (on court beaucoup sur les bords de la Limmat). Il s’agissait d’être tout trois plus tranquilles, en famille, avec en prime, la possibilité d’apprendre mieux une langue. Le défi: changer de perspective, histoire de trouver une autre orientation. Le projet a mûri, c’était le bon moment pour bouger.

Rue des Musées

Insertion réussie

Affirmer que le trio s’est bien intégré est peu dire: ils ont participé à la marche du Premier Mars, Edwin a été placé à l’école, puis s’est inscrit au club d’escrime, Roger a trouvé un stage à la bibliothèque de la Ville et Sophie s’est mise à photographier la ville et ses alentours pour divers médias germanophones, friands d’exotisme jurassien et a approché 1000METRES.CH. Une fructueuse collaboration était mise sur les rails.

Les copains du club d’escrime

Mode de vie durable possible

«À la course du Premier mars, j’ai été frappée de voir que marcheuses et marcheurs ne s’habillaient pas comme de stars du trekking, on voyait des vielles jaquettes de laine, des sacs à dos vintage, des fringues des années 80». Sophie estime que paradoxalement, la population d’ici est prête pour la décroissance lente qui d’amorce, une voie plus compatible avec les ressources de la planète: «Il y encore des artisans qui fabriquent des meubles ou réparent des outils par exemple».

Cheminées par temps de bise

Le projet Rencontre

Afin de marquer leur séjour d’une pierre blanche, notre photographe a imaginé produire un journal grand format intitulé sobrement Rencontre. Sur une vingtaine de pages, cette talentueuse artiste des pixels a réuni deux éléments constitutifs de la ville: ses habitants et leur habitat. On découvre ainsi immeubles et gens d’ici, avec un minimum de texte, en fait des légendes placées verticalement. De manière inédite, ce mélange reflète ces deux facettes statiques et vivantes cadrées avec brio.

En hiver

Un journal et trois affiches

Cette publication très personnelle donne une image de la Métropole horlogère fort différente de celle des prospectus sur papier glacé de l’Office du Tourisme des trois lacs. La présentation graphique permet d’afficher plusieurs clichés pleine page, à condition évidemment, de démonter un brin le journal. Cohérente dans sa volonté de privilégier le local, Sophie a confié le graphisme de sa gazette aux super-suisses de Supero.

Ce journal reflète bien la démarche de Sophie: photographier le bâti sous des angles inattendus dans des décors léchés, assaisonné de touches humaines, elle aussi travaillées au millimètre. «Il ne s’agit pas de critiquer La Chaux-de-Fonds, je vois ce journal comme un hommage».

Grande cité ou petite ville?

Que diable sont venus faire ces trois Zurichois ici? Comment atterrir à La Tchaux sans l’avoir planifié?

Tour rénovée aux Arêtes

Le hasard familial a bien fait les choses: la mère de Sophie a grandi à Fenis (Vinelz) à proximité du Grand Marais. «J’y venais en vacances. Cela créait une proximité avec le Jura, on voyait le Chasseral depuis les bords du lac de Bienne. J’ai une cousine qui habite encore là. Lorsque nous cherchions où aller nous poser pour un an, on est allé chez elle, puis on a loué une voiture et on est allé faire un tour».
«Nous sommes monté à La Chaux-de-Fonds. On est tombé par chance sur l’ABC dont l’esprit et l’emplacement nous ont enchanté. Après des vacances sur place en automne 2021, on y a pris goût. Et l’année suivante, on a passagèrement pris racine ici».

Son compagnon Roger, architecte paysagiste, appréciait déjà l’urbanisme en damier. Et comme Sophie a un penchant pour le brutalisme magistral des constructions en béton, qu’elle aime les contrastes, le tour était joué: ils se sont sentis bien ici.

Ancien magasin VAC

Le marché et les cacas de chiens

Outre les contacts spontanés, Sophie a apprécié les nombreuses expos proposées dans les musées de la ville. Le marché du mercredi et du samedi était aussi un pôle d’attraction régulier, surtout son copain, c’est lui en effet qui cuisine le plus souvent.
De façon plus générale, la manière pragmatique des Chauxois·es de résoudre des problèmes quotidiens: «On bricole, ici on fait avec ce que l’on a sous la main. Même si ce n’est pas tiré au cordeau, au jardin, ça colle. Ici on recycle beaucoup de trucs, on travaille avec les moyens du bords, on se pose des questions avant d’aller acheter du neuf.»

Par contre, les crottes des meilleurs amis de la gent humaine lui ont inspiré un dégoût marqué.

Superposition

«C’est une ville où les gens se comportent comme dans un village et sont pourtant ouverts: 95% des gens à qui j’ai demandé de collaborer à mon projet ont été d’accord de travailler avec moi sans discuter longtemps».

Une des Chauxoises rencontrées

Réussite quasi-totale

Le séjour s’est ainsi déroulé calmement de rencontre en rencontre: «On a presque réalisé tout ce que nous entendions faire». Les aspirations photographiques n’ont pas rencontré d’obstacles majeur. De manière inattendue, Sophie a pu parcourir la prison locale. Quand à leur enfant, il a trouvé sans peine sa place: «Les formalités administratives pour faire change de classe à mon fils, placé au début en classe d’accueil, ont été rapides. Il s’est retrouvé après trois mois en 5e Harmos, son prof a fait avancer les démarches.» Ainsi, Edwin a vite appris le langage des gamins et jure parfaitement en français!

Proximité et authenticité

Ces habitants de la cité bancaire, éphémères résidents des montagnes neuchâteloises, ont donc trouvé la ville accueillante. Au-delà du cliché de la ville où tout le monde se dit bonjour, ils ont ressenti une réelle chaleur, une proximité authentique.

Un des Chauxois rencontrés

Sophie et sa famille vont repartir, se replonger dans la culture germanophone. Cet été, elle ira enseigner aux aspirant∙es photoreporters son art du cadrage et de l’approche architecturale à l’école suisse de journalisme, Medien Ausbildung Zentrum à Lucerne.

À l’image du Journal Rencontre produit sur notre ville, son site est truffé de photos de bâtiments, de portraits et de paysages. Son intérêt pour l’architecture est né autour de Zurich où depuis quatre décennies, d’anciens bâtiments sont juxtaposés à ceux qui jaillissent de terre.

Rencontrer la photographe

Réunissant amis et personnages figurant dans le journal, un petit évènement en guise d’au revoir à La Tchaux du trio aura lieu à la Coquille le samedi 24 juin dès 14h30.
Couplé au vernissage du journal – tiré dans un premier temps à 150 exemplaires – cette rencontre sera l’occasion pour curieuses et curieux de découvrir et d’acquérir à prix préférentiel ce journal destiné à une brillant carrière collector.
Et de souhaiter bon vent à Sophie, Roger et Edwin.

Ils reviendront à la Chaux-de-Fonds, c’est sûr et certain.

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“Rencontre”, en vente 15.- francs à La Méridienne.

Déclaration d’intérêt: le rédacteur a travaillé avec Sophie sur plusieurs reportages en ligne sur ce site. Il figure dans le journal, avec la tête pensante et designer de 1000METRES.ch, Emeline Fichot. Merci Sophie.