Ligne CFF sur Bienne peu attractive

Prendre le train de La Chaux-de-Fonds à Bienne, c’est pas top. Le transport est parfois assuré par car. Après un congrès à St-Imier, les CFF taxent 60’000 francs aux anarchistes.

Sur du matériel roulant du siècle passé rénové en 2009, le trajet ferroviaire en Regio Express ou Regio entre les deux villes horlogères passe dans les impressionnant gorges du Taubenloch. La ligne peine pourtant à convaincre par sa fréquence à l’heure et ses correspondances trop serrées à la gare des montagnes neuchâteloises. En outre, des interruptions relativement fréquentes péjorent son attractivité. Tour d’horizon.

En gare au départ de voie 3

Ligne à deux destinations

Précision pour celles et ceux ne pratiquant pas le rail: ce tronçon dessert Sonceboz où les deux rames du Regio Express formant un convoi depuis Bienne se séparent, la première allant à Moutier, l’autre poursuivant sur Courtelary/St-Imier en direction de notre ville.

Client régulier sur ce parcours, le reporter de 1000METTES.CH s’est adressé aux CFF pour y voir plus clair sur les nombreux retards et interruptions.
Au service de presse du Centre d’exploitation Ouest, le porte-parole Jean-Philippe Schmidt explique:
«Plusieurs facteurs peuvent influencer la circulation des trains sur la ligne: la simple voie (qui donne peu de flexibilité au système, par exemple en cas de panne d’un train), le concept de circulation avec le système de coupe-accroche à Sonceboz, pour lequel des attelages automatiques sont nécessaires sur les rames.
La combinaison de ces facteurs fait que le risque de perturbation est potentiellement plus élevé que sur une ligne à double voie par exemple. Les chantiers planifiés sur la ligne impliquent également un changement d’habitude pour les clients, avec des horaires modifiés et des remplacements par bus selon les chantiers.»

Arrivée par le tunnel de la Combe

Les travaux de rehaussement des quais en gares de St-Imier et de Sonceboz ont ainsi bloqué plusieurs semaines la circulation des trains le soir.

TransN n’attend pas le soir

Un détail de coordination plombe la fréquentation sur la ligne: dès 20h34 toutes les heures, les omnibus Regio de Bienne arrivent à La Chaux-de-Fonds deux minutes après que les bus TransN ont quitté la gare. Et voyageuses et voyageurs d’attendre 25 minutes pour prendre le prochain bus dont la cadence à la demi-heure dès 20h32 n’est guère optimale. Seul les derniers bus attendent la correspondance à 23h37.

Affichage peu fiable

Sur ce tronçon, les CFF notent qu’un «suivi qualitatif est fait spécialement pour la ligne, avec un point concernant l’affichage des destinations sur le train au départ de Bienne. Des mesures sont déclenchées si nécessaire». Entendez que si l’affichage indique Moutier dans toutes les voitures et sur la cabine de pilotage alors qu’une moitié va à La Tchaux, des informations sont fournies aux gares de Bienne et Sonceboz par du personnel présent sur les quais ou par un message vocal dans les wagons.
Prudence en montant dans le train à Bienne 😉.

Affichage intérieur de l’omnibus

Attelage automatique délicat

Le convoi partant de Bienne peine parfois à se séparer arrivé à Sonceboz. En effet, ajoutés sur d’anciennes rames, les attelages automatiques renâclent à se séparer en cas de panne, neige ou gel. Complexe, cette mécanique d’attelage hydraulico-électrique évite d’avoir en permanence des cheminots pour découpler les trains de l’aube à minuit ou d’immobiliser les convois le temps que le mécanicien descende de sa cabine pour effectuer la manœuvre.

Matériel rénové

Les rames circulant actuellement sont de type Domino (ex-Colibri). Construites entre 1984 et 1996, elles ont été complétées au milieu, à partir de 2009, par un wagon neuf. En effet, vu les difficultés d’accès (les portes ne sont pas à niveau du quai), les CFF ont ajouté, entre l’automotrice et la voiture-pilote, une voiture surbaissée intermédiaire, équipée de WC accessibles aux personnes avec handicap.

Ces rames de 172 places assises où règne le principe de l’auto-contrôle, sont équipées d’amplificateur du réseau mobile, de sièges pour les personnes à mobilité réduite, d’emplacement pour vélos et poussettes. La caténaire a été renouvelée récemment, la voie est périodiquement assainie.

L’époque du rebroussement aux Convers

Cette ligne de 44 km a été inaugurée en 1888. Les premiers trains ne passaient pas sous le Mont Cornu parle tunnel qui sort aux Crosettes (1618 m), mais circulaient via Le Creux / les Convers où ils rebroussaient chemin pour parvenir à la métropole horlogère. Cette ligne présentait un intérêt pour l’armé qui pouvait ainsi parvenir à Neuchâtel sans passer par La Chaux-de-Fonds.
Ce tracé a été définitivement abandonné lorsque les tunnels routiers sous la Vue-des-Alpes (inaugurés en 1994) ont sonné le glas de ce raccourci St-Imier/les Hauts-Geneveys, fermé depuis 1895.

Mieux vaut tard que jamais

Conçu il y a près de 40 ans, les convois actuels seront remplacés. Mais il faudra patienter: «Le remplacement des rames Domino qui circulent dans le secteur est prévu dans le cadre du renouvellement des véhicules les plus anciens de la flotte régionale à un niveau des CFF. Les premiers exemplaires seront mis en service à partir de 2026 sur le réseau et déployés ensuite progressivement. Le Jura bernois en bénéficiera à l’horizon 2029/2030».

Intérieur de 2009 et sa caméra (à dr. en haut)

En effet, les fonds des collectivités publiques cantonales et communales doivent contribuer à l’achat du matériel roulant. Voilà pourquoi on trouve de beaux trains sur les lignes touristiques rentables de l’Oberland bernois par exemple.

Lente correspondances sur Bâle 

Nous avons interrogé Blaise Nussbaum, ferrovipathe et membre de l’association des journalistes ferroviaires suisses. Membre de la CITRAP Neuchâtel, il prône entre autres le maintien du Régional pour les Brenets.

Pour valoriser la ligne du Vallon de St-Imier, la CITRAP Neuchâtel appelle de ses vœux le rétablissement d’une correspondance rapide vers Bâle en gare de Bienne. En effet depuis la suppression des IC directs Lausanne-Bâle, la correspondance avec la cité rhénane n’est assurée qu’en changeant deux fois, à Bienne puis à Olten.
Sinon, paumant 13 minutes, vous prenez un traclet de xxh42 qui s’arrête partout pour prendre l’InterCity 51 sans changement jusqu’à Bâle CFF.

Cadence à revoir

Blaise Nussbaum souhaiterait que la cadence à la demi-heure soit introduite sur Bienne au moins durant les heures de fort trafic entre 6h et 8h du matin et de 16h à 19h.
Les CFF ne veulent pas en entendre parler pour l’instant:
«L’infrastructure à simple voie actuelle limite les développements ferroviaires sur la ligne. Des mesures d’aménagement (points de croisements par exemple) sont nécessaires pour augmenter la cadence et cela doit être financé dans le cadre des étapes d’aménagement, menés par la Confédération, en collaboration avec les cantons». Toujours la question des gros sous.

Clé de répartition

Qui doit payer les améliorations souhaitables? Comment les cantons de Berne et Neuchâtel se répartissent le financement des améliorations , existe-t-il une clé fixe? «Une clé de répartition est bien prévue dans le cadre du processus des offres du trafic régional, entre les cantons de BE, NE et la Confédération. Celle-ci est convenue entre ces commanditaires», assure le porte-parole Schmidt.
Vu l’état des finances neuchâteloises, ce n’est pas demain la veille que la ligne Bienne/La Chaux-de-Fonds risque d’être revalorisée.

Interruption anarchique

Mis sur pied pour fêter les 150 ans de la Fédération anarchiste à St-Imier, le festival RIA accueillait quelques milliers de personnes au camping provisoire installé en contrebas de la ligne de train. Certains festivaliers traversaient sans trop se soucier la voie CFF en dehors de passages à niveau. Patatras, la circulation de trains a été interrompue durant le festival anar (19-23 juillet 2023).
Pour ne pas enflammer les esprits, vu la nature rebelle à l’autorité des anarchistes réunis, les organisateurs avaient convenu avec la gendarmerie bernoise que la présence policière serait réduite au minimum.

Pénalité salée

Ayant aperçu des quidams franchissant les voies, des mécaniciens avisés ont dans un premier temps, réduit leur vitesse à 20 km/h et sifflé, comme le petit train rouge qui bouge des Franches-Montagnes lorsqu’il circule en ville rue du Manège et du Crêt.

Or de moins avisés responsables des chemins de fer fédéraux réclament maintenant 60’000 francs aux organisateurs. Les gens pensent-ils sérieusement qu’il était possible encadrer 5000 anarchistes de tous bords pendant cinq jours pour les empêcher de traverses les voies? À moins de placer un cordon de police permanent, il est difficile d’imaginer sécuriser à 100% le kilomètre avant la gare de St-Imier. Interrogés, les CFF «ne donnent pas d’informations sur ce thème pour l’instant.»
Selon Watson, des négociations seraient en cours.

Avenir étriqué

Revenons au train. 1000METRES.CH a voulu savoir si la ligne sera prolongée d’ici 5 ou 10 ans jusqu’au Locle – comme cela a été le cas dans les années 90 – voire allongée jusqu’à Berne afin d’avoir une alternative au BLS CdF-Berne via Neuchâtel, parfois interrompue elle aussi?

Parti pour Bienne

Réponse détaillée, quoique négative:

Il n’est pas prévu de prolonger les trains en direction du Locle ou de Berne, cela pour plusieurs raisons.

Prolongation pour Le Locle:

–          L’offre actuelle pour desservir Le Locle est optimale en termes de production et correspond à la demande, qui est depuis le Locle beaucoup plus orientée en direction de Neuchâtel que de Bienne.
–          Une prolongation a été mise exceptionnellement en place durant 8 mois en 2021, durant l’interruption de la ligne Neuchâtel – La Chaux-de-Fonds, car cela permettait d’offrir des prestations temporairement meilleures dans le contexte des travaux.

–          La capacité de la ligne La Chaux-de-Fonds – Le Locle ne permet pas d’offrir des produits supplémentaires liés à la ligne Bienne – La Chaux-de-Fonds.
–          A plus long terme, avec l’ouverture de la ligne directe Neuchâtel – La Chaux-de-Fonds, il est prévu d’offrir une cadence 15 minutes entre Neuchâtel et Le Locle. Il n’est donc pas non plus prévu d’intégrer des trains prolongés vers le Locle depuis Bienne.

Prolongation pour Berne:

–          La demande entre Bienne et Berne impose la circulation de trains à deux étages, qui ne peuvent pas rouler sur la ligne Bienne – La Chaux-de-Fonds en raison notamment des tunnels qui ne sont pas prévus pour ce type de matériel.
–          Des trains transitant par la gare de Bienne devraient traverser l’ensemble des voies de la gare pour continuer ensuite en direction de Berne, ce qui est, avec le volume important de trains traversant la gare de Bienne, n’est pas faisable (cisaillement de toutes les voies). La ligne de Chaux-de-Fonds est côté nord alors que le départ pour Bern côté sud.

Rame ancienne (à g.) couplée au wagon intermédiaire

Ainsi la situation en matière de transfert modal ne va pas évoluer pour l’instant, La Chaux-de-Fonds demeurera parent pauvre en matière ferroviaire.
Les voitures ont encore de beaux jours devant elles … si le trou de la H18 est creusé.

 

Photos: Nadia Vuilleumier