La Brasserie La Meute se perfectionne et grandit

De nouvelles cuves de fermentation réfrigérées, un flacon de 75 cl pour la Gypaète 100% suisse, la brasserie fait sa mue d’automne. Inauguration vendredi 17 et samedi 18 novembre.

L’équipe des brasseurs à l’étrange logo animalier – ils ont dû déguster longuement leurs produits pour voir un ours transportant un gorille et un suricate* – a pris un important virage en 2023: installation de quatre nouvelles cuves de fermentation. Réfrigérées, elles permettent une meilleure surveillance de l’évolution de la bière en devenir.

Prometteuses cuves flambant neuves

Pour visiter les lieux 1000METRES.CH a été guidé par Jon Tschan, l’un des fondateurs de la Brasserie. La photographe et le reporter ont pu suivre le parcours du précieux liquide d’une phase à l’autre de sa fabrication.

De la cuisine à la ferblanterie

Ouverte en 2016, la brasserie La Meute est née de la volonté de quelques aficionados de la bière de vivre en fabricant ce produit. «Au début, on brassait dans nos cuisines, pour les copains- copines. Petit à petit est née l’idée de monter une vraie brasserie et pourquoi pas, d’en vivre, de sortir quelques salaires», raconte Jon.

La tanière de la bête et son houblon grimpant

Après quelques recherches, une cave et un atelier sont loués dans un vieil immeuble qui abritait la ferblanterie Maurer. Situé rue de la Colombe, mais curieusement numéroté Hôtel-de-Ville 7b, la bicoque vétuste se prête bien à l’exercice. «Il a fallu nous retrousser les manches pour aménager; on a fait le maximum nous-même. Au bout de neuf mois, on a commencé à brasser tranquille, étape, par étape». Pas d’endettement bancaire à La Meute, les 12’000 francs initiaux ont été réunis via financement participatif.

Un logo allumé

Par la suite la brasserie La Meute s’est étendue, louant pour le stockage un garage creusé dans le calcaire de la rue de l’Hôtel-de-Ville.

Réfrigération contrôlée

Made in China, les nouvelles cuves inox sont équipées d’un double manteau qui permet de maintenir durant la fermentation les cuvées à température constante. Le système fonctionne au glycol, un antigel classique qui circule entre les doubles paroi de la cuve. Acquis en leasing, ces tanks high-tech bénéficient d’une maintenance helvétique. En effet, l’ingénieur-importateur qui a conçu cette extension habite le Tessin.

Processus résumé

Schématiquement, l’installation a deux fonctions: refroidir ou réchauffer le liquide en fermentation. Ainsi thermorégulées, ces cuves permettent une meilleure surveillance de l’évolution de la bière en devenir.

Cockpit du brasseur

Améliorer capacité et diversité

L’ambition n’est pas de donner ici une leçon de fabrication, présentons les avantages de cet important investissement pour La Meute: d’une part, la production pourra être pratiquement doublée, histoire d’arriver à quelque 72’000 litres par année. D’autre part, disposant de plus de capacités de fermentation, l’équipe envisage de diversifier les types de bières brassées tout en disposant d’une meilleure répartition du travail. «On aura plus de souplesse», résume Jon. Cela laisse augurer de nouvelles exclusivités.

Intérieur d’une cuve de brassage

Sachez que les deux cuves de brassage en cuivre, en service depuis 2020, sont des occases provenant de la Brasserie du Jorat.

Nettoyer, encore nettoyer

À la Meute, l’eau est est un élément-clé. D’abord pour mouiller le brassin, compter 850 litres d’eau pour 600 litres de bière, et surtout pour nettoyer, briquer, désinfecter cuves, tuyaux, pompes et sols. L’hygiène est en effet indispensable pour la santé des clientes et de l’entreprise. En effet, le SCAV est toujours en embuscade, afin de vérifier si l’autocontrôle est appliqué. À l’interne, un protocole d’hygiène strict relevant types de produits à employer et durée de nettoyage a été mis en place par une société spécialisée dans le contrôle du brassage.

Nettoyage et balayage sont les deux mamelles de l’hygiène brassicole

«Une très grande partie de notre temps de travail est consacré au nettoyage», précise Kevin. Il nous enjoint dans la foulée de ne pas toucher un récipient en inox en train d’être désinfecté à chaud.
Brosse à récurer, seaux, écouvillon de tailles diverses pour récurer les tubes coudés, toute une panoplie dédiée à la propreté est dispersée dans le local principal. Le lavage des fûts pour la pression suit aussi une procédure millimétrée.

Eau chaude à gogo

Une énorme cuve remplie d’eau chaude trône au coin du local de stockage. Elle ne sert pas qu’à la putze. Jon explique: «C’est de l’eau de source du bassin de l’Areuse, purifiée par rayons ultraviolets (UV), pas de chlore à craindre dans nos bière. Bon parfois ça peut être de l’eau du lac qui passe dans les conduites SIVAMO du tunnel sous la Vue-de-Alpes. Cette eau chaude sert tant au nettoyage qu’au mouillage de la bière».

Un assortiment qui donne soif

Certes, la facture d’eau et d’électricité va bondir avec ce qu’engloutiront les 4 cuves récemment mises en service. «S’y ajoute que le verre brun fabriqué surtout dans les pays de l’Est européen, a vu son prix prendre l’ascenseur», soupire le brasseur.

Où boire sa Meute préférée

Présentes dans une douzaine de restaurants et bar du canton, les ale et autres spécialités de La Meute sont également distribuées en Romandie par deux grossistes. On peut aussi commander en ligne sa Fennec, sa Phacochère ou son Alpaca bio.

Travail égal, salaire égal

Le modèle salarial pratiqué par La Meute est hérité des années 70 où les collectifs idéalistes ont fleuri en Suisse: tout le monde est payé au même salaire horaire. «Bon, on ne deviendra jamais millionnaires», avoue Jon.
«On est tiraillé entre être accessible à touxtes, demeurer concurrentiel à la vente en fûts tout en versant nos salaires. Avec des céréales en majorité bavaroises et notre logique de petite production, on arrive à sortir des bières qui plaisent. La bio coûte 30 centimes de plus la 33 cl, c’est bien accepté par la clientèle».
Ils sont 5 à travailler au brassage et 4 au bar, tous à temps plus ou moins partiel.

Perspective bière

Logique durable

Privilégiant courtes distances et  produits biologiques, La Meute entend donner du sens à sa démarche. Pour l’instant, la bière est capsulée dans des flacons non repris.
Une ambition à long terme serait de passer aux bouteilles consignées et des laver.

Parlant d’embouteillage, la brasserie s’est équipée récemment d’une petite remplisseuse à carrousel et d’une capsuleuse. «Avant, remplissait les flacons un à un, et on se faisait des tendinites en capsulant manuellement, maintenant, ça va plus vite avec moins d’efforts», assure Jon. Les économies d’énergies sont  à l’ordre du jour de La Meute!

Fûts prêt à partir

«Nous avons le plaisir d’offrir ici au bar des produits européens fabriqués artisanalement par des brasseries indépendantes», s’exclame Jon, tout sourire.

Musique et pression

Dans la veine cohérence et sens, La Meute organise une fois par mois environ des concert à la Brasserie.

Endroit à ne pas confondre avec le Bar de La Meute, Rue Fritz-Courvoisier 1, ouvert en mars 2022. Les deux entités sont juridiquement distinctes, la brasserie vend ses bière au bar qui les revend.

Tireuse du local de concert à la brasserie

Retour à la culture sonore dans la petite salle de visite, qui sert parfois de coin de pause. Guitariste-chanteur à ses heures, Jon jour épisodiquement. Il sait organiser des évènements culturels: autrefois animateur social à Lausanne, il connaît le cirque des autorisations. «Nous investissons du temps bénévolement pour cette activité», annonce le fan de soirée musicale. «Nous privilégions les collaborations avec d’autres gens, comme récemment avec le Conservatoire ou encore “Lead Sisters”, un label qui fait la promotion des femmes dans le milieu musical.»

Concasseuse à céréales maltées

Pas d’animations indoor en été, la terrasse du bar est plus attirante. Le bar à musique peut accueillir une cinquantaine de personnes debout. Le local peut être privatisé pour fêtes, apéros dînatoires ou sorties de boîte.

Planter du houblon chez soi

Une particularité a permis à la nouvelle Gypaète d’être estampillée Neuchâtel Vin +Terroir. Pour avoir doit au label, il faut que 100% des composants du produit, céréale et houblon, aient poussé dans le canton. La Meute a trouvé de l’orge bio à Wavre, l’eau est locale, manquait les cônes de houblon du cru.

Houblon frais et pellets congelés

Les brasseurs ont imaginé faire bosser leur clients. Autrement dit, c’est de la bière participative. La Meute fournit les plants, les amis du houblon fournissent le jardin et les soins attentifs. Attention, cette dicotylédone à tige volubile fait de longues lianes, prévoir de la place en hauteur.
Lancée en 2020, cette formule originale réunit un meute de houblonniers qui cultive une centaine de plants. À noter que l’antenne des Perce-Neige du Val-de-Travers fournit plusieurs caisses. «On pourrait créer un cuvée Perce-Neige si ça continue» imagine Jon qui a bossé pour cette institution avant de se mettre à touiller les brassins.

 

Cueillette coordonnée

Le hic est que touxtes les houblonnier·ères doivent récolter en même temps les cônes qui fixent le goût dans la bière. La Meute demande des photos de la plante pour déterminer si elle est bien à maturité. Puis fixe la date de livraison.
L’objectif est de brasser du houblon frais alors qu’il est en général congelé en petit pellets. Il s’agit d’apporter le même jour la cueillette aux brasseurs. Grâce à ce houblon local, La Meute produit 4 cuvées de 700 litres. «Inscrivez-vous, on est jamais assez», lance Jon, toujours à l’affût de nouvelles recrues.

Pédaler dans la bière

À noter enfin une autre activité annexe de cette dynamique brasserie: comme ils sont fans de vélo, ils pédalent pour la Flèche Brassicole, deux parcours bièreux pour vieux vélos et assoiffé·es de kilomètres. Prochain départ le 24 août 2024.

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N.B. On peut visiter la Brasserie par groupe de 5 au minimum, comptez deux heures environ entre les explications et la dégustation.

* Le logo et les étiquettes sont dessinés par l’illustrateur Jérémy Gigon, le graphisme assuré par Nicolas Jordy et le tout est imprimé chez Lenzlinger à Neuchâtel.

Rouleau prêt à l’emploi

Photos © Nadia Vuilleumier

Déclaration d’intérêt: le journaliste bénévole a reçu pour les besoins du reportage, une bouteille de Gypaète Vin + Terroir NE 75 cl.