Communisme en Suisse: le retour de la rigueur

Cent ans après la mort de Lénine, rencontre avec Clara, pasionaria chauxoise du PCR. Elle fait revivre le communiste originel. Plongeon dans le marxisme léninisme version 3.0.

Le PCR n’a rien d’un test détectant le coronavirus, c’est le Parti Communiste Révolutionnaire. Ses quelques membres chauxois sont très actifs, on ne compte plus les affiches, stickers et invitation à la lutte des classes placés en ville.

Habile détournement façon Oncle Sam

Incollable sur le féminisme et le communisme, Clara est secrétaire politique du PCR, branche neuchâteloise. Bien structuré et hiérarchisé, ce parti en devenir tiendra sa conférence fondatrice de fondation entre le 10 et le 12 mai à Berne. Attention, si tout se passe comme prévu: un restaurant a déjà refusé de mettre une salle à disposition, la trouille de l’ours rouge avec un couteau entre les dents a la vie dure.

Enthousiasme et ardeur

Clara incarne le mouvement à La Chaux-de-Fonds. Jeune étudiante en fin de scolarité, 1000METRES.CH l’a rencontrée d’abord dans un bus TransN, habillée de pied en cap façon Armée Rouge, avec casquette, médailles et long manteau. Flamboyante.
Très concentrée lors de notre rendez-vous au Café du Marché, son enthousiasme est communicatif: «On est là plein d’espoir pour entamer la lutte contre le capitalisme. On cherche des gens qui nous rejoignent. C’est important d’avoir une base forte, formée de tous les gens dégoûtés par les horreurs du capitalisme, qu’il s’agisse d’injustices, d’exploitation ou de guerres».

Stand à Neuchâtel

Semaine de 20 heures

Prolixe, Clara ne tarit pas sur les projets et le programme du PCR: «On veut apporter notre solution, tout le monde travaille trop pour engraisser les actionnaires du grand capital, nous visons la semaine de 20 heures, c’est possible.»
«L’économie de profit créé une surproduction qui pose la base pour l’abondance du socialisme, mais nous devons produire selon le besoin et non selon le profit; produire par besoin permettra de travailler de moins en moins». Ainsi, en résumé, une économie collective et planifiée d’un état dirigé par les comités ouvriers permettra d’être plus efficace, si l’on axe l’économie sur les nécessités et pas sur les bénéfices sans cesse croissants.

Écoles de formation

De tout temps, les marxistes-léninistes ont attaché beaucoup d’importance à la conscientisation des adhérents existants ou à venir.

Père du matérialisme militant par “l’unité dans la volonté”

Ainsi le PCR a organisé en janvier un cours pour remémorer la pensée de Lénine, une école bolchévique à Genève. Articulée entre théorie et positions, la présence internet offre de nombreuses pages de lecture avec liste de livres recommandés et foire aux questions sur le marxisme.

Fer de lance: le journal

Pourtant le vecteur essentiel de la propagande en faveur de la lutte des classes reste l’imprimé, le bon vieux journal du parti, intitulé comme il se doit Le COMMUNISTE. 24 pages touffues, allant des récits de manifs au soutien à divers mouvements étudiants ou grèves, celle de Vetropac par exemple. Sans oublier une rubrique internationale où la guerre à Gaza tient le premier rôle à côté d’un mouvement social dans l’aciérie anglaise de Port Talbot.

Féminisme radical

Un exemple de rhétorique à propos du langage inclusif éclaire leur démarche: «Nous n’utilisons pas le langage épicène (…)
Nous ne le considérons pas comme une méthode efficace pour la libération des femmes ou des personnes queer; le langage est un reflet de notre société, pas la cause des oppressions – on ne peut pas se débarrasser de ces dernière en modifiant notre façon de parler! Cette méthode dévie la lutte de l’endroit où elle devrait être menée, dans la lutte des classes.»

En outre selon le PCR, «le langage épicène divise la classe ouvrière; ceux qui ne l’utilisent pas sont aussitôt pointés du doigt comme des ennemis qui perpétuent les inégalités – du pain béni pour les démagogues qui absorbent cette partie de la classe ouvrière dégoûtée par les discours de la gauche!»

«Si nous voulons lutter efficacement pour la libération des femmes et des personnes queer nous devons le faire unis, libérés de toute confusion autour d’un programme avec de réelles méthodes.»

Présence sur la Toile

Bien au courant de l’importance des réseaux sociaux, le PCR donne de petites formations sur Insta. Comme celle sur le vote et le réformisme, attitude politique peu goûtée – sans surprise – par ces purs et durs. Jamais avares de précisions, les petites vidéos du PCR traitent de très nombreux sujets qu’il n’est pas possible de répertorier ici.

 

Ramifications internationales

Tout mouvement se réclamant du léninisme se doit d’avoir des équivalents dans de nombreux pays. Faisant partie de la Tendance marxiste Internationale (TMI), le PCR est ainsi entouré d’une cinquantaine d’autres organisations suivant la même ligne marxiste, léniniste et trotskiste.

Pourquoi cette renaissance?

Si de prime abord, il peut sembler étonnant de voir ressurgir à notre époque un parti communiste très organisé avec une avant-garde concentrée sur la diffusion de ses idées, cet étonnement n’est pas de mise: l’incertitude au niveau international et climatique, la perte de crédibilité des élites politiques en place, le peu de place laissée au jeunes dans le débat sociétal aujourd’hui explique en grande partie cette résurgence.

La perspective de créer une organisation solide, cohérente, qui ne se laisse pas aller à l’opportunisme idéologique est tentante: on sait où l’on veut aller, on se donne les moyens de faire du prosélytisme en créant un média portant le nom fétiche, cela rassure. Le but selon Clara, est «d’avoir une direction révolutionnaire stable, pour nous mener à la prise du pouvoir, en recrutant et en organisant celles et ceux qui se rendent compte que la capitalisme est pourri».

Grille d’analyse solide

Ajoutez une pincée d’idées choc, une bonne dose de matérialisme dialectique et une grille d’analyse solide: la mayonnaise a pris, il y a de bonnes chance que le PCR trouve ses 500 premiers adhérents d’ici sa fondation officielle.

Bonne chance à Clara et ses camarades!