Portrait d’un saucisson costaud

Le saucisson neuchâtelois I.G.P. de chez Perroud est remarquable, de grands cuisiniers l’ont apprécié.

Le saucisson neuchâtelois IGP est une des spécialités de Bernard Perroud, patron de deux commerces de viande en ville. Sa boucherie de la Prairie vend depuis des années son saucisson connu loin à la ronde.

Mais qu’est-ce qu’un vrai saucisson neuchâtelois?
Si la recette maison est un secret de fabrication bien gardé, le principe est connu: selon le site Patrimoine culinaire, c’est «un saucisson cru et fumé de porc. Il appartient à la famille des saucisses dites à maturation interrompue (que l’on pourrait faire sécher, mais qui sont en général cuites alors qu’elles sont encore moelleuses) typiques de la Suisse romande.» Il est composé d’un mélange de viande de porc, soit deux tiers de viande maigre (de l’épaule souvent) pour un tiers de gras (de la bajoue). Le cahier des charges I.G.P. précise que ce mélange doit contenir 60% de viande maigre au minimum et 35% de matière grasse au maximum. Les épices admises ne sont pas nombreuses (sel, poivre et ail). Reste que chaque boucher a ses petits secrets.

Puis, toujours selon les indications I.G.P., le saucisson neuchâtelois doit être égoutté et suspendu à une ficelle pendant 12 heures au minimum à température ambiante. Entouré et protégé par un boyau de bœuf, le saucisson est alors fumé à froid, à une température de 25˚ C au maximum. Le fumage est effectué uniquement à partir de bois de résineux. Précision utile: le fumage dure souvent de 1 à 3 jours, c’est un fumage d’agrément gustatif plus que de conservation.

La durée minimale pour l’ensemble des étapes, du hachage à la vente au magasin, est de 36 heures. Il faut le consommer cuit, chaud ou froid, mais il doit toujours être d’abord poché à environ 80˚ C durant 30 à 40 minutes. Il est également bien apprécié en croûte.

Et bien sûr on le cuit aussi à la manière traditionnelle aussi, sous la braise, entouré de feuilles de choux véritables (blanc ou frisé, vous avez le choix) et de papier journal ficelé serré.

On salive rien qu’en le voyant
(© chez Heidi)

Parcours riche

Loin de ne faire que de la saucisse, ce boucher entreprenant propose aussi de l’agneau local labellisé bio, un délice onctueux. Principal atout, ses animaux paissent dans le canton – on peut parfois les apercevoir dans les vignes du Bas, nous y revenons plus bas. Il offre également de la viande fumée de cheval en deux variantes: séché à l’air ou séchée puis fumée. Il s’agit d’une spécialité appréciée dont la boucherie a hérité en reprenant les deux commerces et le laboratoire de la société Carnasec. C’était il y a deux ans bientôt.
Autre exclusivité reprise, la viande de cheval d’Islande, dont Bernard Perroud est fier. Il ne tarit pas d’éloges: «C’est une viande finement marbrée d’une tendreté exceptionnelle, due aux herbages rustiques qui poussent sur cette île nordique et volcanique». Signalons que le laboratoire est situé au fond de la rue de l’Hôtel-de-Ville, entre les deux sous-voies CFF.

Qu’est-ce qui a poussé ce natif de La Chaux-de-Fonds à devenir boucher? Ses parents, pardi, qui tenaient une boucherie rue de la Serre 8. Il a fait son apprentissage à Corcelles.

Après avoir passé une partie de sa carrière chez des grossistes (Bell et Vuillamy viandes près de Lausanne), il s’est mis à son compte en 2002 aux Ponts-de-Martel. De fil en aiguille, le commerce a grandi.

Un amour pour les moutons

Mais revenons aux moutons. «Passionné de bétail», Perroud décide, il y a une vingtaine d’années, de se lancer dans l’élevage d’agneaux certifié bio. Ses ovins sont basés à Planeyse au-dessus de Colombier (un plateau que les recrues connaissent bien). Gardé par un berger à plein-temps, son troupeau passé l’été à l’alpage, sous les Dents de Morcles entre Vaud et Valais. Ils paissent dans les vignes à l’automne. C’est en fait un échange de bons procédés entre vignerons du Bas et l’éleveur du Haut (comme quoi on gagne à collaborer par-dessus la Vue-des-Alpes).
Les moutons nettoient les vignes une fois les vendanges terminées et ils fournissent les viticulteurs en fumure. Les déjections de moutons sont en effet fort prisées des ceps. Et Perroud de livrer à ses client·es ainsi qu’aux hôtels et restaurants, une viande locale impeccable.

Mieux servir la clientèle

Pour distribuer plus largement ses produits, la boucherie s’est mise sur quatre roues, entendez que les marchées de Cernier et Neuchâtel sont desservis par un camion réfrigéré. Et à La Chaux-de-Fonds? Pas besoin de camions, le débit de viande de la Boucherie-Charcuterie de la Prairie est idéalement situé au coin de la place du Marché en face de la poste.

Disposant d’un vaste laboratoire équipé de frigos, séchoirs, étuves et tout ce qu’il faut pour préparer charcuteries, saucissons et autres jambons, cette entreprise offrant du travail à 20 équivalents plein temps, a un bel avenir devant elle.
Pour se faire connaître en dehors de la Ville, la Boucherie de la Prairie est présente lors de nombreuses foires et comptoirs, dégustations et autres festivités. Sans oublier un dernier canal de diffusion: saucisson est livré par la poste dans tout le pays.

Coup de cœur: la torrée

Le seul abattoir restant dans le canton, situé aux Ponts-de-Martel, s’occupe de réceptionner et préparer les bêtes achetées et sélectionnées par Bernard Perroud, animaux tous acquis localement. Ainsi, les porcs proviennent de la vallée de la Brévine et le gros bétail du Val-de-Ruz, les agneaux de son propre élevage certifié bio.

Ardent défenseur du saucisson neuchâtelois et des produits régionaux en général (il siège au comité de Neuchâtel Vin & Terroir, comme représentants de l’Association neuchâteloise des maîtres bouchers, ANMB). Il a œuvré à la torrée géante de Vivre la Chaux-de-Fonds aux Anciens Abattoirs de la Ville avec, devinez, son fameux saucisson!

Rien de tel qu’un bon feu au soleil pour saucissonner
(© Tourisme neuchâtelois)

Il fourni aussi de nombreux restaurants qui participent au Festin du 1er mars.

Toujours dans ce registre torrée champêtre, il a invité Claude Frôté et Federico Bertozzini (de Chez Sandro au Locle) pour déguster ce mets racé sur les hauteurs du Val-de-Ruz. Le reportage de Canal Alpha donne tous les trucs pour réussir la torrée.

Une nouveauté fidèle à la tradition

Finalement, ce saucisson costaud a trouvé sa place dans le tout nouveau «kit torrée» du Parc du Doubs. En partenariat avec K-Lumet de la Fondation des Perce-Neige pour l’allume-feu, de la ferme Sous-le-Mont aux Bois pour les patates et Nicolet Vins à Bevaix pour le Pinot Noir AOC et de Prim’heure à La Chaux-de-Fonds pour le choux, les gourmand·es ont à disposition un panier pour deux personnes avec tout ce qu’il faut (papier journal et ficelle y compris) pour la modique somme de 29.- CHF.

Déclaration d’intérêt: le journaliste bénévole a reçu pour les besoins du reportage, un saucisson neuchâtelois ainsi que du filet de cheval.