Daniel Künzi relève un défi majeur et crée la controverse!

Un film sur des violences policières durant le confinement fait le buzz sur le Net. Mais le documentaire est refusé par les cinémas et la TV. L’avis du réalisateur déçu.

Entre Noël et Nouvel An, je tombe par hasard sur l’ami Daniel Künzi à la librairie La Méridienne. Il me saisit la main avec sa bonhommie coutumière. Puis passe illico à l’essentiel: «Il faut que tu l’saches, mon dernier film est censuré à la diffusion par les programmateurs des salles de cinéma en Suisse.» Stupeur, Künzi est plutôt le bienvenu d’habitude, ses films attirent le public.

Silence en salle

«J’ai envoyé plus de 250 courriels aux salles de Suisse: soit ils n’ont pas répondu soit ils ont refusé de passer Film COVID». Daniel m’a conté pendant une demi-heure diverses anecdotes en relation avec la genèse de son dernier film. Compte-rendu édifiant dont il ressort une grande crainte de parler de ce qui s’est passé entre 2020 et 2022.
À croire que les propriétaires de salle ont peur de voir des gens s’asseoir devant leurs écrans.

Démission: trop de contraintes chez Swiss

Le plus étonnant est que même les anars d’Espace Noir ont reculé devant son offre; après avoir tenu réunion, les gars de St-Imier ont fait savoir qu’ils étaient trop divisés pour se décider à prendre ce risque.
D’autres salles ont expliqué ne pas vouloir projeter ce documentaire, car «nous savons qui va venir voir ce film».

Documentaliste vif et opiniâtre

Avec une vingtaine de films à son actif, l’anarcho-trotskiste Künzi sait poser les questions faisant mouche et sonder des esprits avertis sachant commenter sobrement.
Chauxois de naissance et de cœur, la soixantaine bien entamée, Daniel Künzi s’est établi il y a des années au bout du lac à Genève. Il passe par ici chaque fois qu’il sort un nouveau brûlot.

Si vous n’avez pas suivi sa carrière derrière la caméra, sachez que Daniel Künzi connaît ses gammes cinématographiques. En effet,  il titre son dernier documentaire Film COVID: clin d’œil à Godard. Le sous-titre est plus explicite: Totalitarisme helvétique?!
Cette précision peut expliquer le rejet de quelques programmateurs frileux, mais l’écrasante majorité? En effet, une seule salle a répondu favorablement à l’offre du Genevois, La Grange à Delémont. «Même aux Breuleux où il y a quelques années,j’ai rempli deux fois la salle en une journée avec Enracinés à leur terre, on m’a poliment envoyé sur les roses», souligne le censuré à la diffusion.

Succès en ligne

Avec 3000 vue en un mois, ce docu frappeur a pulvérisé le précédent record maison de Künzi: en deux ans, son film sur les paysans du Jura avait fait 7000 vues. «Plus de 200 personnes inconnues m’ont contacté pour savoir quand ce film sortira et où, du jamais vu.»
Film COVID passera en avant-première à Genève le mercredi 17 janvier 2024 à 20h, à l’Auditorium Arditi.

 

Fidèle à sa révolte datant de l’adolescence, Künzi pourfend avec vigueur les clichés helvétiques. Sans s’embarrasser de susceptibilités politiques ou médiatiques, il remet les pendules à l’heure.
Pour cogner le Covid, il a approché deux vedettes médiatiques romandes, Suzette Sandoz et Jacques Pilet. Le journaliste note que durant cette période, tout a été présenté sous l’angle du pire possible. Quant à la juriste et ex-politicienne libérale vaudoise, peu suspecte de gauchisme effréné, elle affirme sans sourciller que l’épisode des pleins pouvoirs du Conseil fédéral a tout du totalitarisme.

Témoignages qui font mal

Outre ces doctes intervenant·es, le réalisateur a réuni devant sa caméra quinze témoins de tous horizons: une hôtesse de l’air, un étudiant en médecine, un syndicaliste, une internaute qui met trop de likes, un gars en quarantaine, un automobiliste sans masque et une brochette de gens ayant refusés de montrer leur pass.

Syndicats genevois vent debout: ils avaient pourtant le droit de manifester

Ces témoignages frappent par leur constance: les autorités étaient inflexibles, les agents sans pitié; pas d’exception possible, l’intransigeance est reine, un faux pas est déjà une infraction. Et une première interpellation mène à l’amende ou à une dénonciation au juge.

Connaître l’oiseau de proie

Engagé sans concession à la manière d’un Michael Moore, Künzi travaille en plein jour, mais il semblerait que d’aucuns aimeraient le rejeter dans l’ombre.
Histoire d’en savoir plus et d’entendre en différé la voix de ce maître au verbe aiguisé, branchez vous dix minutes sur une interview vidéo récente où il donne force détails croustillants sur le financement de ce film qui lui a coûté 320’000 francs. Sans oublier les difficulté à faire parler des principaux responsables de la gabegie intercantonale de la gestion covidienne. Et les silences officiels qui ont ponctué son tournage.

Vilain Künzi et la marionnette

Cela me rappelle une bulle de Mix et Remix où l’enquêteur dit au téléphone: «… Vous ne parlez pas aux journalistes?!!! C’est fort ennuyeux: je vais devoir écrire n’importe quoi!» C’est ce qui est arrivé au réalisateur: cherchant à interviewer Alain Berset pour son film en 2023, ce dernier n’avait pas le temps. Faute de pouvoir de filmer le président le Confédération, Künzi l’a portraituré en marionnette. «J’ai dû filmer n’importe quoi», rigole Daniel.

Mal lui en a pris: l’Office fédéral de culture (OFC) a motivé son refus de subventionner le docu en se questionnant sérieusement s’il est possible de représenter une personnage politique encore en fonction par une marionnette? Quand l’OFC ne sait plus comment argumenter sur le fond, il s’en prend à la forme … La TSR a aussi trouvé le procédé cavalier. Résultat: zéro Film COVID sur la chaîne nationale.

En outre Daniel m’explique que Mauro Poggia, chef du Département de la santé genevoise à l’époque, a aussi décliné sa demande de rencontre: ouvert dans un premier temps, Poggia a voulu prendre connaissance des questions.
Là, fin du dialogue: refus net de répondre aux interrogations pertinentes quoique dérangeantes du documentaliste.

Nos élites sont abonnés absents dès qu’on touche un sujet sensible, elles n’ont aucune volonté de parler à un contradicteur.

Fin de l’empathie?

Les regards haineux envers ceux qui ne portaient pas de masque et les propos vindicatifs dans la rue ou sur les réseaux sociaux à propos des gens ayant choisi de se passer d’immunisation demeurent une évidence qui fait froid dans le dos.
S’il n’y a pas eu comme certains le souhaitaient – ouf, on respire – d’extermination des non-masqués, l’hostilité affichée à découvert face aux sceptiques ressemblait étrangement à celle exprimée autrefois face aux porteurs de l’étoile jaune ou de triangles marron, rose ou violet. Ce qui fait mal à 80 ans d’intervalle est non la similitude d’attitude ou de pensée, mais l’absence d’empathie.

La mémoire demeure vivante

La crise COVID n’a pas duré, les énormités verbales proférées entre 2020 et 2022 se couvrent lentement de poussière. Grâce au film de Künzi, les actes policiers et leurs suites judiciaires ne passeront, elles, pas à la trappe de l’oubli.

Pas de pass?

Inutile de se boucher les oreilles 🙉 et de fermer les yeux 🙈: face aux pandémies qui surviendront, le suivisme 🙊 n’est pas la seule solution. Il y aura toujours des résistances tant aux microbes qu’aux absurdités dictées par la peur.

Déclaration d’intérêt: greffé pulmonaire (et pas avec des poumons de cochons comme une partie de la population informé à la va-vite persiste à croire), le chroniqueur a été vacciné 6x contre divers coronavirus. En compagnie de Daniel Künzi, il a été membre d’une troupe de joyeux cadets de l’UCJG/YMCA. Comme le cinéaste, il a été fiché par la police fédérale pour antimilitarisme aggravé (quelques graffitis sur le murs de la ville en 1973). Ni l’un ni l’autre ne sont complotistes.

Photos: Production de Films Maison DK