Parcours agité d’un grain de café

Des hauts plateaux du Nicaragua à votre tasse, un grain de café vit des aventures ardentes. Avant de finir moulu, il est torréfié. Détails de son passage chez Admir cafés.

Je suis né sur les flancs du volcan Maderas, à 1000 mètres d’altitude, d’un caféier Arabica aux jolies fleur blanches. Ma mère est une cerise rouge – marque de sa maturité – cueillie à la main. À l’abri de maman, mon frère jumeau attend de sécher en ma compagnie au soleil, par terre ou sur des claies pour mieux profiter de la chaleur dégagée par le sol. Passons sur le moment traumatisant de notre séparation avec maman, dite dépulpage, un truc violent.

Fleur de café blanche © KENPEI, CC BY 3.0
Fleurs de café

Voyage au long cours

Seul, je suis alors séché une nouvelle fois, trié, tamisé et finalement ensaché (c’est étouffant dans la jute, avec des centaines de milliers d’autres grains transpirants, je vous jure) en vue d’un long transport intercontinental. D’abord je suis chargé sur un camion brinquebalant. Une fois au port sur l’Atlantique, transbahuté une fois encore, je prends le bateau pour Rotterdam, puis la péniche jusqu’en Suisse.

J’habite ainsi un temps chez un grossiste bâlois où je suis stocké en compagnie de plusieurs milliards de grains dans d’immenses silos. On m’a murmuré qu’ici, il y a plus de 3000 tonnes – grosso modo des dizaines de milliards de café – qui attendent les torréfacteurs, en 50 sortes différentes. Certaines sont lavées d’autres pas, j’ai pas trop pigé la différence, un grain lavé est censé être plus franc du collier, moins acide que le café au naturel. Allez savoir.

La réserve de robusta, arabica, etc…

Je ne reste pas longtemps dans le coude du Rhin. Re-camion jusqu’à ma destination finale: La Chaux-de-Fonds chez Admir cafés, rue Jaquet-Droz 5, au rez d’un vieil immeuble rénové. On me débarque avec plein (après les silos, j’ai renoncé à compter) d’autres grains de provenances diverses. Je glande dans l’arrière-boutique.

Racontars locaux

Pour tuer le temps, j’ai appris pas mal de truc sur Admir cafés en écoutant les rumeurs distillées au bar qui jouxte la brûlerie.
Fondée en 2004, cette entreprise familiale emploie cinq personnes. Elle a emménagé à la rue Jaquet-Droz 5 en 2017.
Bien que des jaloux prétendent que le succès d’Admir est suspect, contrairement à une certaine grande marque de Vevey, il n’y a pas de cocaïne cachée parmi les sacs ici.

Séjour en sac

Une fois par semaine, je sens d’autres sacs de café de 60 à 70 kg arriver. À côté de moi, il y a dans le local une trentaine de sortes de grains. Je fais presque le tour du monde rien qu’en les humant dans le bon air d’altitude: cela va du Brésil à l’Inde, en passant par le Vietnam, le Costa-Rica, le Nicaragua, le Pérou, l’Éthiopie, la liste en trop longue pour m’en souvenir.
Empilés sur des palettes, moi-même et les autres grains attendons d’être ouverts pour atteindre le but du périple, être torréfié à 1000 mètres. Il y a dans un buffet spécial, comme le veut la procédure de certification, les café bio. Histoire de ne pas mélanger les résidus de pesticides synthétiques et les restes naturels de décoction de plantes anti-moisissures. La portes est estampillée Bourgeon Suisse.

Mais je sens qu’on me bouge. Le sac est mis en position verticale.

Une fois la jute ouverte, en premier lieu, je suis aspiré pour tomber dans un gros entonnoir de pesage, 25 kg précisément, car la maison Admir ne torréfie que par petites quantité.

Le café passe par plein de tubes

Puis je suis réaspiré par un moteur plus puissant pour éliminer la poussière accumulée sur le parcours. C’est le prélude à de nombreux aller et retour dans les tuyaux qui relient les machines. Jusque-là je suis toujours du café dit vert.

Café “vert”

C’est plus une image que la réalité: la couleur d’un grain comme moi n’a rien d’une rainette dans son étang. Il y a même dans un sac voisin du café indien, appelé moussonné de Malabar, plus proche du blond que du vert.

Où je développe mon goût

Ma torréfaction est une science en soi. L’altitude, l’humidité de l’air, le type de chaleur, etc. tout cela serait fastidieux à détailler. Pour résumer, mon brûlage passe par plusieurs phases.
Sans entrer dans les secrets de fabrication, je subis dans le torréfacteur une bizarre cure d’amaigrissement grossissante: je perds 20% de mon poids en eau et je double de volume. Je suis brûlé à 200° C durant 15 à 20 minutes suivant la qualité de café recherchée. Le sucre présent dans mes cellules caramélise si on me chauffe trop. A basse température, l’arôme se développe mieux.

Durant la chauffe, vu que je double de volume à la manière du pop-corn, je perds ma pellicule argenté, qui est aspirée et retombe dans un grand tonneau. Après ce passage au torréfacteur, je glisse sur le refroidisseur où dans l’air brassé par un ventilateur que je n’ai pas pu voir.

Torréfacteur avec son refroidisseur

C’est l’image classique de la torréfaction: trois bras recourbés me tournent lentement sur une grille ronde pour dissiper la chaleur durant 7 à 10 minutes. Je suis alors réaspiré pour éliminer la poussière.

Après, j’arrive soit dans le moulin à café ou directement sur l’ensacheuse pour rejoindre d’autres grains dans un cornet étiqueté du nouveau logo flambant neuf d’Admir café.

Nouveau logo 2022

Ici, je peux finir sous trois formes différentes: moulu (dans une machine italienne de course ou presque), en dosette ronde ou en capsule compatibles.

Manufacture autonome

J’ai entendu qu’Admir cafés a acheté exprès une machine spéciale pour faire sur place les fameuses capsules. La manufacture sera ainsi 100% indépendante (sauf pour la fabrication des emballages bien entendu) à l’automne 2022, dès que les machines commandées arriveront. J’aimerais bien finir en capsule pour voir par où on passe, mais là je suis moulu dans un sachet classique de 250 g qui attend d’être vendu. Je côtoie de paquets plus grand de 500 g ou 1 kg. Question dénomination de leurs spécialités, une variété de bon aloi chez Admir: Eros, Pacha, Mocca, Ajaccio, etc.

Les lamas du Bois du P’tit

Zut, j’avais oublié, le passage au moulin à café m’a donné le tournis et je perds la mémoire. Les déchets sont recyclables, c’est bien connu. Mais où et comment utiliser les résidus de la torréfaction? Le gérant Anthony Adja a trouvé une solution élégante pour ma pellicule: elle nourrit les lamas du zoo du Bois du Petit Château (Muzoo). D’autres torréfacteurs les mettent à composter.

Résidus réservés aux lamas

À part la bonne odeur de café signalant à tout le quartier que j’ai été brûlé, la maison cherche par ailleurs à avoir le moins d’impact possible sur l’air de la ville. Elle a un énorme filtre à particules fines où plusieurs couches de laine de pierre et de charbons actifs absorbent les tous petits bouts calcinés qui irritent les poumons. Sans doute qu’un partie de moi-même y resté collé, tant mieux si c’est le cas, je n’ai pas fini en poussière dans le four, cela signifie que je ne suis pas trop cramé.

Filtre à particules fines

Un petit conseil avant de donner définitivement mon goût à votre tasse: ne me gardez pas trop longtemps dans une armoire à l’air libre: je déteste l’oxydation. L’épaisseur du sachet garantit une conservation bien plus longue, mais une fois ouvert, buvez-moi vite que diable!

«C’est bon pour la santé»

Ah, un dernier truc, que j’ai entendu en passant à la radio du bar: sachez, sans blague, que le café c’est bon pour la santé! Une étude de grande envergure, parue dans Annals of Internal Medicine a montré que celles et ceux qui boivent chaque jour entre 1,5 et 3,5 tasses de café ont de 16% à 21% de chance de tenir plus longtemps jusqu’au cimetière que les personnes qui ne boivent pas de café.

Un expert de la Grossman School of Medicine de New York, le Dr Eric Goldberg, précise qu’on se sait pas exactement ce qui rend le café bénéfique. Il suppute que les antioxydants qu’il contient peuvent prévenir ou repousser la mort des cellules. Ainsi, le café pourrait s’en prendre aux fameux radicaux libres qui endommagent les cellules.
Il conclut qu’il ne sert à rien d’ingurgiter trop de caféine: «La modération est préférable».

Impact écolo de la capsule alu?

Pour évaluer le bilan écologique du café, il s’agit de déterminer toutes les phases de la plantation à la tasse. Qu’est-ce qui est mieux – en capsule ou en vrac?

«En matière de bilans écologiques, il est important de ne pas comparer une pomme avec une poire mais un produit clairement défini. Dans ce cas précis, une tasse de café – ou plus précisément 40 millilitres de café. Le bilan écologique additionne toutes les charges environnementales qui surviennent jusqu’à la tasse de café prête: la culture dans la plantation de café, la récolte, le transport, la transformation, l’emballage, la préparation et l’élimination.
Quantis, une société de conseil d’entreprise spécialisée en durabilité, a réalisé sur mandat de la Coop un tel bilan écologique pour une tasse de café prête à être servie.
La capsule de café en aluminium obtient le meilleur résultat, en particulier si elle est entièrement recyclée. L’étude a examiné, outre la capsule en alu, aussi des capsules en plastique et en agroplastique, le café filtre et le café fait avec une machine automatique. Les charges supplémentaires liées à l’emballage de la capsule sont compensées par une diminution de la quantité de café utilisée (moins de grammes de café par capsule) et par l’optimisation de la phase d’utilisation. Par phase d’utilisation, on comprend l’impact environnemental de la machine à café, y compris sa fabrication, la phase de chauffage etc. Il est essentiel que les capsules soient entièrement recyclées. Pour cela, les clients doivent les ramener au magasin. C’est le seul moyen pour que la matière première, l’aluminium, reste dans le cycle et puisse être réutilisée.» (Karin Nowack, blog Bio Suisse).

Reste qu’on ne sait rien, dans le désert statistique suisse, du nombre de capsules jetées…

On boit plus de café que de thé dans le monde

Ces savants calculs n’enlèvent rien au charme de la méthode sans doute la plus efficace: la café à la machine-vapeur style italien, impact encore réduit si vous pratiquez la mouture manuelle à la maison.

 

Heures d’ouverture

Lundi – Vendredi

08:00 – 12:00 et 13:30 – 18:30

Samedi

08:00 – 15:00

 

Admir Cafés SA Torréfaction artisanale
Rue Jaquet-Droz 5

2300 La Chaux-de-Fonds

+41 (0)32 535 10 78

info@admir-cafes.ch